1. Le courage de partir
Je me souviens du premier déménagement. On m'avait parlé d'une ville, du nom d'un autre pays qui sonnait vide. La cuisine était envahit de grosses cantines en fer, tantôt vertes, tantôt grises où on empilait par couches successives nos souvenirs comme autant de fardeaux d'hiver. On a dit au revoir. Au amis, au jardin, aux rues et aux parfums. Papa a décroché la balançoire où, pour la première fois, j'ai volé.
J'ai appris à partir comme d'autres apprennent à marcher. Je parle voyage comme d'autres parlent anglais. Je ne compte plus le nombre de fois où l'on m'a dit : " Il en faut du courage pour partir comme tu l'as fait ". " Et tout recommencer ". Au fond, je crois que ça me flattait.
Dans ma toute petite vie, j'ai déménagé plus de 20 fois. J'ai habité dans 8 pays, sur 5 continents. Je n'ai jamais tout recommencer.
Je me suis sentie plus légère, à chaque départ, un temps. Comme s'il était plus facile de caser son avenir dans un bagage à main. En vérité, souvent, j'ai regardé mes amis s'aimer, se marier, se détester et malgré tout s'accrocher avec une certaine envie.
" Un jour, je partirai " ; c'était une rengaine infernale, un remède contre l'ennui et la peur de ne pas vivre assez.
2. Le courage de rester
Sans crier gare, mes valises se sont posées à Paris il y a deux ans. Je me souviens avoir frissonné lorsque j'ai signé un contrat à durée indéterminée, parce qu'il n'y avait pas de fin programmée.
Ce soir, tu m'as écrit Agnès. J'ai ouvert des dossiers d'un vieux disque dur pour te prouver les bienfaits du voyage, te dire à quel point c'était super et pourquoi tu ne regretteras jamais. J'ai préparé un bel article, bien ficelé, en trois points, avec une conclusion qui en jetait.
En choisissant mes images, je suis tombée sur la photo de cette petite fille qui avait promis que, quand elle serait grande, elle ne s'arrêterait jamais de voyager.
Je me suis demandée si je ne l'avais pas trahie, si je n'étais pas devenue une poule mouillée, quelqu'un qui a peur de partir, et qui se cherche des excuses. Des " pas tout de suite ", des " pas toute seule " , des " pas assez " d'argent, de temps, de volonté.
A y regarder de plus près, on recommence tous les jours, ici ou ailleurs. Prendre des coups, se relever. Voir le beau dans un détail du quotidien, chercher toujours, sourire au bonheur simple d'un lendemain. Voir son patron, le détester, le voir encore, le comprendre davantage. Accepter qu'aujourd'hui la balançoire, c'est vous qui la pousser. Dire merde, payer un autre tour et s'envoler. Il en faut du courage pour rester.
En réponse à votre question, chère Agnès, je me sens bien con. C'est peut-être finalement vous qui m'avez le plus aidé.
Alors, à choisir, entre partir ou rester, en bonne normande, je vous conseille de ne pas renoncer.