Les progrès rapides de la génétique vont-ils aboutir à des bébés en parfaite santé ou encore sur mesure? Cette recherche britannique, qui exploite un mécanisme original de modification de l’ADN par injection d’une enzyme (Cas9), suggère la possibilité d’intervenir sur l’ADN, au tout premier stade de la fécondation. Les résultats, présentés dans les Scientific Reports, suggèrent de plus larges utilisations médicales, comme » l’édition de gènes » liés à des maladies génétiques ou, des utilisations plus sujettes à débat éthique, comme le choix de la couleur des yeux du bébé.
La technique en question repose sur l’injection d’une enzyme (Cas9) capable de couper des liaisons à l’intérieur de l’ADN, de petits ARN permettant de guider l’enzyme Cas9 à son emplacement cible dans le génome. La technique permet, finalement de » découper » les gènes ciblés. Quelques recherches ont déjà apporté la preuve de concept de cette nouvelle » technique » pour induire une coupure spécifique dans un site du génome de cellules de plantes, de vers, de souris ou même humaines.
Cependant, on ignore si cette » édition génomique » peut intervenir au tout début du développement embryonnaire, avant l’embryogenèse pronucléaire (soit au stade cellulaire des noyaux, l’un provenant du spermatozoïde, l’autre de l’ovule, les 2 n’ayant pas encore fusionné).
Cette recherche de l’University of Bath (Angleterre) a donc regardé si l’ADN de mammifères peut être » modifié » avec cette technique, au moment de la conception. Les chercheurs ont recueilli des ovules et des cellules spermatozoïdes de souris âgées de 8 à 12 semaines. L’expérience débute par une fécondation in vitro avec injection d’une cellule de sperme (ICSI-visuel) de souris dans des ovocytes de la souris. Le système » Cas9 » est ensuite utilisé pour introduire des mutations sur des gènes ciblés. De 2 façons (visuel de gauche), en injectant en une fois la cellule de sperme dans une solution Cas9 + » guides » ARN (ARNg) et en 2 fois, en injectant d’abord Cas9 puis le sperme dans une solution ARNg.Ici, la cellule de sperme utilisée a été génétiquement modifiée pour transporter le gène » eGFP « . La mission de Cas9 et ARNg est de modifier ce gène cible. Lorsque les chercheurs suivent le développement des blastocystes (étape pré-embryonnaire) issus des ICSI, ils constatent que,
· environ 90% des ICSI donnent lieu à blastocystes,
· 50% des blastocystes résultants portent une copie fonctionnelle du gène eGFP,
· mais lorsque le sperme a été injecté simultanément avec le système Cas9/ARNg, pratiquement aucun des blastocystes résultants ne présente de copie fonctionnelle dugène.
· l’injection en 2 temps de l’œuf avec Cas9, puis avec la cellule de sperme + ARNg s’avère plus efficace encore à modifier le gène.
· Les résultats sont comparables, lorsque le gène EGFP est introduit dans la cellule d’ovocyte plutôt que de sperme : Le processus Cas9/ARNg ne laisse passer une copie fonctionnelle du gène que chez 4% des blastocystes résultants.
Modifier l’ADN au stade de la fécondation : Des résultats qui démontrent donc, sur la souris, l’efficacité de la technique pour produire des altérations ciblées dans l’ADN avant que le matériel génétique du sperme et de l’ovocyte fusionnent. Combinée à ‘utilisation de l’ICSI, la technique permettrait donc, théoriquement, de modifier l’ADN humain au moment de la fécondation et de prévenir des maladies héréditaires. Ou d’induire d’autres modifications chez le futur embryon.
D’ailleurs, de nouvelles expériences sont déjà programmées sur de nouveaux gènes cibles, dont le gène » Tyr « , impliqué dans la pigmentation de l’œil.
Tout cela ne va pas sans débat éthique et légal, bien sûr.
Source:Scientific Reports December 23 2014 DOI: 10.1038/srep07621
Asymmetric parental genome engineering by Cas9 during mouse meiotic exit
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