Sauniers de l'Ile de Ré

#Sauniers #IledeRé

Film Sauniers de l'Ile de Ré
Philippe Causse

Située face à La Rochelle, l'Île de Ré était autrefois constituée de 4 petits îlots.  Le comblement naturel progressif des espaces entre ces îlots a permis aux Hommes de réaliser des "prises" sur lesquelles jusqu'à 1500Ha de marais salants ont été aménagés, soit 20% de la surface de l'Île de Ré. L'ensemble des marais se situe au Nord de l'Île, sur tout le pourtour du Fier d'Ars et de la Fosse de Loix. Photo Philippe FERET www.photo-feret.com

Aujourd'hui, 460 ha sont toujours exploités pour la production de sel marin artisanal. D'anciens marais salants, eux,  ont été aménagés pour  l'ostréiculture et l'aquaculture (143 ha), réservés aux usages naturalistes (Réserve Naturelle de l'Illeau des Niges, réserves de biotope - 100 ha) ou encore seulement utilisés pour la chasse, l'aquaculture familiale de loisir… (136 ha). Une grande partie des marais reste aujourd'hui inexploitée. (chiffres INTERREG III b SEL – activité 0 : Etat des Lieux - 2004).

L’île de Ré et le sel ont une longue histoire commune. Elle débute avec les moines del'Abbaye de St-Michel en l'Herm qui aménagent les marais dès le XVe. Longtemps indispensable pour la conservation des aliments, le sel fait l'objet d'un commerce florissant avec les pays du Nord de l'Europe. Au XIXe siècle, c’est l'apogée : le sel participe à l'expansion des villages du Nord de l'Île. Environ 1000 sauniers récoltent en moyenne 25 000 Tonnes par an.

A partir de 1850, le chemin de fer met d’autres sels en concurrence avec le sel de l’Île de Ré, son prix s'effondre. Dans ce contexte économique difficile, les producteurs s'organisent pour créer, en 1942, la Coopérative des Sauniers de l'Île de Ré. Sans enrayer totalement le déclin, cette initiative permet de maintenir l'activité jusqu’à ce que s’ouvre récemment une nouvelle page de l’histoire du sel de l’Île de Ré…

Traditionnellement les sauniers étaient aussi des travailleurs de la terre : vignerons, maraîchers… Les exploitations sont alors de type familial dans lesquelles la femme venait seconder le chef de famille dans tous les travaux agricoles.Certains fils de paysans ont choisis de maintenir les exploitations de leurs parents en devenant polyculteurs, d'autres ont opté pour une activité professionnelle principale non-agricole tout en exploitant le marais familial.

Cependant depuis 1995, un nouveau type de saunier apparaît sur le marais : le saunier mono-actif. Grâce à une formation diplômante, des jeunes venus d'horizons différents créent leur propre entreprise agricole fondée sur les productions exclusives de Sel Marin et de Fleur de Sel. Ce nouveau chef d'exploitation travaille désormais seul ou avec l'aide de saisonniers. Quant aux Anciens, bien qu'ayant le statut de retraités, ils conservent quelques cristallisoirs en exploitation par plaisir.

:: Le vasais

:: Les métières

:: Le champ de marais

Le fonctionnement du marais

Pour obtenir du sel, le saunier utilise l'eau de mer. Au terme d'un long cheminement et surtout, grâce à l'action du soleil et du vent, l'eau de mer s'évapore peu à peu, passant ainsi de 30 grammes de sel par litre au début du parcours à 250 grammes de sel par litre d'eau en fin de parcours. Pour mieux comprendre, allons au fil de l'eau… Sur l'Île de Ré, un marais salant est composé de 3 grands ensembles de bassins : le vasais, les métières, et le champ de marais.  Ces bassins ont été savamment creusés dans l'argile naturelle afin que l'eau passe de l'un à l'autre par gravité.

Le vasais est le bassin de réserve d'eau de mer. Tous les 15 jours environ, au moment des marées les plus fortes, le saunier y fait rentrer l'eau de mer par l'essai . La hauteur d'eau dans levasais est d'environ 80 cm.

Ce bassin a aussi pour fonction de "décanter" l'eau de mer :  la vase s'y dépose (d'où le nom de vasais), les crustacés et autres poissons y sont piégés… On peut y observer nombres d'oiseaux (hérons, aigrettes, sternes, bernaches cravants…) qui viennent s'y nourrir… Traditionnellement, le saunier y pêche aussi l'anguille.

Pour en savoir plus, consulter le site de LPO / Maison du fier :www.lilleau.niges.reserves-naturelles.org/

Grâce à un réglage, le gros-mat, l'eau de mer passe ensuite dans les métières.Ici, le saunier a aménagé des petites levées d'argile qui permettent à l'eau de mer de circuler en zig-zag. La hauteur d'eau est d'environ 20 cm. L'eau commence lentement à se concentrer en sel.

Consulter le Forum des Marais www.forum-marais-atl.com/

Enfin, l'eau de mer entre dans le champ de marais par un réglage d'eau appelé l'amissaunée.   Le champ de marais est la zone où se passe la production du sel : on y trouve un grand nombre de petits bassins, ayant des fonctions et des noms bien définies. Passant par les premières surfaces de chauffe (les vivres) jusqu'aux derniers bassins d'alimentation (les nourrices), l'eau de mer finit ainsi sa course dans les aires saunantes .

Tout le secret du saunier réside dans les réglages  de l'eau. Pour cela, nous utilisons des planchettes trouées avec des petits bouchons plus ou moins gros en fonction du débit désiré. L'eau de mer, pour se concentrer, doit courir doucement.

