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Carnet de voyage: Shanghai

Publié le 29 janvier 2015 par Podcastjournal @Podcast_Journal
Rédacteurs et stagiaires: cliquez sur cette barre pour vous connecter en back-office de la rédaction! - Lecteurs et contributeurs: inscrivez-vous / connectez-vous sur les liens à droite --> Mon petit-fils, Adrien, effectuant un stage d’étude à Shanghai, c’était l’opportunité, accompagnée de ma fille Laure, de lui rendre visite et de profiter de sa récente expérience en mandarin.

Il faut être patient, de Paris environ 11 heures de vol plus le temps à l’aéroport, le repérage dans un terminal surchargé. A l’arrivée, le lendemain matin, un taxi nous emmène pour rejoindre notre hôtel au centre ville. A peine 18€ pour trois quart d’heure de transport. La vie quotidienne, les repas, les transports sont très avantageux pour nous les étrangers. Malgré notre amour de la marche, nous avons souvent profité de ces déplacements en taxi. On en trouve à tous les coins de rue. Nous avons également utilisé le métro. Pas facile de se diriger. Vastes couloirs dallés impeccables. Il y a foule! C’est la ruée pour monter dans le compartiment. On pousse, on bouscule. A l’arrêt il faut s’extirper promptement. J’ai eu un certain succès avec mes cheveux blancs. Il semble que les gens de mon âge ne circulent pas, ou bien, est-ce le respect dû aux ancêtres?

Le nom de Shanghai fut longtemps associé aux événements dramatiques de l’histoire de la Chine, les guerres de l’opium, le luxe, l’extrême pauvreté dans les concessions étrangères, mais aussi la révolution culturelle. Aujourd’hui c’est le symbole d’une croissance économique fulgurante avec le boom des gratte-ciel de Pudong, centre de la finance chinoise et asiatique. Grand écart entre le passé et le présent, entre l’architecture chinoise traditionnelle et les tours audacieuses, c’est aussi - dit-on - le plus grand chantier du monde.

Dès le premier jour nous étions dans le bain. Après avoir traversé le vaste parc Fuxian avec quelques adeptes du tai-chi, de la danse et même du Karaoké en plein air, nous sommes entrés dans un énorme complexe commercial à Xintiandi. Nous en profitons pour déjeuner. Comme toujours, on nous présente un véritable album représentant les plats photographiés, tous appétissants. Pour nous ce seront des raviolis, boulettes de pâte de la grosseur d’un œuf cuites à la vapeur. A l’intérieur, diverses farces, verdure, épinards, chair de porc, ou goût sucré indéfinissable, le tout confectionné sous l’œil du client. Derrière une vitre, une dizaine de cuisiniers et de cuisinières s’affairent, fabriquant avec dextérité ces petits pâtés enrobés de pâte. On dirait un laboratoire, les précautions d’hygiène semblent bien respectées, cheveux couverts masques et gants. Les jours suivants, nous avons goûté à des cuisines variées grâce aux bons coins débusqués par notre gentil accompagnateur. Un régal, le canard laqué, servi selon les trois plats rituels, peau craquante et crêpe, soupe, viande. On s’abandonne....

Les journées se sont poursuivies à parcourir les très belles allées de l’ancienne concession française, larges avenues plantées de platanes introduits par les Français. Cet arbre est si commun que le même mot désigne à la fois "platane" et arbre. La prestigieuse avenue Joffre désormais Huaihai Zhonglu, forme un boulevard qui se compare aux Champs Élysées. S’y pressent des magasins de haut luxe, bijoux, montres et boutiques de mode très "tendance". Un peu à l’écart, des habitations aux portes de pierre traditionnelles (shikunmen) associent des éléments architecturaux chinois et européens, ceci dans un ensemble réhabilité très animé de restaurants et de cafés. Une de ces maisons, joliment restaurée et aménagée avec des meubles d’époque aux lignes simples, rappelle le charme du Shanghai d’autant.

