Le soleil traversait les grandes fenêtres de cet appartement haussmannien, aujourd'hui encore je savourais la chaleur, cette douceur irréelle dans ma vie. Posée sur le canapé, les jambes enveloppées d'un collant opaque chaud, le corps moulée dans une tunique en cachemire grise, je buvais un chocolat chaud que venait de me servir une domestique.
Un autre monde, d'autres mots, d'autres définitions.
De nouveaux repères.
Quelques mois seulement avaient passé entre notre première rencontre par hasard dans un bar branché, moi présente par hasard, heureuse de sortir de mon studio misérable pour une soirée tranquille. Une amie, étudiante comme moi en arts aplliquées, m'avait tiré hors de mon chez moi, de mes routines, de mon travail de réflexion, de mes études, pour m'aérer le cerveau et pour voir du monde. Des relations, des amis, des connaissances, un mix de costumes propres et d'artistes négligés, de financiers et de belles pour une nuit, des couleurs, des alcools, de la musique assourdissante et rien de plus.
Des discussions certes mais où personne ne se comprenait vraiment dans ce bruit impossible, des débuts de phrases sans fin, des interprétations entre sourds, des réponses vagues, des semblants qui me permettaient de me balader en riant intérieurement de ce cocktail social.
Et puis, une flûte vide appelant d'autres bulles, je suis tombée sur une bouteille, un homme et un sourire. Une chemise ouverte, une cravate dans la poche de pantalon, un style décontracté, deux mots, un merci poursuivi d'une fin de soirée dans un coin de terrasse chauffée, plus calme, avec la vue sur les toits de la ville, la nuit. Nous avons parlé, de lui, de moi un peu, de nos coins cachés, de nos regards amusés sur cette faune apparemment incompatible dans ce loft, et pourtant du bonheur simple, peut-être un brin snob, qui envahissait ce lieu.
On a ri, de ce tout pétillant, des bulles avalées plus encore.
Et puis en parlant soldes, avant de partir, de nous quitter, je ne pensais que lui donner un détail de mon agenda morne, mais ce fût un départ. Car le lendemain, entre deux rayons de mon magasin de fringues vintage, perdu dans le haut de la ville, il était là, souriant, un bouquet de fleurs dans la main, un foulard dans l'autre, les deux pour moi.
Nous avons fait les magasins ensemble, il m'a couverte de cadeaux, de petites robes, de petits accessoires, de désirs et d'envies variées, avant de m'offrir des talons sublimes, ceux de cendrillon, nous en avions parlé ensemble, le jour, la nuit précédente. Et nous nous sommes jamais quittés depuis. Je me suis installé dans cet appartement, avec une personne qui s'occupe de notre confort, discrètement, du ménage, des courses, du repassage, des menus, je suis comme une princesse, perdue plus dans cet espace trop grand. Je ne peux lui reprocher, mais voilà plus de quatre semaines que je dévore l'hiver au chaud, sans comprendre le sens de ces dimensions trop grandes pour moi.
Alors je savoure, car dans ses bras, je suis heureuse, mais j'ai encore besoin de respirer, de trouver des repères, et cet après-midi, je retournerai travailler dans mon studio, un petit chez-moi bien plus idéal. Comment lui dire ? comment lui expliquer ? surtout que je suis amoureuse, épanouie en sa présence, perdue un peu aussi sans lui.
Mes sentiments, ma vie, mes valeurs, simplement en pleine évolution, pas encore prêts à tout cela.
Nylonement