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Pour les assureurs le « R » d’ACPR signifie-t-il répression ou résolution ?

Publié le 22 janvier 2015 par Bernard Deson

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Le groupe ALLIANZ a été sanctionné à hauteur de 50 millions d'euros. L'ACPR lui reprochait de ne pas avoir produit assez d'efforts pour retrouver les ayants droit de contrats d'assurance-vie non réclamés.

La fusion de plusieurs structures de contrôle et d’agrément.

L'Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) a été créée par une ordonnance du 21 janvier 2010 dans la droite suite de la crise financière de 2008. Elle est en réalité le produit d'une fusion entre plusieurs autorités de contrôle et d'agrément : la Commission Bancaire, l'Autorité de Contrôle des Assurances et Mutuelles (ACAM), le Comité des Entreprises d'Assurances (CEA) et le Comité des Etablissements de Crédit et des Entreprises d'Investissements (CECEI).

Cette autorité administrative indépendante, adossée à la Banque de France, est ainsi régie par les articles L.612-1 et suivants du Code monétaire et financier. Cet organisme a la charge d'intervenir principalement à deux titres : la délivrance de l'agrément et le contrôle des activités bancaires et assurantielles.  L'ACPR interviendra aussi bien dans le cadre de la protection de la clientèle que pour veiller au  respect des dispositions légales et réglementaires.

Un collège et plusieurs commissions.

Afin de mener à bien ces missions conférées par le législateur, l'ACPR dispose de quatre structures principales :

le Collège - composé de 19 membres en formation plénière mais également de sous collèges sectoriels spécialisés dans le secteur bancaire et assurantiel - est essentiellement chargé d'établir les orientations générales de supervision et de fonctionnement de l'Autorité ;

la Commission des sanctions, composée de 6 membres, est chargée de sanctionner les manquements aux dispositions législatives et réglementaires des établissements placés sous son contrôle;

les Commissions consultatives, sont chacune chargées d'un champ de compétence en matière de banque et d’assurance,

Le Comité scientifique, quant à lui, est principalement chargé d'assurer une veille sur les différents thèmes liés aux secteurs d’activité couverts par l’ACPR.

A travers ces différentes structures, l'ACPR dispose « d'un pouvoir de contrôle, du pouvoir de prendre des mesures de police administrative et d'un pouvoir de sanction » à l'égard des organismes relevant de sa compétence.

Qui est contrôlé et sur quels critères?

En vertu de l'article L.612-1 du Code monétaire et financier, l'ACPR a pour mission de contrôler les organismes d'assurance en veillant au respect des dispositions légales, réglementaires et supranationales, notamment européennes.

D'une part, cette autorité administrative a pour mission de veiller à  la «préservation de la stabilité du système financier ».

A ce titre, l'ACPR est chargée d'exercer une surveillance permanente de la situation financière des entreprises du secteur. Par ce biais, elle vérifie la solvabilité des organismes tels que les entreprises d'assurance ou encore les réassureurs. Ainsi, l'autorité se doit de contrôler que chaque organisme assureur agréé peut, à tout moment, tenir les engagements qu'il a pris envers sa clientèle.

D'autre part, l'un des points de vigilance de l'ACPR est « la protection des clients, des assurés et des adhérents »

Ce contrôle protecteur vise, outre le respect des règles relatives à la sécurité financière des organismes et leur « aptitude à pouvoir tenir à tout moment leurs engagements » le respect des bonnes pratiques de ces derniers dans les relations commerciales. 

L'institution de contrôle se charge également de vérifier le suivi de ses recommandations par les organismes du secteur assurantiel.  L'ACPR surveille également la communication publicitaire des assureurs. 

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Contrôler la gouvernance des entreprises d’assurances.

Enfin, la loi du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires a rajouté un nouveau champ d'action à l'ACPR : le contrôle de la gouvernance des organismes assureurs. Ces derniers sont tenus de notifier la nomination et le renouvellement des mandats ou des fonctions «du directeur général et des directeurs généraux délégués, du directeur général unique, des membres du directoire ou des dirigeants salariés (…) ainsi que toute personne appelée à exercer en fait des fonctions équivalentes».

