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Et pendant ce temps le chômage explose en France...

Publié le 04 février 2015 par Raphael57

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Tandis que certains se réjouissent un peu trop vite de l'assouplissement quantitatif mis en place par Mario Draghi mais qui arrive bien tard, et que d'autres paniquent rien qu'à l'évocation de la situation économique en Grèce, force est de constater que le chômage continue à tutoyer des sommets un peu partout en Europe !

Dans ce billet, je me concentrerai sur le chômage en France et chercherai à montrer que celui-ci est bien trop souvent étudié sous l'aspect quantitatif, ce qui est une erreur pour un tel phénomène multidimensionnel.

La mesure du chômage

En France, selon l'INSEE, le taux de chômage sur le troisième trimestre 2014 s'élève à 10,4 % de la population active, en hausse de 0,1 point par rapport au trimestre précédent. 

Chomage-T3-2014.png

[ Source : INSEE ]

Plus inquiétant encore, le halo de chômage - c'est-à-dire les personnes inactives au sens du BIT mais qui souhaitent travailler - continue sa progression et s'élève à 1,4 million de personnes !

Halo-t3-2014.png

[ Source : INSEE ]

Quant au taux d'emploi, et surtout le taux d'emploi en CDI, il ne laisse rien présager de bon...

Ce constat global pour la France nous est confirmé par les chiffres terrifiants de Pôle emploi :

DE-dec-2014.jpg

[ Source : Sud Ouest ]

Bien entendu, le ministre du Travail, François Rebsamen, persiste à penser qu'en poursuivant dans cette politique économique, à grands renforts d'allégements de cotisations sociales et d'impôts en faveur des entreprises, la situation sur le plan de l'emploi s'améliorera. Ca ne coûte pas cher de prêcher un mantra auquel son collègue à l'économie ne croit pas ; pire, lui-même ne semble plus y croire puisqu'il préconisait il y a peu de renforcer les contrôles sur les chômeurs pour faire baisser le taux de chômage !

Les ratés de l'inversion de la courbe du chômage et ses conséquences

Ceux qui suivent mon blog se souviennent certainement de mon billet consacré au bug sur les chiffres du chômage. J'y expliquais, en particulier, que de nombreux chômeurs se découragent d'un marché du travail bloqué et d'un service public à l'emploi qui n'a rien à leur proposer de concret. Le problème est que ce chômage massif et de longue durée pèse aussi sur notre avenir commun, au travers d'une moindre croissance potentielle de la France.

Rappelons d'abord que la croissance potentielle peut être définie comme celle réalisant le niveau maximal de production sans accélération de l'inflation, compte tenu des capacités de production et de la main-d'oeuvre disponibles. En pratique, on peut l'estimer à partir de la tendance de la productivité par tête et de la croissance future de la population active.

Or, le chômage de masse (avec une explosion chez les plus de 50 ans qui ont vu leur taux de chômage être multiplié par 2 en 6 ans !) et de longue durée détruit ce que les économistes appellent du capital humain, c'est-à-dire avant tout des compétences. Cela pèsera donc inévitablement sur la productivité du travail et donc la croissance potentielle.

Quant au dynamisme démographique de la France, il ne sera pas d'une grande utilité si l'emploi continue à se réduire comme peau de chagrin, d'autant que la crise a conduit à une hausse du taux de chômage structurel.

Le chômage n'est pas qu'une donnée quantitative

Trop souvent, les politiques évoquent le chômage uniquement sous l'angle de son taux. De la sorte, on occulte à dessein toutes les questions de qualité de l'emploi et de déclassement professionnel. Car à moins de faire preuve de mauvaise foi, chacun sait bien qu'avoir un emploi pour lequel on est surqualifié n'est pas une bonne nouvelle ni pour son titulaire ni pour l'économie dans son ensemble.

De plus je fais une différence entre travail et emploi, le premier n'étant que la déclinaison moderne du tripalium dont il est issu... et que l'on cherche à généraliser comme en témoignent les multiples attaques victorieuses contre le code du travail !

En outre, bien qu'il soit établi que le diplôme est une bonne protection contre le chômage, on néglige trop souvent la frustration de ces jeunes à qui a été promis un avenir radieux une fois diplômés, mais qui se retrouvent bien trop nombreux pour les rares postes correspondant à leurs qualifications.

