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Éloge du retard, et du Paradis

Publié le 07 février 2015 par Christophefaurie
Dominique Turq fait l'éloge du retard de l'entreprise. C'est aussi l'éloge du papier. Puisque c'est le titre de son dernier livre. Il le présentait il y a peu, dans un amphi de l'ESCP. J'apprécie beaucoup Dominique Turcq. C'est un homme qui a connu tous les honneurs de l'entreprise et de l'université, mais qui est resté étonnamment simple et modeste. Il n'a qu'un seul défaut. Sa passion du numérique. Car l'amour est aveugle. 
Son idée est que tous ceux qui disent que le numérique ne passera pas ont tort. Car, jusqu'ici on s'est toujours trompé lorsqu'il s'est agi de progrès. Et l'entreprise, la première. Contrairement à ce qu'elle croit, ce n'est pas elle qui produit la destruction créatrice. Elle la subit. Que faire ? Comme lorsqu'un tigre vous poursuit. Il faut courir un peu plus vite que le plus lent. Mais pas trop tout de même, car il faut éviter d'essuyer des plâtres. Pour bien courir, il faut embaucher des prospectivistes.
Dominique Turcq a été professeur, associé de McKinsey, entre autres. C'est un homme d'idées. Ma carrière m'a donné un autre point de vue que le sien sur le monde. Chez mon premier employeur, les idées géniales succédaient aux idées géniales, et faisaient flop. Puis j'ai connu la bulle Internet, autre grand moment de créativité. Quasiment tout ce dont on parle aujourd'hui, par exemple les fameuses imprimantes 3D, vient et revient depuis quelques décennies. Cela s'améliore probablement à chaque passage. Mais ça ne transforme pas le monde. Contrairement à ce que l'on dit alors. 
Le progrès dépend de ce que la société veut en faire. Les inventions sont réinventées sans cesse. Non parce qu'on n'en comprend pas l'utilité. Au contraire. On juge qu'elles sont inférieures à ce que l'on possède ou qu'elles pourraient troubler le bonheur collectif. Ainsi, la roue a été oubliée au profit du chameau, les pygmées auraient refusé la métallurgie, et on se demande si nous n'aurions pas dû faire de même avec la bombe nucléaire. The Economist note d'ailleurs que les Américains se sont brouillés avec la science, dès les années 60. Ce qui a coïncidé avec la fin de la conquête spatiale. Il y a derrière tout cela une vérité éternelle. Vouloir "connaître", c'est renoncer au Paradis. 

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