L'autorité de contrôle, par le biais du Collège de supervision, peut s'opposer à cette nomination ou à ce renouvellement dès lors que ces personnes ne remplissent pas certaines conditions d'honorabilité, de compétence et d'expérience entraînant ainsi une cessation de leur mandat ou de leurs fonctions.

Le déroulement du contrôle et ses suites.

En vertu de l'article L. 612-23 alinéa 1 du Code monétaire et financier, c’est le Secrétaire général de l’ACPR qui est aux commandes opérationnelles de la structure et donc c’est lui qui organise les contrôles des organismes assureurs sur pièces ou sur place.

A cette fin, il s'appuie sur plusieurs équipes :

-   2 directions spécialisées affectées au contrôle des assurances, mutuelles et institutions de prévoyance pourvues chacune de 4 brigades de contrôleurs spécialisés dans le secteur assurantiel.

-   1 direction chargée des contrôles spécialisés et transversaux.

Si nécessaire, l’ACPR peut choisir de recourir à « des corps de contrôle extérieurs, des  commissaires aux comptes, des experts ou à des personnes ou autorités compétentes » pour l'accompagner dans les opérations de contrôle.

Elle peut aussi faire appel à d'autres acteurs: par exemple à des associations professionnelles dont la personne contrôlée  est membre.

Comment s’organise un  contrôle de l’ACPR ?

Il existe certaines particularités tenant aux deux types de contrôles, ceux-ci ayant une organisation différente de par leur nature.

Pour les contrôles sur pièces, les organismes doivent communiquer annuellement ou trimestriellement, un dossier complet à l'autorité. Ce dossier contient divers documents comme des états comptables  mais également des rapports de contrôle interne, de solvabilité et de réassurance.

Ils seront ensuite analysés afin d'assurer un suivi individuel des organismes soumis au contrôle de l'ACPR.

Pour les contrôles sur place, plusieurs dispositions du Code monétaire et financier viennent apporter des précisions.

En outre, le contrôleur peut intervenir devant « le conseil d'administration, le conseil de surveillance ou tout organe exerçant des fonctions équivalentes » des organismes contrôlés, les membres de ces organes pouvant également être convoqués et entendus collectivement par ce dernier.

Dans le cas où l'organisme contrôlé refuserait de transmettre une information ou un document demandé ou de se rendre à une audition, une injonction assortie d'une astreinte pourra être prononcée par l'ACPR.  

Par ailleurs, le contrôleur intervenant auprès d'organismes relevant des attributions de sa brigade « n'a pas à justifier d'une lettre de mission particulière» et peut donc effectuer des contrôles inopinés.

En cas de refus de contrôle par les organismes assureurs, l'ACPR peut prononcer des sanctions disciplinaires. Ce refus ainsi que l'entrave au contrôle est constitutif d'un délit pénal, qui est puni d’un emprisonnement d’un an et d’une amende de 15 000 euros (article L.571-4 du Code monétaire et financier).

Ces contrôles, au nombre de 316 en 2012, sont effectués lorsqu'il apparaît nécessaire d'approfondir en raison de différents facteurs révélateurs d'un risque hypothétique. Par exemple la quantité et la teneur des réclamations des assurés. Ils sont principalement effectués après étude des documents transmis dans le cadre du rapport sur pièces.

Plusieurs éléments sont ainsi analysés, notamment le niveau de provisionnement et le respect des règles prudentielles, la qualité de gestion, les règles de gouvernance, les outils, les procédures, la réassurance, la connaissance et la maîtrise des risques ainsi que la solvabilité prospective de l'organisme.

Le contrôle sur place a un large périmètre puisque l'article L.612-26 du Code monétaire et financier prévoit que l'ACPR peut étendre le contrôle sur place  à d'autres entités limitativement définies allant de la filiale à une entreprise appartenant au même groupe en passant par les institutions de gestion de retraite supplémentaire qui lui sont liées.

