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Mai 68, un entretien avec Christian Bourrier

Publié le 28 mai 2008 par Jcgrellety

Mai 68, un entretien avec Christian Bourrier AL : Christian Bourrier, que faisiez-vous et où etiez-vous en mai 68 ?

CB : En Mai 68, j'étais à Paris depuis un an environ, au départ je suis parti de Lalinde (Dordogne) pour trouver du travail. Je n'en ai pas trouvé de suite, aussi je vivais de petits boulots qui m'assuraient le minimum vital (le sandwich). Je vendais des journaux à la criée, le soir je travaillais boulevard St Michel chez Gibert Jeune, et je grattais la guitare sur quelques terrasses autour du quartier latin. Donc, dès que les premiers mouvements ont commencé je me suis de suite intégré. J'étais déjà dans la place. A ce moment là, même si les médias ne parlaient que d'un mouvement d'étudiants, j'ai ressenti qu'il s'agissait plutôt d'une manifestation d'humeur de la jeunesse tout entière.

AL : Pourquoi cette révolte était nécessaire et belle ?

CB : Cette révolte était nécessaire, car nous étions une génération d'après guerre, où l'écart avec les générations précédentes était énorme, tout nous séparait. La musique, la libération des mœurs, la façon de nous habiller (les premiers jean's apparaissaient), la coiffure, l'éducation scolaire figée depuis Jules Ferry, les nouveaux intellectuels, et surtout une autre vision de la politique, nos héros étaient alors le Che, Régis Debré, et les idées libertaires de Jean Paul Sartre et Simone de Beauvoir. Les héros des guerres de 14 -18 et 39 - 45, ont donné leurs vies pour que nous puissions vivre en toute liberté, on ne les remerciera jamais assez, mais leur monde ne nous convenez plus. Nous voulions élargir nos libertés, pouvoir crier haut et fort nos idées. L'état policier d'alors, où certains chefs s'appelaient Papon et autres, les radios nationales, la fameuse O.R.T.F, et tous les organismes d'Etat, étaient sous la direction de cette fameuse génération d'avant guerre - ils avaient tous déjà une République de retard - et ils n'admettaient pas que nous leur bouleversions leurs façons de nous construire un avenir. Nous devions rester dans le moule; ne pas quitter le rang. Bien que nous n'étions pas malheureux, (c'étaient les meilleures années d'après guerre), la cassure était quand même faite entre les générations.
Tous ces ingrédients ont fait qu'un jour la marmite a explosé.

AL : Mai 68, ne serait-ce pas des réussites et des échecs populaires, et lesquels ? 40 ans après, où en sommes-nous de la vie et des libertés populaires ? Que faudrait-il faire ?

CB : Il est évident que comme dans toutes les insurrections ou révolutions, il y a des réussites et des échecs. La Révolution de 1789, en est l'exemple type. L'épuration en est une autre, même les révolutionnaires comme le Che ont eu des casseroles à traîner. Mais c'est toujours à partir de ces soulèvements populaires que les libertés ont avancé. Quand le peuple crie dans la rue, le pouvoir a toujours tremblé. C'est la pression du peuple qui a fait écrouler le mur de Berlin et toutes les dictatures du bloc de l'Est, qui a donné un peu plus de liberté aux noirs d'Afrique du Sud, et un peu plus tôt à ceux des Etats Unis. Aujourd'hui c'est encore le peuple qui change le visage politique des anciennes dictatures d'Amérique du Sud. Lorsque la pression de la rue est trop forte, les hommes politiques n'ont plus le choix. Ils ne leur reste que celui de satisfaire. Qui aurait cru qu'un jour un tribunal international serait à même de juger tous les grands criminels de guerre ? Ces idées là, étaient dans Mai 68, car seule la liberté de parole permet de faire connaître au monde entier les souffrances. Les dirigeants chinois en acceptant les Jeux Olympiques n'ont pas pris conscience de ce problème. Le peuple chinois le comprendra, lorsqu'ils auront la liberté de voir les réalités et de pouvoir s'exprimer, ils le feront. La plus belle réussite de Mai 68, c'est d'avoir permis de faire remonter les cris de la rue.


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