Plus loin, toujours dans le quartier de l’ex-concession, nous découvrons le long de ces allées arborées de grandes villas cossues (mansions) de style très européen - certaines évoquent les stations balnéaires du début du siècle (précédent). C’est dans une de ces demeures, le long de la rue Molière que se situe l’ancienne résidence de Sun Yat Sen. Le fondateur du Guomindang, le "pionnier de la Révolution", y vécut ainsi que son épouse, Soong Quigling, l’une des sœurs du puissant clan Soon (une autre sœur se maria avec Tchang Kai Tchek). Dans cette maison musée est évoquée sa vie simple et son parcours politique. La bibliothèque personnelle illustre le vaste horizon intellectuel de cet homme.

Le samedi, le marché des fiancés se tient en plein air près de People Square. D’innombrables annonces attachées à un fil tendu entre deux arbres présentent chaque prétendant. L’âge, la taille, le parcours de vie, le salaire, les goûts, les souhaits, les prétentions, avec photo, si possible avantageuse, numéro de téléphone y figurent. Des dames respectables tiennent des bureaux et enregistrent les demandes. Ces affiches, il y en a partout, même sur des parapluies ouverts posés parterre. Ce marché permet aux parents de rechercher la meilleure alliance pour leurs enfants. On utilise aussi le réseau social. A toute occasion on fait appel à ses relations pour atteindre un but: trouver une femme ou un mari, obtenir un emploi, une place à l’école pour son enfant, accéder à un logement. Ces faveurs sont accordées et rendues dans le cadre du réseau de confiance fondé sur le sentiment de partager un fond commun. En effet, la parenté s’accompagne de l’obligation morale d’entraide. C’est le guangxi, "réseau social" à la chinoise. En fait, beaucoup de jeunes modernes, choisissent aussi selon leur volonté.

La visite du "Centre artistique de l’affiche de propagande" est assez surprenante. Les murs sont tapissés d’affiches vantant le communisme avec des slogans sans complexe. Mao est omniprésent accompagné des Pères fondateurs. Ces dessins sont l’œuvre d’étudiants des beaux-arts et témoignent d’un beau graphisme. On y perçoit l’évolution du style influencé par les courants artistiques contemporains. La Révolution culturelle est naturellement passée sous silence. On finit par un mur couvert de Dazibao, graffitis rédigés par des citoyens chinois.

"Une meilleure ville, une meilleure vie" était le thème de l’exposition universelle de Shanghai de 2010. L’imposant pavillon rouge de la Chine peut encore être visité. Est évoquée l’armée de bénévoles qui a permis que tout se passe dans l’ordre. Un étage est consacré à toutes les provinces et minorités qui constituent ce vaste empire hétérogène. Une partie du bâtiment français est conservée pour mettre en avant la gastronomie française. S’y tient une école hôtelière. Nous avons constaté son excellent niveau: au Restaurant Paul Bocuse, repas chic et raffiné. Nous avons fait attention à nos bonnes manières.

Une autre soirée a été consacrée à un spectacle éblouissant d’équilibristes, de danse, et d’acrobaties. Les Chinois sont maîtres dans l’art du cirque, c’est une tradition. Les jeunes sont sélectionnés, soumis à une discipline éducative de fer. Cela permet de présenter des prodiges.

Une visite au musée de Shanghai s’imposait. On le reconnait de loin par sa forme de bronze antique. Il présente les grandes étapes de la civilisation chinoise. Sa visite nous a retenues toute une journée. C’est une somme de trésors prestigieux avec ses bronzes, sculptures, céramiques, peintures, galeries de mobilier, de jade rares, sans oublier les minorités ethniques. Heureusement la cafétéria nous a permis de nous revigorer alors que nous étions au bord de l’épuisement. Les vieux quartiers chinois nous ramènent à des considérations plus terre à terre et excitent notre curiosité. Des galeries d’art contemporain colonisent un quartier, à côté d’échoppes offrant des soies. Tout près, le marché "aux fleurs, aux oiseaux, aux poissons, et aux insectes" fait le bonheur d’une famille de touristes avec enfants. Accompagnés de leur chant assourdissant, des grillons sont proposés dans leurs cages de bambou. Des criquets de belle taille sont destinés à des compétitions. On y trouve aussi des animaux de compagnie, souris, rats, écureuils, lapins, poussins, petits chats et naturellement poissons rouges, l’ensemble est assez odorant.

