Quelque 300 tombes d’un cimetière juif du Bas-Rhin ont été
profanées, suscitant une vive émotion en France, jusqu’aux plus hautes
sphères de l’État. Retour sur un phénomène criminel qui ne date pourtant
pas d’hier. Explications.
"C'est une image de désolation", décrit Philippe Richert, le président de la région Alsace devant les 300 tombes profanées
jeudi 12 février dans le cimetière juif de Sarre-Union, dans le
Bas-Rhin. "De nombreuses stèles sont à terre, des dalles horizontales
ont même été soulevées", c’est un véritable "acharnement" surenchérit
l’élu alsacien.
Malgré les récents attentats de Paris et
au lendemain de l’attaque contre un centre culturel et la grande
synagogue de Copenhague, les observateurs refusent de tirer des
conclusions sur les motivations des profanateurs. "Il faut être très
prudent avant de faire de cet acte de vandalisme un crime politique,
note Thierry Legrand, maître de conférences en Histoire des Religions à
l'université Marc-Bloch de Strasbourg. La tentation est grande d’établir
des liens de cause à effet entre la profanation du cimetière juif de
Sarre-Union et les récents événements antisémites".
Un acte politique d’autant difficile à démontrer qu’"aucune
inscription n'a été constatée" sur les lieux, d’après les premiers
éléments de l’enquête. D’ailleurs l’un des cinq mineurs placés en garde
à vue se défend de tout antisémitisme, selon le procureur Philippe
Vannier. "Ils sont "très choqués de la tournure des événements,
impressionnés par la mesure de garde à vue dont ils font l'objet",
a-t-il déclaré. "Ils considéraient le cimetière comme étant abandonné".
Les tombes chrétiennes, premières victimes des profanations en France
Ce n'est pas la première fois que le cimetière juif de Sarre-Union
fait l'objet de profanations. En 1988, une soixantaine de stèles juives
ont été renversées, et en 2001, 54 tombes ont été saccagées. De manière
générale, l'Alsace reste la région la plus touchée par les profanations
de cimetières juifs avec dix profanations majeures en trente ans.
Est-ce à dire que l’Alsace est une région plus touchée par
l’antisémitisme ? Rien n’est moins sûr. "Si les profanations de
cimetières juifs sont aussi nombreuses en Alsace, explique l’historien
Thierry Legrand, ce n’est pas parce qu’il y aurait plus de groupes
néonazis qu’ailleurs, bien au contraire, il y a un dialogue
interreligieux qui fonctionne très bien dans la région, précise-t-il.
Non, s’il y a régulièrement des profanations de cimetières juifs dans la
région c’est tout simplement parce que l’Alsace a été durant de
nombreux siècles une terre d’accueil pour la communauté juive et qu’il y
a de nombreux cimetières juifs."
La première communauté alsacienne remonte en effet aux alentours de
l’an mille. Les juifs installés en Alsace n’ont jamais eu à subir
d’expulsion comme dans le reste de la France car la région a longtemps
été une terre d’Empire. Le judaïsme a toutefois pris une forme très
spéciale en Alsace car les juifs n’étaient pas admis dans les villes.
Raison pour laquelle le judaïsme alsacien se caractérisait, jusqu’à la
Seconde Guerre mondiale, par une forme originale avec une multitude de
petites communautés rurales.
Reste que les profanations, selon les chiffres avancés par le
ministère de l’Intérieur, concernent davantage des sites de sépultures
chrétiennes. En 2012, 80 % des profanations recensées visent des tombes
chrétiennes. Une large proportion qui s’explique là encore par le fait
que les lieux de culte catholique sont beaucoup plus nombreux que les
autres. D’après l’Observatoire des profanations de lieux religieux, 94 %
des lieux de culte sont des monuments catholiques.
Source : France24