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Houellebecq, contre-sens et contre-vérités

Publié le 23 janvier 2015 par Chantalserriere

S'il est une critique étonnante et dépourvue de sens, c'est bien celle qui concerne le dernier livre de Houellebecq: "Soumission". Taxé d'emblée d'islamophobe, l'ouvrage présente pourtant, à l'inverse de ce qui lui est imputé, une vision de l'islam apaisé, porteur des valeurs manquant cruellement aux sociétés chrétiennes contemporaines. Quiconque a lu le livre, saisit mal l'hystérie d'Edwy Plenel, lors d'un passage à l'émission télévisée, "C à vous", invectivant l'auteur de Soumission et ne parvenant pas à croiser le regard de son confrère Patrick Cohen qui devait recevoir l'écrivain, le lendemain matin, dans le 7-9 qu'il anime quotidiennement sur France Inter.

La rage d'Edwy Plenel jointe à de nombreux titres de la presse dans son ensemble ne peut que laisser interdit. Quelle contre-vérité énoncent-ils? Non seulement l'ouvrage de Houellebecq n'est pas islamophobe, mais il présente l'islam- et c'est son droit absolu d'écrivain- comme seule alternative plausible, calme et non violente aux crises politiques qui secouent la démocratie française. Sur cela, les vertueux défenseurs de l'islam prétendument attaqué, auraient peut-être dû s'interroger et pourquoi pas, s'indigner. Non pour défendre l'islam si bien représenté dans l'ouvrage, mais plus logiquement pour éventuellement voler au secours des valeurs niées de la république escamotée.

Car le pamphlet ( et il faut dire à quel point le livre est drôle!) se situe d'abord dans le constat de l'effondrement d'une démocratie à bout de souffle avec ses simulacres théâtraux dans la mise en scène des soirées électorales, ses alliances contre nature, et l'endormissement des masses sous la nouveauté divertissante: consommation d'objets, obsolescence, consommation de sexe, vide affectif...Le héros, (contre-héros), à la manière d'un Meursault, étranger à sa société comme à sa propre vie, promène son regard las sur les ruines d'une civilisation en agonie.

Etrange, tout de même, que la vision au-delà du pessimisme, de notre environnement politique, n'ait fait sursauter personne! Aurions-nous, comme le héros déprimé de Houellebecq, si bien intériorisé les failles et tremblements de nos systèmes politiques, qu'au lieu de nous intéresser  à leurs critiques, nous crions haro sur le choix narratif de l'auteur: face à la béance morale du  libéralisme, dont Houellebecq ne cesse de clamer les dangers à travers l'ensemble de son oeuvre et que Bernard Maris a décrit avec précision et lucidité dans "Houellebecq économiste", voici qu'un univers fait de certitudes fondées sur la foi offre une survie à ceux qui l'acceptent et se soumettent en se convertissant à l'islam. Et l'ordre règne. Les mères s'occupent enfin de leurs enfants grâce aux subsides de l'état, laissant le marché du travail aux hommes. Le chômage n'existe plus. La polygamie met chacun a sa place. L'homme règne. Le sexe avec les plus jeunes femmes. Le savoir-faire culinaire dans les mains des plus âgées!

Le problème avec Houellebecq, c'est l'intelligence. Une intelligence dotée d'un curieux don d'embrassement synoptique et qui embarrasse un corps si maladroit. Dans sa tête, Houellebecq déroule des fresques. Des fresques humaines si larges qu'elles débordent en parcourant le temps qui les efface. Que faire de ce corps qui pourtant réclame depuis l'enfance un réconfort maternel absent? On aimerait pour ce tendre halluciné, pour ce visionnaire au trop lourd fardeau, en quête d'amour et de valeurs, le coucher pour l'éternité, dans les bras de la Pietà de Michel- Ange!

Michelangelo's_Pietà_Saint_Peter's_Basilica_Vatican_City

L'image n'est pas aussi absurde qu'elle n'y paraît. Sincère et profonde la nostalgie du héros devant l'impossible rencontre mystique qui donnerait sens au monde. Le voici face à la Vierge noire de Rocamadour qui autrefois avait inspiré Péguy comme protectrice des soldats défendant leur patrie. Houellebecq écrit:

"Bien autre chose se jouait, dans cette statue sévère, que l'attachement à une patrie, à une terre, ou que la célébration du courage viril du soldat ; ou même que le désir, enfantin, d'une mère. Il y avait là quelque chose de mystérieux, de sacerdotal et de royal que Péguy n'était pas en état de comprendre, et Huysmans encore bien moins. Le lendemain matin, après avoir chargé ma voiture, après avoir payé l'hôtel, je revins à la chapelle Notre-Dame, à présent déserte. La Vierge attendait dans l'ombre, calme et immarcescible. Elle possédait la suzeraineté, elle possédait la puissance, mais peu à peu je sentais que je perdais le contact, qu'elle s'éloignait dans l'espace et dans les siècles tandis que je me tassais sur mon banc, ratatiné, restreint. Au bout d'une demi-heure je me relevai, définitivement déserté par l'Esprit, réduit à mon corps endommagé, périssable, et je redescendis tristement les marches en direction du parking."

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