Genius compte transformer le web en un immense Wikipédia

Publié le 26 janvier 2015 par Pnordey @latelier

Élargissant toujours plus son domaine de compétence, la startup new-yorkaise Genius veut permettre aux internautes d’annoter n’importe quelle page web pour enrichir et expliquer les contenus. Un projet qui pose d’innombrables questions.

À lui seul, le slogan de la startup Genius en dit long sur ses intentions : “Annotate the world” ; "annoter le monde" en français. Pourtant au départ, en 2009, ses ambitions étaient bien moindres. Ses trois fondateurs, tout droit sortis de Yale, avaient en effet pour objectif premier de permettre aux internautes d’annoter et de décrypter les paroles des morceaux de rap. Devant le succès, l’entreprise change de nom passant de “Rap Genius” à “Genius” pour s’ouvrir à tous les genres musicaux. Mais les fondateurs n’ont semble- t-il pas l’intention de s’arrêter là. Ils visent désormais l’annotation du web dans son ensemble et ont pour cela récolté 40 millions de dollars. Concrètement, les internautes pourraient ajouter la mention “ genius.com/” devant n’importe quelle URL pour être en mesure d’annoter la page. Le site du New York Times a ainsi servi d’exemple. Les créateurs assurent qu’aucun droit d’auteur ne sera atteint par un tel projet mais au-delà des problèmes légaux, d’autres questions se posent.

Comment modérer des annotations visibles par tous ?

Le premier problème que peut poser un web entièrement annotable tient à la modération des commentaires. Genius se veut un moyen de décrypter et d’expliquer les contenus grâce aux connaissances des internautes. On imagine dès lors le souci d’un dispositif qui, comme Wikipédia, espère s’enrichir grâce au crowdsourcing. Pour modérer les commentaires, Genius a mis en place plusieurs solutions. En plus des boutons des pouces levés ou abaissés qui permettent de faire remonter les meilleurs commentaires, la principale idée de Genius a été de mettre en place un système de points. Appelé “Genius IQ” le système attribue des bons points à chaque fois que l’utilisateur poste une annotation, obtient un vote positif sur un commentaire, ou reporte des propos erronés. Au bout d’un certain nombre de points, les utilisateurs de Genius deviennent des éditeurs, des modérateurs ou des régulateurs, avec différents niveaux d’intervention. Second moyen d’obtenir des annotations avérées, les auteurs des pages, articles, chansons, etc commentés ont un statut particulier qui leur permet de faire remonter leurs commentaires. Les utilisateurs Genius peuvent même suivre ces comptes vérifiés comme sur Twitter.

Vers une nouvelle étape du web ?

Tous ces dispositifs entendent créer une utilisation entièrement nouvelle du web. La façon même de surfer serait changée par le réseau s’il venait à se populariser. C’est un pari risqué mais qui se base sur des tendances récentes au sein de certaines plateformes de partage. YouTube et Flickr proposent déjà un système d’annotation sur les vidéos et les images mais la nécessité d’établir un standard pour ce type de commentaires avait été soulignée dès 2011. Et le projet est d’autant plus risqué que le système un peu similaire Annotea mis en place en 2001 n’avait pas vraiment réussi à percer. Peut-être le modèle imité des réseaux sociaux de Genius saura-t-il plus facilement s’imposer. Toujours est-il qu’un autre problème pourrait apparaître avec cette nouvelle consommation du web : celui de la confiance. Déjà malmenée avec les plateformes crowdsourcées, cette confiance pourrait s’effriter davantage devant l'élargissement de ce système et jeter une sorte de discrédit sur tous les contenus disponibles sur le net.