:: Le printemps : la préparation du marais salant

:: L'été : la récolte

:: L'automne : les rentrées de sel

:: L'hiver : repos du saunier ou travaux dans le marais

Les 4 saisons du marais...

Vers le mois de Février, nous mettons le marais à l'écourt : nous vidons progressivement les bassins du  marais. En suivant le circuit de l'eau, nous nettoyons les bassins, un à un, des vivres (premières surfaces d'évaporation) jusqu'aux aires saunantes (cristallisoirs). Pour nettoyer un bassin, nous commençons par racler la vase qui s'est accumulée pendant l'hiver sur les fonds d'argile. C'est cette vase que nous allons utiliser pour remodeler les chemins d'argile qui se sont dégradés: cette technique s'appelle le graissage. Pour cela, nous travaillons soit avecla boguette , soit avec une lousse à ponter. Une fois qu'un bassin est nettoyé et ses chemins graissés, nous les laissons sécher, de quelques jours à plusieurs semaines, suivant le temps qu'il fait et la méthode  propre à chaque saunier. Entre temps, l'eau de mer a déjà commencé son circuit et s'apprête à donner le premier sel…

Dès le mois de Juin et souvent jusqu'en Septembre, nos journées sont exclusivement réservées à la récolte du Gros Sel et à la cueillette de la Fleur de Sel. Elles s'effectuent toutes deux dans les aires saunantes , mais à des moments et selon des techniques différentes. La Fleur de Sel est cueillie à la surface de l'eau avec une lousse à fleur, en fin d'après-midi. Pour la récolte du Gros Sel, qui se récolte le matin ou le soir, nous utilisons un simoussi   pour le rassembler dans l'eau et un souvron pour remonter le sel sur le chemin et le former en petites pyramides. Etre saunier n'est pas seulement récolter du sel. C'est avant tout, détenir le Secret de l'eau : la mise en eau des bassins n'est pas le fruit du hasard mais bel et bien un savoir-faire, transmis par les plus anciens.

Durant tout l'été, nous avons amassé notre récolte de Gros Sel sur la bosse. En Septembre, tous les sauniers-adhérents s'organisent en équipe pour rentrer leur sel à la Coopérative. C'est le charroi.Nous sommes plus de 90 adhérents à la Coopérative. En 2005, nous avons, à nous tous, livré 3500T de Gros Sel marin gris. Pour le charroi, nous mettons en commun nos tracteurs et remorques, et passons, chez chacun, chercher la récolte et l'amener jusqu'à notre coopérative.Le charroi marque un temps important de notre métier : il est synonyme d'un repos bien mérité, une fois le sel livré, et , surtout, il est un moment fort de convivialité.Une fois le charroi terminé, nous essayons de nous reposer avant de penser au prochain printemps !

L'hiver est la période de repos pour les sauniers mais surtout pour les marais salants. Ils passent ainsi plusieurs mois, recouverts d'eau.Cependant, certains d'entre nous profitent de l'hiver pour continuer la remise en état de leur marais. En effet, lorsqu'un jeune saunier reprend un marais salant inexploité depuis longtemps, des travaux de restauration sont nécessaires. Et cela peut prendre plusieurs hivers! Il faut remettre le fond des bassins de niveau en enlevant une épaisseur d'argile : c'est ledécabossage, et reconstruire toutes les petites levées d'argile. Pour cela, nous utilisons une boguette, pelle en bois traditionnelle. Des chantiers collectifs de remise en état sont  organisés. A ces occasions, plusieurs générations de sauniers professionnels se cotoient, favorisant ainsi la transmission du savoir-faire, si important dans notre métier.

Homme et nature

photo: Philippe Feret Les Sauniers participent activement à lapréservation de l'environnement, en entretenant les marais salants mais aussi par des actions conjointes avec la LPO ou encore l'Entente Inderdépartementale de Démoustication.

En tant qu'agriculteurs, les sauniers ont aussi un engagement avec l'Etat : les contrats d'agriculture durables (CAD) sur lesquels ils veillent à :    - entretenir le "champs de marais" (espace de production) et les flancs des talus attenants à leurs exploitations,    - lutter contre les proliférations d'algues,    - créér et entretenir des sites de nidification.

Aujourd'hui, les marais de l’île de Ré sont unformidable milieu vivant qui abrite une flore et une faune sauvage abondante, dont des espèces rares ou menacées. Le maintien et le développement de leur exploitation traditionnelle garantissent leur protection et leur richesse. Dans chacun de ces bassins, une flore et une faune aquatiques spécifiques se développent. Poissons et crustacés dans les vasais, coques (sourdons) dans les métières, plancton dans le champs de marais.

Cette abondance de vie aquatique et cette diversité de milieux permettent aux oiseaux d’eau de trouver des conditions idéales pour se nourrir et se reproduire. Les marais salants en activité sont des lieux de nidification pour les avocettes et autres échasses, pour les gravelots. L’intérêt de ces marais a justifié des mesures de protection : réserve naturelle, site classé, site RAMSAR.Par sa situation géographique, sur une voie de migration, l’île de Ré accueille au fil des saisons une grande diversité d’espèces d’oiseaux : l’Echasse blanche, l’Avocette élégante, la Gorge bleue, la Bernache cravant et le Tadorne de Belon…Le marais est aussi d'une richesse floristique incroyable : par nos actions, nous aidons au maintien de cette végétation si particulière. Les paysages nous en remercient. En savoir plus :  www.lpo.fr

http://www.sauniers-iledere.com/index.php?id_site=1&id_page=21