En raison de la transmission des informations issues des vérifications étendues à l'organisme contrôlé en premier lieu, la question du secret professionnel aurait pu être un frein à cette extension. Or, le Code monétaire et financier a prévu une inopposabilité du secret professionnel à l'égard des entités auxquelles le contrôle est étendu.

Enfin, une extension aux succursales ou filiales installées à l'étranger est également possible.

A l'issue du contrôle sur place, un projet de rapport est rédigé et est ensuite transmis aux dirigeants de l'organisme contrôlé qui peuvent faire part de leurs observations lors d'une réunion ou d'un entretien avec les contrôleurs de l'ACPR.

Un rapport définitif est alors établi et l’ACPR apprécie les suites à donner au contrôle et transmet sa décision soit au conseil d'administration, soit au directoire et au conseil de surveillance ou soit à l'organe délibérant de l'organisme assureur. Ces informations ont un caractère confidentiel et ne peuvent être transmises à des tiers sauf si la loi le prévoit.

Lorsque des dysfonctionnements ou des manquements ont été mis en évidence par le contrôle, l'ACPR peut agir à travers différents moyens. En effet, le Code monétaire et financier a doté l'autorité de différents pouvoirs pour contraindre les organismes assureurs à se plier aux exigences auxquelles elles sont soumises, rendant ainsi le contrôle efficace et concret.

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Le gendarme de la banque et de l'assurance a infligé une amende de 40 millions d'euros à CNP Assurances. Elle a tardé à retrouver des bénéficiaires de contrats d’assurance-vie non réclamés.

Les sanctions consécutives à un contrôle.

Une fois le rapport définitif des contrôleurs de l'ACPR rendu, plusieurs issues sont envisageables.

1. L’ACPR  adresse à l'organisme assureur une lettre de suite prenant acte des engagements de ce dernier destinés à pallier les insuffisances et les manquements constatés lors du contrôle. 

2. L'ACPR peut choisir d'adopter des mesures de police administrative envers les organismes assureurs contrôlés graduées selon le manquement en cause. Toute mesure prise à l'égard de l'organisme contrôlé doit faire l'objet d'une procédure contradictoire excepté en cas de «circonstances particulières d'urgence ».

La levée de ces mesures ou leur adaptation sont également soumises à une procédure contradictoire.

Lorsqu'elle constate qu'un organisme assureur a des pratiques susceptibles de mettre en danger les intérêts des clients, assurés, adhérents et bénéficiaires, l'ACPR peut mettre en garde l'organisme contrôlé  après une procédure contradictoire.

Au-delà de la simple mise en garde, l'autorité peut décider de mettre en demeure l'organisme « de prendre toute mesures destinées à sa mise en conformité avec les obligations » qu’il lui incombe de respecter.

Un programme de rétablissement de l'organisme peut également être envisagé par l'ACPR à l'issue du contrôle indiquant les mesures adéquates pour « restaurer ou renforcer sa situation financière, améliorer ses méthodes de gestion ou assurer l'adéquation de son organisation à ses activités ou à ses objectifs de développement. »

Des mesures conservatoires peuvent être prises à l'égard des organismes contrôlés comme par exemple le placement sous surveillance spéciale, la suspension d’un ou de plusieurs dirigeants, la limitation ou l’interdiction temporaire de l’exercice de certaines opérations ou encore le transfert d’office de tout ou partie du portefeuille des contrats d’assurance ou de règlements mutualistes.

Enfin,  l'administration provisoire peut être décidée à la demande des dirigeants de l'organisme ou par l'ACPR elle-même dès lors qu'un des dirigeants est suspendu ou que « sa gestion ne peut plus être assurée dans des conditions normales. »

En fonction de la gravité des manquements relevés à l'issue du contrôle, la commission pourra prononcer une ou plusieurs sanctions éventuellement assorties d'une astreinte comme par exemple des sanctions pécuniaires, ou encore le retrait partiel ou total d'agrément. Les dirigeants peuvent également être sanctionnés à titre personnel par la Commission des sanctions en voyant prononcer à leur encontre une suspension de leurs fonctions ou leur démission d'office.