Toutes ces explorations ne représentent qu’un préambule à la découverte du fameux "Bund". Le majestueux boulevard longe le fleuve du Huangou. Tous les voyageurs débarquaient sur ce quai lors des premières implantations occidentales au milieu du XIXe siècle. On prétend qu’à l’entrée d’un pont figurait un écriteau "Interdit aux chiens et aux Chinois". En fait cela serait faux. Cependant les Chinois ne pouvaient pénétrer dans les concessions seuls, si ce n’est en compagnie d’un maître. Cette histoire rappelle l’humiliation subie pendant la période coloniale.

Sur la berge, les maisons d’alors ont été reconstruites, agrandies, embellies à différentes époques pour former une suite d’édifices d’allure majestueuse de style monumental sobre, plutôt classique, imposant. L’ensemble est maintenant classé. C’est un plaisir de flâner sur cette promenade bordée de superbes façades, adresses prestigieuses de sièges de banques, des clubs, d’hôtels de luxe. Construit à la fin des années 1920, l’ancien Cathay passe pour être le plus beau monument Art Déco de Shanghai. On admire son superbe hall et sa rotonde, c’est le Peace Hôtel. A côté, le Palace Hôtel propose des montres de créateurs et autres bijoux somptueux dans sa galerie marchande. A l’Hôtel des Douanes, une réplique de Big Ben vous indique l’heure. Pendant la révolution culturelle la cloche fut remplacée par des hauts parleurs diffusant des chants révolutionnaires.

Il faut revenir le soir sur le Bund et prendre un verre sur une terrasse dans les étages élevés pour admirer les lumières de Pudong, le quartier des affaires situé de l’autre côté du fleuve peuplé de sa forêt de tours. L’éclairage multicolore de ces gratte-ciel, les reflets sur l’eau, la circulation de bateaux sur le fleuve forment un spectacle féerique. Nous avons passé une soirée de rêve au "M. On the Bund Glamour Bar".

Un taxi nous mène de l’autre côté du fleuve jusqu’à Pudong. Il y a encore vingt ans ce quartier n’était qu’une étendue de terres agricoles marécageuses. Aujourd’hui c’est le moteur du pays, centre du commerce et de la finance. Le symbole de Pudong c’est la célèbre Oriental Pearl Tower, tour de télévision visible de toutes parts, dont la grosse boule s’illumine de rose à la tombée de la nuit. En sous-sol se trouve l’excellent musée d’histoire de Shanghai qui nous dévoile l’ancien mode de vie des chinois, avec des reconstitutions d’habitations et de boutiques, leurs travaux et distractions (notamment les jeux d’échec ou les combats de criquets) mais aussi la folle vie nocturne, la débauche entraînée par le commerce de l’opium. Une passerelle élevée enjambant de nombreuses voies de circulation permet de distinguer les multiples tours agrémentant le paysage, certaines de forme audacieuse. L’une rappelle un bâton de rouge à lèvres, l’autre un décapsuleur ou un immense diamant. La Shanghai Tower (encore en construction) sera la plus haute avec ses 634 mètres. On voit grand, les plus grands parcs, les avenues les plus larges, les ponts à haubans les plus longs avec une croissance économique annuelle proche, dit-on, de 17%. C’est impressionnant.

Retour au calme. Nous terminons par une journée paisible, à une distance de 50 km environ. Suzhou, surnommée la Venise de l’Orient, avec ses jardins, ces nombreux ponts, temples, et pagodes. Le "jardin de l’Humble Administrateur" date du XVIe siècle, il aurait appartenu à un censeur général muté contre son gré. Au milieu du parc, le "pavillon des parfums lointains" offre une vue panoramique sur l’ensemble parsemé de cours d’eau, de constructions, de ponts et de rochers. Ce décor délicat fait penser aux peintures du musée d’art de Shanghai. C’est un résumé de la nature tel que le sentaient les "lettrés" dans ces lieux propres à la méditation et à l’épanouissement.

Voyageons, c’est bon pour le moral! C’est aussi la façon de ne pas encombrer son entourage avec de tristes pensées.

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