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Max | Dis, Roger

Publié le 14 février 2015 par Aragon

gorille2.jpgDurant l'été 62 il y eût un phénomène bizarre dans les rues d'Amou. Des tas de gamins couraient dans les rues en braillant, les deux bras en avant, relevés, leurs poignets formant bizarrement un angle morbide à 90 °. Marie Landalle, commère en chef du village, aussi large que haute, qui alliait une redoutable langue de vipère à un infaillible oeil de lynx passait le plus clair de son temps sur le pas de sa porte, au soleil, comme le reptile dont elle avait l'appendice buccal...

Marie Landalle s'en émut donc la première et elle réussit à faire cracher le morceau au premier môme qu'elle chopa de sa pogne d'ogresse et qui lui dit sur l'air d'un petit Gibus landais que c'était "le Gorille qui l'avait mordu". J'étais pas loin, j'avais vu la scène, j'étais planqué dans le lierre d'une porte cochère de la rue du Mirailh, moi-même, les poignets pliés à 90 °. Marie s'étrangla "Quiiiiiiiiiiii t'a mordu ?" et le môme en chougnant "Le Gorille, madame Marie"

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À Amou il y aurait dû y avoir une rue Johnny Weissmuller alias "Tarzan", une autre Jean Marais alias "Lagardère", une troisième Guy Williams alias "Zorro", une enfin et pas des moindres qui se serait appelée Roger Hanin alias "Le Gorille".

Quand on est morback la frontière est ténue du "pour de faux" et du "pour de vrai", le gamin est en tout cas, de tout temps, un remarquable "vrai" comédien et avant l'épidémie de poignets bloqués à 90°, il y eût celle des "Hohihohihooooooo" tarzanesques éclatants en plein cagnard, perturbant la sieste des braves habitants du village, celle des "Zsss Zsss Zsss" (3 fois) et de mômes qui partaient à la tombée du jour, au grand dam de leurs parents qui les cherchaient nuitamment et qui chantaient en faisant claquer leurs grôles sur le pavé - voulant imiter le bruit d'un cheval - "Un cavalier qui surgit de la nuit, court vers l'aventure au galooooop !!!", celle de Lagardère, tournant court, car il y eût là pas mal de torgnolles à la suite de visites chez le docteur, un paquet de gamins, émules du duc de Nevers et de sa fameuse botte en plein front, bigre, manquant de peu de se crever les yeux avec des épées "pointues".

Roger Hanin nous amena "Le Gorille". Ça c'était quelque chose !!! Le mec il avait encore une botte secrète, il te mordait le poignet et tu restais paralysé, bloqué comme un gland. Imparable ! Ça c'était du cinoche, quand t'es môme tu bois ça comme du petit lait, t'ouvres des billes, t'imagines ce nerf fatal du poignet, trouvé et mordu pour mettre KO "le méchant". Ce cinoche de série plus que B se regardait le dimanche soir chez Darracq à l'hôtel du Commerce qui faisait salle comble de cinéma, moi, j'avais pas le droit d'y aller, mais Serge dont la mère était beaucoup plus permissive que la mienne me racontait tout et Tarzan et Maciste et Lagardère et Zorro et "Le Gorille" et aussi, à cette même époque sans télé, l'érotisme naissant, balbutié maladroitement par lui et d'autres potes qui allaient au cinoche en douce ou qui piquaient les revues de leurs grands frères... Ah !!!!! les nichons de Lollobrigida, y'avait pas idée de s'appeler Lolo machin chose et d'en avoir en plus de  si beaux, mais ça, c'est pas l'histoire du "Gorille", de sa morsure redoutable. Je digresse... Le Gorille donc, sacré Gorille, éternel Gorille.

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Roger, c'est pas ton Navarro, ni ton "Coup de sirocco", ni tes autres films, ni tes rôles immenses au théâtre, ni ton film "Train d'enfer" qui m'avait tant marqué, car t'as fait du sacré bon boulot d'acteur, de comédien, de metteur en scène dans ta vie. Ni ton rôle éminent pendant des années de "maître de cérémonie" du festival de théâtre de Pau. Non, c'est pas ça qui me pogne encore, c'est ta carrure de mastard, ton gnac, tes râtiches redoutables, ta mâchoire qui sidérait Pierre Dac et Jean Le Poulain, qui terrassait cet enfoiré d'Archevêque.

Putain, Roger, dis... t'es mort ? Pour de faux, pour de vrai ?

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