Magazine Société

Marine Le Pen dans la « cour des grands »

Publié le 11 février 2015 par Delits

Au lendemain des attentats des 7 et 8 janvier dernier, la France et le gouvernement français ont répondu aux événements par un appel à l’unité et au rassemblement, visible notamment lors de la marche du 11 janvier. Ces événements ont conduit à effacer les couleurs politiques de la société française, simples citoyens ou responsables politiques au nom de l’unité nationale. Marine Le Pen a cependant décidé de faire cavalier seul, préférant les manœuvres politiciennes des événements autour des thèmes de l’immigration et de l’insécurité. « Je ne demande pas à être intégrée à l’union nationale. L’union nationale ce n’est pas un chantage où on peut venir à condition de la fermer. Je n’entends pas me soumettre à ce chantage », avait alors déclaré la présidente du Front National au journal Le Monde le 8 janvier. Une faute républicaine et politique dommageable ?

Marine Le Pen, le maillon faible de l’unité nationale et une faute républicaine

Précisons tout d’abord que les différents sondages parus dans les jours et semaines succédant les attentats ne peuvent laisser de côté l’effet d’« émotion immédiate ». Seules les études longitudinales, c’est-à-dire répétées dans le temps, permettront de comprendre dans quelle mesure ce traumatisme national aura marqué les mémoires et opinions collectives. Les études d’opinion de ces derniers temps renseignent néanmoins sur la façon dont les responsables et personnalités politiques ont surmonté cette épreuve.

À la fin du mois de janvier, Marine Le Pen recueille 23 % de confiance au sein des Français, soit une baisse de 4 points par rapport au mois de décembre. Ce niveau de confiance la positionne derrière Benoît Hamon (26 %) et au même niveau que Nathalie Kosciusko-Morizet, Laurent Wauquiez et Xavier Bertrand. Une baisse imputable à la défiance dont la présidente du Front National a fait preuve à l’égard du pacte républicain ? Au mois de janvier, quasiment tous les femmes et hommes politiques de tous bords confondus ont enregistré un regain de confiance, pouvant, dans certains cas être qualifié d’exceptionnel (jusqu’à 17 points de progression pour la cote de popularité de Bernard Cazeneuve). L’attitude de Marine Le Pen envers l’unité nationale semble donc lui avoir porté préjudice. De plus, selon un sondage Odoxa pour Le Parisien, 67 % des Français estiment que la présidente du Front National n’a pas été à la hauteur face aux attentats qui ont atteint la démocratie française.

Malgré cette non progression de confiance, Marine Le Pen confirme son assise dans le milieu populaire (34 % de confiance parmi les catégories populaires, dont 47 % au sein des ouvriers, contre 19 % chez les catégories supérieures). Du côté des jeunes, l’effritement de confiance amorcé au mois de novembre semble se confirmer : 16 % des 15-24 ans indiquent faire confiance en Marine Le Pen, – 1 point par rapport à décembre et surtout moins 6 points par rapport à novembre. A contrario, sa popularité se maintient chez les 35-49 ans (29 %).

Marine Le Pen, le Front National et la « cour des grands »

L’émotion des attentats retombe progressivement, les discordes politiques reprennent leurs droits au sein de l’arène politique. En janvier, 89 % des sympathisants du Front National déclarent faire confiance à leur présidente de parti. Malgré une baisse de 4 points par rapport au mois de décembre, Marine Le Pen fédère toujours autant au sein de son parti. À titre de comparaison, son homologue Florian Philippot ne recueille que 48 % de confiance au sein de ce parti. Marine Le Pen phagocyte bien la confiance de l’ensemble des partisans du Front National. Cet écart est moins marqué entre les deux personnages parmi les sympathisants de l’UMP (27 % contre 17 % pour Florian Philippot). Si Marine Le Pen fait figure de personnage central au Front National, elle se nourrit aussi d’une confiance non négligeable auprès d’un quart des électeurs de Nicolas Sarkozy : 26 % de confiance. Ainsi, la confiance envers Marine Le Pen est partagée par 2 Français de droite sur 10 (21 %, -2 points par rapport à décembre).

Marine le Pen et son parti jouent aujourd’hui dans la « cour des grands ». D’après un sondage CSA pour RTL sur les intentions de vote pour les prochaines élections présidentielles de 2017, Marine Le Pen arrive en tête du premier tour en drainant entre 29 % et 33 % des intentions de vote exprimées, quels que soient les scenarii proposés en fonction des candidats en présence. Ces intentions de vote renforcent le tournant qui est devenu tangible lors des dernières élections municipales et qui s’est confirmé au moment des élections européennes : le Front National représente le troisième parti de France. Un parti et une chef de parti présidentiables ?

D’après un sondage Odoxa pour I-Télé, 56 % des Français dont 78 % des sympathisants de droite estiment que le Front National devrait être considéré comme un parti comme les autres, ils sont 71 % à estimer que ce dernier ne serait pas capable de gouverner la France. Au regard de ces résultats, deux hypothèses peuvent être avancées. Premièrement, il existerait une distance entre l’image de Marine Le Pen, femme présidentiable, et l’image du Front National, parti encore perçu comme peu enclin pour gouverner la France. Deuxièmement, la place de leader qu’occupe la présidente du Front National à l’issue du premier tour et qu’elle perd au second serait plus un signe de protestation adressé à la classe politique qu’une réelle volonté de voir une femme d’un parti d’extrême droite arriver à l’Élysée.

Quoi qu’il en soit, à deux ans des élections, les attitudes favorables à Marine Le Pen et aux idéologies du Front National ne correspondent pas encore à des comportements électoraux. Les prochaines élections présidentielles permettront de mesurer la force du lien entre les opinions et attitudes actuellement observées dans les sondages et le comportement des Français dans les urnes. La dernière élection législative partielle qui s’est déroulée dans le Doubs donnant lieu au soir du premier tour à un duel Front National / Parti Socialiste et à un échec de l’UMP fournit néanmoins déjà un premier aperçu.

Données issues du baromètre de confiance dans l’exécutif et les principales personnalités politiques d’Harris Interactive – Janvier 2015


Retour à La Une de Logo Paperblog