C'est ce dont Marie Duru-Bellat avait rendu compte dans son livre L’inflation scolaire – Les désillusions de la méritocratie. Dans de nombreux pays, et pas qu'en France, de plus en plus de jeunes ont le sentiment qu'ils sont bien dans un tunnel, mais que les deux sorties ne valent guère mieux l'une que l'autre puisqu'elles se nomment chômage et précarité.

Mais ce fétichisme du chiffre permet à certains cyniques, lorsque le taux de chômage de la zone euro passe de 11,5 % à 11,4 %, de s'enorgueillir de l'efficacité des politiques d'austérité alors même que le tissu social est détruit en Grèce ou en Espagne :

Chomage-UE.jpg

[ Source : 20minutes ]

Le corollaire est, selon eux, que si l'austérité fonctionne bien et que les inégalités ne sont finalement pas si terribles à supporter, rééquilibrer le partage des revenus au profit des salariés n'est donc plus la priorité. Pourtant, c'est cette déformation du partage des revenus au profit des entreprises et au détriment des salariés qui conduit à une baisse de la demande, et donc de la croissance. Mais silence, ne dérangeons point les intérêts d'une minorité qui a su faire croire qu'elle oeuvrait pour le bien collectif... 

Existe-t-il des solutions ?

Commençons par évoquer la fausse bonne idée qui est devenue la nouvelle marotte brandie partout pour faire baisser le taux de chômage : inciter les chômeurs à créer leur entreprise. Faut-il rappeler qu'outre le fait que cela comporte des risques financiers (quand bien même peut-on devenir milliardaire comme l'affirme Monsieur Macron), tous les chômeurs n'ont pas nécessairement l'envie et les compétences pour devenir chef d'entreprise ?

N'y a-t-il donc pas de solution à ce fléau ? Bien sûr que si, mais cela nécessite avant tout d'accepter d'évaluer sérieusement et sans idéologie les dispositifs d'aide à l'emploi existants. Ensuite, la formation professionnelle et l'apprentissage en particulier, doivent être entièrement refondés sur des bases saines.

Quant à la demande adressée aux entreprises, elle ne pourra revenir que si l'on abandonne le logiciel néolibéral qui a remplacé le salarié-consommateur par l'emprunteur-consommateur, le crédit palliant la stagnation des salaires pendant un certain temps... avant que le système n'implose en 2007 ! Et avec la nécessaire transition écologique, c'est vers autre chose qu'un homo oeconomicus-consommateur-compulsif qu'il faudra tendre, afin de créer de l'emploi en investissant pour un avenir meilleur.

Quant à la concurrence à tout crin, érigée en principe au sein de l'Union européenne, ne pourrait-on pas revenir à de saines valeurs de coopération ? Quoi qu'il soit, lutter contre le chômage nécessite impérativement de changer le cadre structurant nos politiques économiques et notre cadre de penser.

En effet, à force de répéter que les solutions doivent être trouvées à l'échelon local, on finit par dépenser toute l'énergie du pays à chercher à généraliser des idées qui, bien qu'ayant parfois donné de bons résultats localement, n'ont aucune chance de fonctionner sur un autre territoire et encore moins au niveau national, simplement parce que le cadre socio-économique n'est pas le même.

Ainsi, en matière de lutte contre le chômage dans un pays ultra-jacobin, la solution se doit à mon sens d'être construite au niveau national, dans un cadre propice à soutenir la demande et le travail (et non la finance et les rentiers comme c'est le cas actuellement), et ensuite on pourra y ajouter des initiatives locales qui tiendront compte des spécificités de chaque territoire.

Sinon, nous continuerons, en France et dans la zone euro, à subir la concurrence mortifère des entreprises installées dans des pays qui ne respectent pas les droits les plus élémentaires des salariés et encore moins les Droits de l'Homme. Or, c'est une des raisons qui ont littéralement laminé une partie de notre industrie et de ses emplois.

Mais comment faire face à cette menace sans cadre conceptuel bien défini au niveau national ou mieux européen ? Rendons-nous à l'évidence : aujourd'hui, il est devenu impossible de mener de bonnes politiques économiques dans un cadre vicié... 

Bref, les chantiers sont nombreux et complexes, mais encore faut-il qu'il y ait une volonté politique pour les démarrer !

N.B : l'image de ce billet provient de cet article du site http://www.lcr-lagauche.org


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