Strasbourg — La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a
annoncé mardi qu’elle avait rejeté le pourvoi en appel de la Pologne
contre sa condamnation pour complicité dans le programme de prisons
secrètes de la CIA, rendant ainsi définitive cette décision rendue en
faveur de deux détenus de Guantánamo.
Le 24 juillet dernier, la CEDH avait condamné Varsovie pour son rôle
dans les tortures subies sur son territoire, en 2002-2003, par un
Palestinien et un Saoudien, avant que ceux-ci ne soient transférés à la
base américaine de Guantánamo, où ils sont toujours détenus.
Les autorités polonaises avaient contesté cette décision, et demandé
que le dossier soit à nouveau examiné, cette fois devant la Grande
Chambre de 17 juges européens. Mais cette procédure n’est pas de droit,
et un collège de cinq juges a décidé lundi que ce pourvoi était rejeté.
L’affaire n’ira donc pas devant la Grande Chambre et la condamnation est
définitive.
Détenus en Pologne
La Cour européenne avait été saisie par Abu Zubaydah, un Palestinien
de 43 ans qui fut considéré comme un adjoint du chef d’al-Qaïda Oussama
Ben Laden, et par Abd al-Rahim al-Nashiri, un Saoudien de 49 ans, lui
aussi considéré par Washington comme l’un des principaux membres
d’al-Qaïda.
Leurs avocats avaient plaidé qu’ils avaient été détenus au secret
pendant plusieurs mois en 2002-2003 en Pologne, et qu’ils y avaient été
torturés, notamment par la technique de la « simulation de noyade ».
Dans leur arrêt rendu en juillet dernier à l’unanimité, les juges
européens avaient estimé que les tortures infligées l’avaient certes été
par des agents américains et non polonais, mais que la Pologne avait
néanmoins, « en pratique, facilité tout le processus et créé les conditions nécessaires à sa mise en oeuvre, sans rien faire pour l’empêcher ».
Verdict historique
Le gouvernement polonais s’était toujours refusé à reconnaître
l’existence de ce programme secret sur son sol, se retranchant derrière
le secret de l’enquête judiciaire ouverte en 2008, et toujours pendante.
À Varsovie, les défenseurs des droits de la personne avaient salué un verdict « historique »,
qui selon Amnistie Internationale a fait de la Pologne le premier pays
de l’Union européenne condamné pour complicité dans cette affaire.
Désormais « nous avons un verdict et il faut le mettre en application. Nous allons travailler sur sa mise en oeuvre »,
a commenté mercredi le porte-parole du ministère polonais des Affaires
étrangères, Marcin Wojciechowski, cité par l’agence PAP.
Selon l’Open Society Justice Initiative, plus de 50 États ont été les
complices de Washington pour mettre en place après le 11 septembre 2001
le programme des « prisons secrètes », destiné à « placer les interrogatoires des détenus hors d’atteinte du droit ».
Source : LeDevoir