La décision de la Commission des sanctions est rendue publique par principe sauf dans les cas où cette publicité est susceptible de porter gravement atteinte aux marchés financiers ou de causer un préjudice disproportionné aux parties en cause.

Le contrôle peut également aboutir à la saisine du procureur de la République dès lors qu'au cours de ce contrôle sont relevés des faits susceptibles de justifier des poursuites pénales.

Enfin, l'organisme assureur contrôlé peut voir ouvrir à son encontre une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire à la requête de l'ACPR.

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La commission des sanctions de l'ACPR a prononcé un blâme assorti d'une sanction pécuniaire de 2 millions d'euros à l'encontre de la Société générale pour avoir manqué à ses obligations vis-à-vis de clients à faibles revenus.

 L'institution d'un pôle de coordination avec l'AMF.

En instituant une coordination avec l'AMF et en adaptant ses actions à la conjoncture pour cibler ses contrôles sur des axes précis, l'ACPR a pu développer des pratiques qui lui sont propres.

En janvier 2010, un pôle de coordination a été créé entre l'ACPR et l'Autorité des Marchés Financiers (AMF) pour superviser les relations entre les professions assujetties et leur clientèle dans le but de veiller au bon fonctionnement et au contrôle de ces marchés.

Dans le cadre de l'adoption de cette ordonnance, une convention a été conclue le 30 avril 2010 constituant ce pôle commun répondant aux missions définies par l'article L.612-47 du Code monétaire et financier.

Les missions définies par ce texte sont multiples : coordonner les priorités de contrôle des personnes assujetties, analyser les résultats de l'activité de contrôle des autorités, coordonner la veille sur les opérations et la surveillance des campagnes publicitaires, et enfin offrir un point d'entrée commun destiné à recevoir toutes les demandes du public concerné.

Sur ce dernier point, les deux autorités ont créé un pôle Assurance-Banque-Epargne Info Service ayant pour objectif « d’informer et d’orienter le public en mettant à sa disposition des informations générales concernant les démarches et les relations contractuelles dans les domaines de l’assurance, de la banque et de l’épargne » par le biais d'un site internet et d'une permanence téléphonique.

L'instauration de ce pôle de coordination permet le développement d'une régulation exigeante et rigoureuse à l'égard des entreprises d'assurance tout en conservant leurs compétences respectives en matière de contrôle.

Les principales priorités de contrôle de l'ACPR.

En raison de la conjoncture économique et des résultats obtenus depuis 2010, l'ACPR intensifie ses contrôles en les orientant sur plusieurs axes.

Les derniers rapports annuels de l'activité de l'ACPR permettent d'identifier des cibles prioritaires.

Par exemple,  la restructuration de la dette publique grecque a conduit l'ACPR à concentrer sa vigilance sur les organismes assureurs détenant des obligations de pays jugés à risque.

Autre cible:  les assureurs vie. Depuis 2012, l'ACPR porte une attention accrue aux flux hebdomadaires de cotisations et de prestations en mettant en place des examens approfondis et des enquêtes mensuelles. Un contrôle spécifique est également effectué sur les taux de revalorisation définis par ces organismes sur les contrats d'assurance-vie en euros.

Par ailleurs, suite aux évolutions légales relatives à l'augmentation de l'âge de départ à la retraite entraînant corrélativement l'accroissement de la durée des versements des rentes d'incapacité et d'invalidité, et aux regroupements des acteurs de la prévoyance, l'ensemble du secteur a été plus particulièrement surveillé par le biais de contrôles sur place, d'analyses et d'entretiens.

L'ACPR développe également un contrôle approfondi à l'égard de certains organismes assureurs. Ceux faisant un recours intensif au courtage sont plus particulièrement surveillés par l'autorité administrative, tout comme ceux pratiquant la retraite par point, le rapport relevant qu'ils sont « particulièrement touchés par la baisse tendancielle des rendements des actifs » ces dernières années.

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Pour aller plus loin, il est possible de consulter le registre des contrôles de l'ACPR en suivant ce lien: https://acpr.banque-france.fr/publications/registre-officiel.html


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