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Guillaume Tabard : « Le vote Front national est en train de devenir un vote utile »

Publié le 06 février 2015 par Délis

Délits d’Opinion : L’élection partielle dans le Doubs a non seulement fragilisé l’UMP, mais elle a également réveillé le débat sur le positionnement vis-à-vis du FN. Cette question sera-t-elle la clef des scrutins locaux à venir ?

Guillaume Tabard : « Sur ce scrutin, l’UMP a commis une erreur en amont en omettant d’anticiper le cas de figure qui maintiendrait le PS au second tour à ses dépends. L’analyse des données électorales laissaient pourtant la place à une mise hors jeu de l’UMP, et ce malgré un affaiblissement du PS (12 pts dimanche soir) et à une percée du Front National. La conséquence de ce manque d’anticipation plonge le parti de droite dans une gestion de crise à chaud ; toujours plus risquée et incertaine. C’est pourquoi, depuis dimanche, l’UMP semble se chercher une cohérence voire même une certaine crédibilité sur la question du positionnement pour le second tour.

Si l’on élargit le spectre, cette erreur de l’UMP au niveau local s’apparente à une faiblesse dans l’analyse de la situation politique depuis l’été 2012 et le début du décrochage de l’exécutif dans les enquêtes d’opinion. En effet, la chute de la popularité de l’exécutif joint aux scenarii d’élections partielles donnant UMP/FN au 2nd tour avait donné l’impression d’un match joué d’avance. Or, l’élection du Doubs démontre que la situation n’est pas aussi simple, et qu’elle ne le sera pas aux élections cantonales dans quelques semaines. En effet, si le PS doit s’attendre à une déconvenue au niveau national, plusieurs bastions de gauche devraient résister et offrir des oppositions PS-FN au 2e tour.

Sur la question de la gestion du FN, l’UMP n’a pas voulu insister sur le fait que la montée de cette force politique était aussi un problème pour la gauche, laquelle a été siphonnée d’une partie de son électorat ouvrier/employé depuis 2012. En ayant une lecture d’un FN « extrême-droite » qui ne serait qu’un prolongement plus dur de ses idées, l’UMP a laissé grandir à ses côtés un risque qu’elle paie aujourd’hui, et sans doute demain, au prix fort ».

Délits d’Opinion : Le scrutin du Doubs a démontré que le FN parvenait mieux à mobiliser ses troupes que les autres partis mais qu’il éprouvait encore des difficultés à progresser en nombre de suffrages. Existe-t-il encore un plafond de verre qui freine le FN ?

Guillaume Tabard : « Les deux années qui sont derrière nous ont démontré que le plafond de verre n’existe plus, notamment car le parti est désormais en capacité de mobiliser fortement ses électeurs (87% de ses électeurs de 2012 dans le Doubs), et ceux à tous les scrutins, indépendamment du niveau d’abstention. Le second élément qui plaide en faveur de la disparition du plafond de verre c’est la capacité grandissante du FN à amener à lui des franges de la population diverses mais toujours plus nombreuses. A ce titre le FN agit comme un pôle d’attractivité dont la dynamique rappelle celle du PS dans les années 1970 et du RPR dans les années 1980.

Le FN de 2015 dispose donc d’une base électorale forte tout en continuant d’attirer plusieurs groupes d’électeurs : les déçus de l’UMP jugé trop mou dans son opposition, mais aussi des déçus de gauche qui constatent l’échec de la majorité, notamment sur le volet social. Mais l’élément qui change profondément la donne en ce moment c’est justement le franchissement d’un seuil psychologique par le FN. L’effet d’entrainement semble désormais jouer en faveur du parti de Marine Le Pen et de ses représentants qui, pour la première fois, semblent en mesure de gagner et de gouverner. Ainsi, le vote FN, longtemps demeuré un vote de rejet, est en train de se muer en un vote utile. Les 4 scrutins intermédiaires ont confirmé à la fois la capacité du parti à mobiliser lors du 1er tour, mais aussi son potentiel de progression au 2nd ».

Délits d’Opinion : A l’UMP le retour de Nicolas Sarkozy pose question. L’ancien Président apparait en retrait ce qui ne permet pas de clarifier la ligne du parti. Est-ce un moment de faiblesse ou la confirmation que la « magie » ne fonctionne plus ?

Guillaume Tabard : « Nicolas Sarkozy est dans une position de distanciation inhabituelle chez lui, laquelle résulte de la conjonction de deux facteurs.

Le premier est davantage subi : le fait d’être de retour ne permet pas de bénéficier du même souffle que la première fois. L’opinion connait l’ancien Président, ses forces et ses faiblesses. Pour Sarkozy on connait même la méthode et les « ficelles » de son action et de sa communication. La magie opère indéniablement moins chez une partie de l’électorat de droite.

L’élément qu’il a choisi et qui semble l’affaiblir est sa position de Président « trait-union » au sein de l’UMP. Réaliser la concorde à l’UMP n’est ni facile dans le contexte actuel, ni en cohérence avec le tempérament de l’ancien président. Ainsi, la recherche d’une hypothétique synthèse – la semaine dernière sur la position vis-à-vis du FN – est un travail quasi-impossible et surtout une tâche qui ne lui permet pas de prendre l’initiative comme il en avait l’habitude.

Sur la question du positionnement politique Nicolas Sarkozy ne semble pas non plus avoir encore tranché. La période qui avait précédé son retour semblait indiquer une volonté de recentrage (éviction de Buisson, proximité avec NKM et Baroin, etc.). Puis, la campagne pour la présidence de l’UMP avait vu revenir le Sarkozy de 2012. Enfin, depuis novembre il demeure prudent, ne sentant sans doute pas encore suffisamment bien les lignes de forces qui structureront l’opinion pour les années à venir : entre exaspération généralisée et espérance à l’unité, l’opinion semble difficile à cerner. Enfin, il reste une dernière inconnue dans l’équation politique de Nicolas Sarkozy : le nom de son adversaire direct pour 2017 ».

Délits d’Opinion : Les challengers de Nicolas Sarkozy à droite ont-ils progressé sur le programme et les idées qu’ils souhaitent porter ? Observe-t-on des différences majeures à ce stade ?

Guillaume Tabard : « Contrairement à ce que l’on entend souvent, la droite et ses leaders avancent sur les axes qui vont structurer le programme, notamment sur le volet économique. Un consensus semble apparaitre autour des idées de flexibilité, d’assouplissement du marché du travail, de diminution du nombre de fonctionnaires, etc. Une ligne plutôt libérale semble émerger bien que le leader de l’UMP lui-même ne soit pas encore au clair sur ce point ».


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