J'ai suivi d'une oreille lasse l'affaire swissleaks qui fait les choux gras des médias dominants. Évidemment, ces derniers se contentent de répéter des faits à peine réchauffés, s'esbaudissant des sommes évaluées de l'évasion fiscale et des personnalités impliquées, sans en tirer les moindres conclusions politiques qui s'imposent.
Cette affaire révèle surtout la médiocrité volontaire des médias dominants qui ne font plus un véritable travail d'investigation et d'information, faute de moyens, faute de courage, et probablement par peur de froisser les annonceurs publicitaires et de déplaire à leurs propriétaires.
Parce que swissleaks n'est pas une surprise. Même pour un citoyen lambda comme moi. Intrigué par les leçons lourdingues des tenants de l'idéologie néolibérale sur la gestion sérieuse des finances publiques ou les sacrifices indispensables pour préserver l'avenir des générations futures, je me suis intéressé à la question centrale de la dette publique qui sert de prétexte à la grande régression sociale en cours. Et, du pourquoi et du comment en est-on arrivé à un tel endettement...? Question qui en appelle une autre : n'y a-t-il pas un problème au niveau des recettes publiques ?
Chemin faisant, j'en suis arrivé à la fraude et à l'évasion fiscales. A la corruption aussi, favorisée par la libéralisation de la finance. J'ai donc lu les livres des D. Robert, A. Peillon ou JF Gayraud dont il ressort, bien entendu des révélations mal ou jamais relayées par les médias dominants, mais surtout la complicité passive ou active des pouvoirs publics avec les fraudeurs fiscaux, en d'autres termes, des forces politiques qui sont au pouvoir en France et en Europe depuis plus de trente ans et qui ne prennent pas les mesures adéquates.
Pourtant, l'évasion fiscale a un coût qui pèse sur les classes populaires et moyennes qui elles paient leurs impôts. Un coût dont le poids est insupportable à mesure que la régression sociale engendre davantage de précarité sociale.
Ainsi, l'économiste français Gabriel Zucman qui fait autorité dans le domaine de l'évasion fiscale, et qui est totalement ignoré par les médias dominants en France, a publié La richesse cachée des nations, un excellent bouquin tiré de ses recherches :
« A la fin 2013, la dette s'élève à 94 % du PIB. Sans la fraude des particuliers dans les paradis fiscaux, elle ne serait que de 70 %, soit à peine le niveau d'avant la crise de 2008. Chaque année en effet, l'Etat, parce qu'il a été privé des impôts évadés depuis les comptes cachés, a dû s'endetter davantage. Ces emprunts supplémentaires ont à leur tour généré des dépenses nouvelles sous la forme de paiements d'intérêts, qui sont venus s'ajouter au coût direct des dissimulations. C'est ainsi un surcoût de dette de près de 500 milliards d'euros que l'Etat doit supporter, à défaut d'avoir jamais voulu s'attaquer sérieusement à l'évasion fiscale des ultra-riches. »
Il souligne combien la lutte contre les paradis fiscaux serait efficace :
« La France pourrait récupérer environ 300 milliard d'euros d'un coup, soit 15 points de PIB. Dans le contexte actuel, il semble approprié que l'Etat s'engage à allouer entièrement les sommes ainsi récoltées à la réduction de la dette publique. Le bénéfice serait double, puisque les intérêts de la dette seraient réduits d'autant. En abattant le secret bancaire, la spirale de l'austérité dans laquelle la France comme la plupart des pays européens sont piégés pourrait être inversée. »
Selon lui, cette lutte allégerait aussi le poids de l'imposition :
« Les modèles économiques dont on dispose suggèrent que les fortunes récupérées par l'Etat finiraient par se reconstituer (grâce à l'épargne), générant à terme des revenus et des successions imposables supplémentaires, qui pourraient servir à baisser d'autres taxes, comme l'impôt sur le revenu des classes moyennes ou la TVA. »
Il rappelle également combien l'Europe est riche, et combien l'austérité une aberration :
« L'Europe est plongée dans une crise interminable. Beaucoup y voient le signe d'un déclin irréversible, mais ils ont tort. Le Vieux Continent est la région la plus riche du monde, et cela ne va pas changer avant longtemps. Les richesses privées y sont largement supérieures aux dettes publiques. Et, contrairement à ce que l'on croit souvent, ces richesses sont taxables. Les profits partent aux Bermudes, mais les usines non. L'argent se cache en Suisse, mais il n'y est pas investi. Le capital n'est pas mobile, il est dissimulable. L'Europe se vole elle-même. »
Enfin, dans la dernière partie de son livre, G. Zucman fait des propositions concrètes pour lutter contre la fraude fiscale : sanctions financières et sanctions commerciales à l'encontre des pays qui favorisent l'évasion fiscale, tarifs douaniers, cadastre financier, impôt sur le capital ou impôt sur les sociétés...
« cette spirale peut être enrayée. (...) Bien que des solutions existent, les gouvernements n'ont guère brillé jusqu'à présent par leur audace ou leur détermination. Il est donc grand temps de les mettre face à leurs responsabilités. Bien des Français sont las de l'écart abyssal entre les proclamations et les actes. »
Quant aux autorités européennes et françaises, elles préfèrent imposer l'austérité, plutôt que lutter contre les paradis fiscaux et l'évasion fiscale... sous l’œil complaisant des médias dominants. Bref, je ne peux que conseiller la lecture de La richesse cachée des nations...