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Départs volontaires

Publié le 25 janvier 2015 par Malesherbes

Il y a déjà plus de deux ans, ici, j’avais exprimé ma conviction qu’il était illusoire de parler de volontariat pour des salariés, à partir en particulier d’un exemple où j’avais découvert la notion de volontariat tacite. L’annonce de 800 départs volontaires chez Air France a ramené en ma mémoire un souvenir de la même époque. Avant de le narrer, il convient de rappeler quelques données sur la gestion des entreprises.

Celle-ci implique de surveiller plusieurs indicateurs. Le ratio préféré des dirigeants me semble être le rapport des dépenses au chiffre d’affaires. On comprend aisément que, pour permettre la pérennité de l’entreprise, celui-ci doit être inférieur à un. Mais la motivation principale, sinon unique, de certains dirigeants, étant d’obtenir le profit maximum, ceux-ci s’efforcent de réduire ce ratio le plus possible. Or, il est deux manières de baisser la valeur d’une fraction : augmenter le dénominateur ou diminuer le numérateur. Il me semble qu’un véritable entrepreneur s’appliquerait à maximiser le chiffre d’affaires. Mais comme il est plus simple de réduire les dépenses et plus immédiat de diminuer la masse salariale, c’est souvent cette option qui est retenue.

Il y a plus de vingt ans, l’entreprise qui m’employait mit en place un plan de départs volontaires. Cela consista à définir une cible des salariés concernés, en fonction de l’âge, de l’ancienneté, de la fonction, à les appâter avec des conditions de départ présentées comme favorables puis à publier ce plan. Comme je faisais partie des personnes ainsi éligibles à ce départ, mon manager s’étonna de l’absence de ma candidature avant de me demander, pour aider à la réalisation d’un de ses objectifs, de m’inscrire à ce si bénéfique sweepstake, certifiant que cela ne m’engageait à rien. Ce qui fut exact.

Puis ce premier plan fut suivi d’autres, avec à chaque fois des dédommagements qui, comparés à un salaire mensuel, apparaissaient comme un pactole mais qui, parfois, n’étaient qu’un pécule. Et c’est là que la notion de volontariat prit une saveur très particulière. Un de mes collègues, qui ne s’était pas déclaré séduit par le plan de départ annoncé, entendit alors son manager lui déclarer : « Tu sais, ce sont là des conditions très avantageuses et on ne sait pas si, dans le futur, les nouveaux partants pourront bénéficier des mêmes. Si la situation s’aggrave, il se  pourrait même que l’entreprise soit obligée de recourir à des licenciements et ta fonction comme ta performance pourraient rendre ta position inconfortable ». Cet infortuné, comme d’autres alors, comprit qu’il urgeait de se déclarer volontaire.

Un nouveau pas fut franchi quelque temps plus tard quand, de plus en plus de managers répugnant à tenir des discours de ce genre, on décida de les garder totalement à l’écart de ce processus, à tel point qu’ils ignoraient lesquels, parmi leur effectif, étaient visés par la grande faux. On confia alors l’élagage à la DRH. Autrefois, ce sigle désignait la direction des relations humaines. Le terme relation étant devenu gênant, pensez donc, un lien entre des individus, on lui substitua celui de ressource, ravalant ainsi l’homme au rang d’une machine, d’une matière première ou d’un fluide industriel. La DRH fut parfaite.

Allez, bonne chance aux futurs volontaires d’Air France.


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