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Les trois langages de la publicité : discours, icônes et histoire

Publié le 28 mai 2008 par Christophe Benavent

Dans les années 60 le personnage clé de la publicité était un rédacteur, le plus talentueux trouvait des formules magiques, une phrase qui résonnait ensuite dans tous les esprits. Dans les années 80, l’art de l’image a pris le dessus, cet art continue à s’améliorer dans la maîtrise graphique. Nos années 2000 sont celles de l’action et de sa narration.

Le discours, l’iconographie, le scénario. Trois temps qui martèlent une même histoire. Celle de la séduction. L’histoire des marques. Elles ont été une promesse, elles ont affirmée une image, elles sont aujourd’hui une histoire.

On peut être surpris de deux choses. La première est ce changement successif de registre, indique-t-il une évolution plus profonde ? Est-il l’apparence des transformations des technologies du langage. La seconde est la nature même du langage.

Il est tentant de voir dans ces trois langages successifs, la convention qui lie une génération aux objets techniques qui forment sa culture. Le marketing primitif au fond n’avait que le modèle de la presse, ce sens du titre. Pour inventer les moyens de sa persuasion, il s’appuyait sur des lettrés, évangélistes bornés, dévoreurs de journaux ou fous de surréalisme, de dadaisme, ou l’Oulipo. Le point commun est la littérature, de Hugo à Queneau.

Lui a succédé une autre génération, nourrie de corn flakes et de matinale à la TV qui a travaillé le langage de la vidéo, mettant en acte les promesses d’un art nouveau, une nouvelle vague et l’art du clip. Dans ce travail profond du XXème siècle s’est constitué un langage performatif qui catapulte les idées. S’il mûrit encore, variant ses formats, ce langage n’est plus en mesure de dire tout. Il y a cette culture de l’action, formée moins au théâtre que dans les manifestations, ce théâtre vivant qui implique son spectateur, les jeux de rôles, et cette génération des jeux vidéos qui installe ses décisions au cœur de l’imaginaire.

L’argument démographique est certainement insuffisant, ce n’est pas que l’acculturation qui conduit cette transformation, ni même le développement des technologies qui en facilitent sans doute le passage, mais une logique plus forte. Une logique analogue qui a amené le récit au roman, et celui-ci à l’autofiction. Une évolution du rapport au réel passant du mythe à l’exhibition. De l’Olympe à la rue. De la prose au dialogue, de la narration à la conversation.

Il faudra pour bien comprendre cela analyser plus finement ces rapports qui unissent le possible des techniques, l’enjeu du discours, les cultures et les générations. L’exercice n’est pas simple mais utile pour comprendre le monde actuel et la manière dont le discours des marques peut effectivement s’exprimer.

La nature du langage est en jeu. Façonné par la technique, il possède cependant sa propre logique. Une logique variée qui va des tagueurs à la plus savante littérature. Des scénaristes du loisir aux poètes habités. Le langage reste une affaire sociale, et ses formes se constituent dans la société. Si le langage change c’est que la société change. Le remarquable dans notre histoire moderne est que la nature du langage est un produit industriel.

Non seulement le publicitaire mais son spectateur conversent dans un langage qui exige du capital. Non seulement un crayon et du papier, mais des plateformes complexes qui accueillent leurs blogs, leurs commentaires, leurs documents. La nature du langage est comme hier forgée dans la technique. Mais cette technique est aujourd’hui plus lourde. Quand on pouvait seul préparer les plaques d’argiles, il faut aujourd'hui de grandes entreprises pour loger nos soupirs.


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