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François Bayrou, suppléant présidentiel d’Alain Juppé ?

Publié le 21 février 2015 par Sylvainrakotoarison

Le positionnement central du futur candidat de la droite et du centre sera décisif dans son combat contre le FN à l’élection présidentielle de 2017. Après une division des postures très désordonnée sur la partielle du Doubs, l’UMP semble se ranger de l’avis de NKM au niveau national. Et François Bayrou n’a pas été inactif dans ce recentrage.

yartiBayrou2015A01Le président du MoDem et maire de Pau, François Bayrou, a été l’invité de Patrick Chêne dans l’émission "Politique Matin" le jeudi 19 février 2015 sur LCP.

L’ancien candidat centriste à l’élection présidentielle a montré une nouvelle fois son indépendance politique en prenant ses positions de manière totalement autonome, sans l’esprit de clocher et selon sa propre cohérence politique.

Par exemple, en tant que maire de Pau, François Bayrou a complètement désapprouvé la décision de Robert Ménard, maire de Béziers, d’armer sa police municipale de pistolets, et d’en faire une large publicité. François Bayrou a déclaré avoir armé sa police municipale d’armes non létales, de Flash-Ball et de Taser. Le problème, c’est que le Taser est très dangereux et parce que considéré comme non létal, utilisé plus souvent que si c’était une arme létale.

La proportionnelle contre une majorité FN

François Bayrou a ainsi réaffirmé sa demande d’instauration d’un scrutin proportionnel pour les élections législatives, laissant croire que c’est le seul mode de scrutin existant en Europe (ce qui est faux) et que c’est le seul qui permettrait des majorités d’idées, et le rassemblement derrière des consensus par thème. Ce qui est également faux, la meilleure preuve étant qu’entre mai 1988 et mars 1993, les gouvernements n’avaient bénéficié d’aucune majorité absolue et faisaient adopter leurs projets de loi soit grâce à l’apport des députés communistes, soit, au contraire, grâce à l’apport des députés centristes, et cela dans une assemblée élue au scrutin majoritaire.

Un nouvel argument, à mon sens important, est venu au secours du scrutin proportionnel : avec l’effet majoritaire, un parti qui atteint 30% des voix peut devenir majoritaire à l’Assemblée Nationale, c’est le cas pour le PS en juin 2012. Or, cela signifie que le Front national pourrait très bien, un jour, grâce au scrutin majoritaire, devenir majoritaire en sièges. Et là, effectivement, François Bayrou a raison de s’en inquiéter, puisque le FN a montré depuis 2013 qu’il est capable de passer l’obstacle du premier tour et de rassembler au-delà de son électorat au second tour. Mais ce n’est pas avec un mode de scrutin qu’on doit lutter contre le FN. Et puis, on ne doit pas cuisiner les règles du jeu électoral pour favoriser ou défavoriser tel ou tel parti.

Contre l’adoption de la motion de censure

François Bayrou a également évoqué l’événement parlementaire de la semaine : s’il avait été député (il ne l’est plus), il n’aurait pas voté la motion de censure consécutive à l’application de l’article 49 aliéna 3 pour la loi Macron. Parce que justement, ce projet aurait pu faire l’objet d’un large consensus au sein de l’Hémicycle. Une manière de rappeler que la repolarisation du débat économique n’a pas beaucoup de sens si l’on ne regarde que l’intérêt général. Durant sa campagne présidentielle de 2012, François Bayrou avait prôné une mise en place d’un plan de redynamisation économique dans chaque secteur industrielle. La loi Macron est un premier essai pour déscléroser quelques secteurs économiques, sans doute beaucoup trop timidement pour avoir une influence notable sur la croissance et l’emploi (comme le nom de cette loi le mentionne).
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En prenant cette position, il s’est opposé à ses amis de l’UDI qui sont pourtant très proches de lui sur la politique économique qu’il faudrait mener. Mais il a aussi permis à l’UMP de renforcer les attaques contre lui (il sert régulièrement de chiffon rouge pour les militants de l’UMP). Nicolas Sarkozy ne l’a pas raté le 19 février 2015, un moyen pour l’ancien Président de la République de cibler… son concurrent Alain Juppé.

Accord avec Alain Juppé

Et justement, François Bayrou a été très clair, on ne peut plus clair, sur l’éventualité de la candidature à l’élection présidentielle d’Alain Juppé : « Si Alain Juppé est choisi [lors de la primaire UMP], je n’aurai aucun mal à trouver un accord avec lui. ». En clair, il devient évident que le leader centriste ne se présenterait pas si Alain Juppé était candidat. En revanche, il laisse planer plus d’incertitudes dans un autre cas : « Si c’est Nicolas Sarkozy, nous serons libres et nous verrons ce que nous faisons. ».

