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Un silence assourdissant au cœur du système arabe

Publié le 09 février 2015 par Gonzo

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Cette chronique s'éloigne des sujets ordinaires de CPA. La faute en est à la région qui est dans une situation toujours plus déconcertante ! Le désordre gagne chaque jour un peu plus de terrain et la menace approche désormais du cœur du système.

Cela concerne d'abord les zones de conflits armés qui ne diminuent pas, bien au contraire, puisque la question yéménite est plus explosive que jamais. Relativement peu évoquée en dehors du monde arabe (et des milieux spécialisés), la prise de contrôle du Yémen par les Houthis est pourtant un séisme lourd de menaces à venir. Réduits abusivement à leur seule identité chiite, les Houthis sont aussi/d'abord un groupe tribal, sans doute soutenu par l'Iran, mais ni plus ni moins que les pions que l'Arabie saoudite n'a cessé de soutenir de son côté (à commencer par le dernier président en date, marionnette placée par Riyad pour succéder à Saleh victime, pas tout-à-fait liquidée, d'un fort étrange attentat).

Une différence tout de même, l'Arabie saoudite et le Yémen ont une frontière commune, ce qui n'est pas le cas de l'Iran. En revanche, les deux super-puissances régionales, et les autres pays de la région, partagent les mêmes certitudes sur le rôle stratégique du détroit de Bab al-Mendeb. Hostiles aux forces soutenues par les Saoudiens, les Houthis sont donc appuyés par les Iraniens, qui prennent pied (ou pourraient le faire) en un lieu particulièrement sensible pour l'équilibre régional puisqu'il commande l'entrée de la mer Rouge et au canal de Suez. On commence d'ailleurs à rappeler le précédent de la guerre du Yémen, entre 1962 et 1970, où l'Egypte de Nasser (alors alliée de l'URSS) était opposée à l'Arabie saoudite, soutenue par le Royaume Uni, dans ce qu'on n'appelait pas encore une "guerre par proxy",...

Un silence assourdissant au cœur du système arabe

Dans l'immédiat, et alors qu'un nouveau souverain vient d'être intronisé avec l'inévitable cortège de réajustements et de mises à l'écart, l'Arabie saoudite, voit une nouvelle position s'effondrer. Dans le bras de fer qui l'oppose à son archi-rival iranien, les semi-échecs tournent à la menace : après la "Syrakie" de l'Etat islamique en Irak et au Levant au nord, voici donc un nouveau problème au sud, le Yémen, sachant que la Jordanie, à l'ouest, est plus fragile que jamais, partagée qu'elle est, y compris dans son opinion publique, entre campagne militaire vengeresse contre l'Etat islamique en Syrie et hébergement de structures de soutiens à diverses forces armées combattant le pouvoir syrien. Et l'est ? Et bien l'Iran justement !

Pas étonnant dans ce contexte que les vrais patrons aient du mal à se faire respecter, comme en témoignent la divulgation, qui a fait grand bruit, d'enregistrements attribués au maréchal Sissi. Quand il n'était que général (putchiste), et pas encore candidat déclaré à la présidence, celui-ci, à l'image d'une bonne partie de ses concitoyens, se lamentait en substance de voir des Egyptiens en haillons contraints de s'abaisser à mendier auprès de ces gros poussahs tout juste bons à être plumés ! Diffusés par une des chaînes proches des Frères musulmans que les Turcs − encore un signe du désordre régional − hébergent fort obligeamment à Istanbul, ces propos ont contraint le désormais président égyptien à prendre son téléphone pour expliquer qu'il s'agissait naturellement d'un faux ! Apparemment, les boss du Golfe ont décidé de passer l'éponge...

Il faut dire qu'ils sont très occupés à résoudre leurs propres querelles internes. Evoqué dans le billet précédent, le lancement raté de la nouvelle super-chaîne d'information Al-Arab s'est transformé en fiasco total. Après une semaine d'interminables négociations, ponctuées de toutes sortes de rumeurs, les prétendues autorités du Bahreïn - car elles ne doivent leur survie qu'à l'aide militaire saoudienne - ont fini par dire que, tout bien réfléchi, elles ne voulaient plus de ce projet préparé depuis plus de quatre ans tout de même. Mauvais pari, pour le prince libéral saoudien, que ce choix de Manama ; restent les options de Beyrouth ou de Londres (voire, pourquoi pas, du Maroc).

En attendant, le rêve, imaginé dans la fièvre du Printemps de l'année 2011, d'une parole différente émise depuis un pays du Golfe s'est évaporé brutalement, après quelques heures seulement de diffusion. "Les Arabes" − puisque c'est le nom qui avait été choisi pour cette chaîne − réduits lamentablement à un silence aussi assourdissant : tout un symbole...


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