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Une brève histoire du temps

Publié le 09 juin 2010 par Eric Viennot

GTA01 Combien de jeux avez-vous terminés depuis un an ? Dans mon cas, ils doivent se compter sur les doigts de la main. Le dernier que j’ai terminé était Uncharted 2. Cela m’a pris une quinzaine d’heures. Pourquoi n’ai-je pas terminé les autres ? Pas assez de temps ni d’envie. Scénario pas assez inventif. Gameplay trop répétitif ou trop bourrin. Dans la même période, j’ai dû passer plus de 80 heures sur PES à jouer avec mon fils. En termes de rentabilité, le jeu de Konami arrive donc largement en tête. La replay value (capacité d’un jeu à être rejoué) est bien la grande force des jeux de simulation ou des jeux bacs à sable (Sims, etc…). En apparence seulement. Car si j’ai terminé Ico en moins de 20 heures, les émotions ressenties en y jouant ont continué longtemps après la fin du jeu à hanter mon imaginaire alors qu’une partie de PES est oubliée aussitôt le match terminé. On devrait inventer l’OEV (Obsessive Emotion value »)…

Alors qu’il nous paraitrait complètement déplacé de juger un film sur sa durée et un livre sur son nombre de pages, la durée de vie d’un jeu reste l’un des critères incontournables des sites et des forums spécialisés. Qui est-ce qui décrète qu’un bon jeu scénarisé (un GTA ou un Mass effect par exemple) devrait durer 30 heures minimum ? Une question d’usage ? D’habitude ? De prix ?

Quand j’achète un jeu 65 euros je veux effectivement en avoir pour mon argent.
Mais qu’est-ce que cela signifie au regard d’autres bien culturels ?
D’après la Fédération Française des Cinémas, le tarif moyen d’une place de cinéma est de 6 euros. Si un film dure en moyenne 90 minutes ça fait environ 7 centimes d’euros la minute.
Dans cette logique comparative, un peu absurde, j’en conviens, un jeu vendu 60 euros devrait durer 14 heures. Une durée un peu limite qui ferait râler un grand nombre d’acheteurs de jeu.
Pourquoi 14 heures passées sur un jeu paraissent courtes alors qu’un film de cette durée, même excellent, finirait par paraître interminable ? Tous ceux qui jouent connaissent la réponse : la perception du temps n’est pas la même quand on joue. 
Pour cette raison, consacrer 50 heures à un jeu parait tout à fait normal à un «hardcore gamer» alors que cela parait énorme à une personne qui ne joue pas. Pourtant, j’en connais de plus en plus autour de moi qui, en vieillissant, jouent moins souvent et moins longtemps. Le temps : cette chose si précieuse.
Au-delà de 30 ans, consacrer plus de 50 heures à un jeu relève de plus en plus d’un exploit. Quand on le fait c’est au détriment de sa vie amoureuse, familiale ou sociale, au détriment du sport ou d’autres loisirs culturels : lectures, DVD, cinéma, concerts, spectacles… Le temps n’est pas extensible et le gamer, geek par définition, est le premier sollicité par ces nouveaux médias bouffeurs de temps que sont les forums, les blogs, et les réseaux sociaux. Est-ce pour cette raison qu’on a vu, ces dernières années, la durée de vie des jeux se réduire ? On est passé de 30 à 40 heures à une norme de 15 ou 20 pour un jeu d’aventure. La durée de vie n’est plus heureusement un critère aussi important qu’il l’a été.
Malgré tout, les vieux réflexes reviennent vite. On est content que le prix des jeux baisse mais on n’admet pas que leur durée de vie diminue. Avec la crise, l’argument  « durée de vie » du jeu vidéo comparé aux autres loisirs reprend d’ailleurs une sacrée cote.
Y-a-il une durée idéale pour un jeu scénarisé ? Comme on vient de le voir la question n’a pas lieu de se poser pour les jeux de simulation, comme pour les jeux bacs à sable ou les jeux en ligne. Mais quand est-il pour les jeux à scénario ?
On le sait, contrairement à un film ou un livre les actions ou les choix demandées au joueur ralentissent la narration jusqu’à étendre artificiellement l’histoire. Dans In Memoriam la part de l’histoire (visionnage des cinématiques, lecture des mails) pourrait se réduire à quatre ou cinq heures. Le reste du temps (25 heures en moyenne sont nécessaires pour terminer In Memoriam II) est consacré à la résolution des énigmes et des minigames et ce que cela suppose (découverte des écrans, manipulations diverses, utilisation des outils, surf sur Internet…). Bien-sûr, ce qui fait l’intérêt d’In Memoriam c’est l’immersion du joueur dans l’histoire à travers ces phases de jeu. C’est pour cette raison que j’ai souvent dit qu’In Memoriam ne ferait pas forcément un bon film et qu’il n’est pas réductible justement à ces quatre heures de narration pure.

Il semble donc difficile de réaliser un bon jeu scénarisé en dessous de 15 heures. Cela risque de se faire au détriment de l’histoire ou du plaisir du joueur. Cela signifierait-il que ce format devienne un standard en dessous duquel il parait difficile de descendre ? 15-20 heures : la durée idéale ? C’est approximativement la durée d’une saison d’une série TV américaine. Est-ce un hasard ? 

Article paru dans IG Mag N°3.

Illustration : GTA IV (18/20 en durée de vie sur Jeuxvideo.com)



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