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Tunisie : réformer la fiscalité pour réussir la transition démocratique

Publié le 16 février 2015 par Unmondelibre
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En Tunisie, la pression fiscale est considérée comme pesante (21% du PIBen 2010). Il s’en suit une augmentation du taux de fraude fiscale qui représente environ 40% des recettes.  Les impôts, censés financer les grands projets de l’Etat, sont souvent gaspillés dans des dépenses publiques improductives. En témoigne, le niveau de déficit public en 2013 qui a atteint 4,3 % du PIB, ce qui aggrave la dette publique tunisienne estimée pour 2014 à 49,1% du PIB. Ainsi, se trouve-t-on devant un système fiscal aussi bien injuste qu’inefficace.

Les bouleversements politiques issus de la Révolution tunisienne, n’ont pas changé la donne. Pourtant, les défaillances fiscales furent au cœur des revendications populaires. Quelle stratégie suivre pour un système fiscal équitable et incitatif ?

Pour une fiscalité équitable 

Dans le contexte tunisien, il y a une inégalité alarmante dans la répartition de la charge fiscale. En effet, les salariés, c’est-à-dire une grande part de la classe moyenne, paie la quasi totalité des impôts directs sur les revenus, soit 80%, alors qu’ils ne représentent que 36% du PIB. Par ailleurs, selon la Direction générale des études et législations fiscales au ministère des Finances, le régime forfaitaire (395.000 personnes assujetties) ne contribue qu’à hauteur de  3% de l’impôt sur le revenu et à 0.2% des recettes fiscales. Autrement dit, le salarié paie en moyenne cinq fois plus d’impôt direct que l’indépendant soumis au régime réel, ayant tous les deux pourtant le même revenu.

Quant  à l’impôt indirect (taxes douanières, droits de consommation, TVA et autres droits et taxes), bien que sa part dans les recettes fiscales ait baissé, pour atteindre près de 60%, une tendance positive, la ponction sur le pouvoir d’achat des catégories sociales reste disproportionnée et exorbitante. Il faudrait donc rationnaliser les taux d’impôts en tenant compte de la baisse du pouvoir d’achat et de la non-évolution des salaires. En outre, l’iniquité se reflète aussi dans la fuite fiscale liée à l’élargissement du secteur informel. Cela fait subir à l’État un grand manque à gagner qui semble de plus en plus incapable à disposer des recettes fiscales nécessaires pour répondre aux énormes défis de développement. Pour remédier à la problématique de l’iniquité, deux plans d’action sont à envisager : primo, la refonte de la structure des taux pour mieux répartir la charge fiscale entre les salariés et les non salariés, le travail et le capital, les pauvres et les riches. Une nouvelle définition qui doit faire l’objet d’un débat national dans le cadre d’assises fiscales par exemple. Secundo, il faudrait élargir l’assiette d’impôt à travers la réintégration du secteur informel. Cela ne peut passer par le biais de la répression, mais bien au contraire par l’incitation à travers l’assouplissement des procédures administratives et l’amélioration de l’environnement des affaires, l’allègement de la pression fiscale et la démocratisation du financement.

Maintenant que les institutions politiques tirant leur légitimité de la Loi Fondamentale de la République en place, une démarche législative novatrice de la fiscalité se présente comme indispensable. Deux inconvénients apparaissent : le premier est relatif à la complexité des textes, tandis que le second concerne leur multiplicité. Il faudra donc songer à un processus impliquant d’abord, l’unification, ensuite à la simplification (réduction du nombre de taux de TVA, plus de lisibilité des tranches d’impôts sur le revenu, et assouplissement des démarches fiscales de déclaration et de paiement, etc.).

Une fiscalité incitative pour attirer plus d’investissements ?

On sait que les investissements directs étrangers en Tunisie ont chuté durant les dernières années de 24,1%. Au-delà des facteurs liés à l’instabilité sécuritaire et aux crises politico-sociales qui ont dévasté la Tunisie, on trouve bien d’autres explications. En effet, on note une dégradation de la qualité de l’environnement des affaires (de la 40een 2011 à la 51eau Doing Business 2014). Par ailleurs, les fondements d’un Etat de droit ont vacillé ces dernières années, ce qui a accru l’incertitude aux yeux des investisseurs aussi bien nationaux qu’étrangers. Sans oublier l’importance des incitations fiscales qui influencent les choix des investisseurs nationaux et étrangers. L’impôt sur les sociétés ainsi que l’impôt sur les revenus devraient être modulés de sorte à encourager à travailler et à prendre du risque. Ainsi, les facilités qui pourraient être accordées à un investisseur, il faudrait les calculer de manière proportionnelle à sa prise de risque dans le cadre d’un contrat gagnant-gagnant. Ainsi, les villes de l’intérieur seraient plus attractives si l’on pense à les transformer en « paradis fiscaux ». De plus, l’amélioration du climat des affaires attirera plus d’investissements, lesquels apporteront plus de recettes fiscales à l’Etat. Les dépenses publiques, quant à elles, doivent être rationnalisées. Il n’est plus besoin d’une administration pléthorique. En 2001, la masse salariale a représenté 12,5% du PIB, un véritable boulet pour les finances publiques, d’où un très fort endettement. Ainsi, les transferts sociaux doivent être ciblés et conditionnés pour éviter les gaspillages et les abus.

En outre, les impôts ne pourront être légitimés aux yeux des Tunisiens que si ces derniers en voient les effets dans leurs vies quotidiennes. Il faut donc rétablir le lien entre les recettes fiscales et les dépenses publiques à travers une décentralisation efficace permettant aux citoyens de contrôler les élus locaux. La réhabilitation de la reddition des comptes est fondamentale pour légitimer les prélèvements fiscaux. Une telle démarche rétablira la confiance des citoyens dans l’ÉtatCeci étant dit, il est bon de rappeler que l’objectif de rationaliser les dépenses publiques reste l’allégation de la pression fiscale, laquelle s’insert dans la lutte contre la fraude fiscale.

La réussite de la transition démocratique en cours en Tunisie dépendra immanquablement des effets de la relance économique. On attend sérieusement les propositions du nouveau gouvernement pour mettre en œuvre les réformes structurelles nécessaires.

Amir Mastouri, étudiant-chercheur en droit, Université Toulouse 1 Capitole. Le 16 février 2015


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