Je n'ai pas fait d'insomnie, les heures ont défilé, sans limite, sans s'arrêter, de la nuit jusqu'au petit matin. Un semblant de dimanche, mais c'était bien un mardi, un matin, une sonnerie de réveil, le boulot-métro-pas dodo.
La couette était chaude, mes yeux fatigués, mes pensées diffuses malgré ce temps éveillé, mes mille et unes réflexions. Je n'ai pas arrêté d'y penser, sans fermer vraiment l'oeil. Peut-être des minutes de sommeil, quasi éveillé, les yeux endormis, sans risque d'accident, coincée entre deux coussins, roulant sur la route de mes amours, à fond dans ce road-trip. Pas de direction réelle, juste avancer, croire en ce destin nouveau, apprendre à le comprendre.
Et là, malgré mon intense bonheur, oui, des sourires, seule dans le noir, pour la lune perdue derrière les volets, simplement pour moi, pour toutes les émotions, je suis incapable de savourer pleinement les dernières heures. Comme un grand looping affolant en montant, enivrant dans la sensation de force, luttant contre la gravité, criant de plaisir face à ce rush ascentionnel, dans l'attente du déclic, de l'apesanteur.
Mais je n'ai pas décroché, je suis restée collée par la force centrifuge, figée dans mon lit, dans ma chemise de coton, ultra-douce et avec l'oreiller, son odeur dessus. Oui, j'ai dormi seule, bizarrement, je l'ai laissé repartir dans son studio, traverser Paris dans le froid. J'étais mieux ainsi, et pourtant.
Je revois son geste, son visage, son corps et soudain ses mots. Lui simple, en jean, dans son sweat préféré, les cheveux aussi courts que sa barbe de trois jours était longue, lui dans son attitude nonchalante, soudainement près de moi, à genou devant le canapé. Là, en quelques secondes, dans un décor de notre vie commune, malgré nos deux lieux de vie, là, il m'a demandé en mariage. Moi, devenir sa femme !
Un long silence, un regard, des larmes de bonheur, ses mains sur les miennes, une boîte, une bague toute symbolique, des petites fleurs d'arent liées par une ficelle de lin. Naturelle, comme nous, une sobriété bien choisie, mon doigt, sa délicate attention, des bises sur mes mains, mon silence toujours. J'ai dit "oui" bien sûr car après plus de trois ans ensemble, de vie, et encore plus d'études, nous nous aimons.
Alors pourquoi dormir seule, je ne sais pas, trop d'émotions en si peu de temps, pas prête peut-être. Et puis moi, jeune femme dynamique, indépendante, fière de mes idées, féminine et parfois féministe, bien dans mon époque, je ne voyais pas un jour dans mon agenda, un mariage. J'aime mon homme, mais je n'avais pas programmé cela. Une éducation, mes propres choix, mon style de vie, mon caractère, le divorce quasi global de tous mes proches, parents, parents des amis, amis, collègues, et même mes futurs beaux-parents. Oui eux aussi, je les considérais comme un bout de famille, mais un nouveau qualificatif s'ajoute. Je n'ai pas dormi pour essayer de digérer, sans savourer pourtant ce bonheur réel, en ne quittant pas du bout des doigts la bague légère. En pensant à lui, si fort.
Demain, enfin maintenant, là avec ce jour, je suis une femme libre mais fiancée, une future mariée, voyons si la douche, le café et tout le reste à la même saveur depuis ce changement. Une nouvelle vie ou simplement une belle surprise d'amour.
Nylonement