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Luigi Russolo, L'art des bruits. Manifeste futuriste 1913, Paris, Editions Allia, 2014, 46 pages, 6,2 €
Voici la réédition d'un document classique, vieux d'un siècle. Le futurisme y célèbre et revendique l'introduction du bruit dans la musique pour "enrichir le domaine des sons". Ou, plutôt, c'est la musique qui est intégrée dans l'univers sonore global ; dans cet univers, les machines sont aussi des instruments de musique sur lesquels on joue, des "bruiteurs".
Au début du manifeste, est posé un constat, comme un postulat : « La vie antique ne fut que silence. C'est au XIXe siècle seulement, avec le bruit des machines, que naquit le bruit. » Certes, il y avait déjà les bruits de la rue ("Les cris de Paris", "Les embarras de Paris"), le bruit des batailles ("La guerre") mais les usines et les machines et mécanisent et multiplient le types bruits qui sont les retombées non recherchées du travail industriel.
Les futuristes aimaient le bruit des moteurs, des automobiles, des avions. En 1912, Guillaume Apollinaire (Alcools,) avait déjà évoqué la "grâce" inattendue d'une "rue indutrielle", la poésie de la ville moderne, électrique :
"Les tramways feux verts sur l’échine
Musiquent au long des portées
De rails leur folie de machines"
Détournant les machines de leur rôle premier, Luigi Russolo invente des instruments dont le fameux russolophone qui inspirera à John Cage ses pianos préparés. Il s'agit, avec des "orchestres de bruits", de "rénover la musique par l'art des bruits". Ainsi, Edgar Varese, qui mêlera les bruits à la musique pour composer "Déserts" (1954), sirènes des péniches, moteurs de bateaux, et le fameux do dièse du sifflet d'une locomotive. Mais Varese était plus ambitieux que les bruitististes dont il tint à se distinguer dès 1917.
La place des médias dans le bruit ? Les médias ont achevé le silence, de plus en plus introuvable. Ils ont introduit le bruit dans l'habitation : la radio, la télé chez soi sont aussi du bruit pour les voisins, sans compter le capharnaüm sonore des magasins pleins de promotion... Ces bruits de média font désormais partie de l'environnement (bande-son de nos sociétés) et parfois deviennent musique à leur tour (cf. Les médias et les bruits du silence).
Ce manifeste est une publication suggestive qui anticipe l'évolution de l'histoire musicale, c'est aussi une réflexion sur l'environnement sonore des sociétés industrielles naissantes.