Le journaliste Joseph Macé-Scaron s’est interrogé sur i-Télé le 19 février 2015 sur la raison pour laquelle François Bayrou, soutien indéfectible d’Alain Juppé, avait voulu quand même déclarer qu’il ne voterait pas la motion de censure, affaiblissant ce même Alain Juppé à l’intérieur de son parti.

Et pour cet éditorialiste, l’hypothèse la plus vraisemblable, ce serait qu’Alain Juppé n’irait pas jusqu’au bout de sa démarche présidentielle. Or, le créneau au centre droit est sans doute la clef du succès présidentiel de 2017, qu’il provienne du PS ou de l’UMP.

Jusqu’à maintenant, seul Alain Juppé occupait ce créneau. Nicolas Sarkozy avait prévu de revenir en politique par un recentrage mais lors de sa campagne à la présidence de l’UMP, il a dû droitiser très fort son discours à cause de la droitisation de la campagne de Bruno Le Maire.
Et François Fillon, considéré alors comme modéré, avait fait une grosse boulette médiatique à la rentrée 2013 où il avait refusé de prendre position entre un candidat FN et un candidat PS (il a récidivé pour l’élection partielle dans le Doubs). Une boulette qui l’a droitisé à outrance et qui l’a fait chuter dans les sondages. Il ne s’en est pas encore relevé. En effet, il avait choqué beaucoup de monde en déclarant le 8 septembre 2013 : « Je conseille de voter pour le moins sectaire. Cela peut arriver [que le candidat socialiste soit le plus sectaire], je ne dis pas que c'est toujours le cas, mais ça peut arriver. » (Europe 1).

Mais les postures évoluent.

Recentrage de Nicolas Sarkozy et de François Fillon

Ainsi, au bureau politique du 3 février 2015, Nicolas Sarkozy s’était montré beaucoup plus recentré que le reste de l’UMP en renonçant au ni-ni et en prônant une liberté de vote avec pour seule consigne de voter contre le FN. Et il a recommencé clairement sur Europe 1 le 19 février 2015 en condamnant tout accord local avec le FN : « Une voix pour Madame Le Pen est une voix pour la gauche. Tout responsable UMP qui conclura un accord avec le Front national sera immédiatement exclu. (…) Je ne suis en accord en rien avec elle. » en commentant l’actualité européenne : « Je dis à tous ceux qui ont voté et sont tentés de voter FN de regarder ce qui se passe en Grèce. L’extrême gauche et l’extrême droite, c’est la même chose ! Il n’y a aucune chance que Tsipras réussisse ! ».

Et Nicolas Sarkozy de considérer sa candidature pas obligatoire : « Si ce n’est pas moi, ce n’est pas moi. (…) Ce n’est pas obligatoire. Je suis revenu pour remettre de l’ordre dans ma famille politique et créer les conditions de l’alternance. On verra bien en 2016, au moment des primaires, lequel sera le mieux placé pour la présidentielle. ». Même si sa rancœur de 2012 n’est pas encore digérée contre François Hollande : « Quand on a expliqué pendant toute une campagne qu’on ferait une politique de gauche, qu’il n’y avait pas de crise dans le pays, que tout était dû à un certain Nicolas Sarkozy, (…) on crée les conditions de la révolte. » et contre la politique du gouvernementale : « Quand on n’a pas la force de convaincre sa majorité, on n’a pas la force de convaincre les Français. (…) Si on utilise l’arme nucléaire pour la toute petite loi Macron, comment pourront-ils faire passer les grandes réformes ? ».

François Fillon s’est également considérablement recentré dans la même journée en affirmant sur BFM-TV en se prononçant en faveur du candidat de la gauche en cas de duel PS/FN au second tour d’une élection présidentielle : « À une élection présidentielle, si ce qui était en jeu, c’était les valeurs de la République, bien entendu, sans aucune hésitation. Et j’espère bien que le candidat de la gauche appellerait à voter pour le candidat de la droite dans la même circonstance. » (19 février 2015).

François Fillon a justifié ce choix en considérant le programme du FN « absurde, c’est une sorte de mélange entre l’extrême gauche et l’extrême droite qui ne peut conduire qu’à la catastrophe économique. C’est un danger qui doit à tout prix être écarté. » et a rappelé l’époque où François Mitterrand, grâce à la proportionnelle, avait permis l’élection de 36 députés du FN entre mars 1986 et juin 1988 : « J’étais président d’une commission. J’en avais cinq dans ma commission, dont un qui avait été condamné à mort par contumace pour avoir tenté d’assassiner le Général De Gaulle. Cela montre que le danger est plus ancien qu’on le dit. ».

La concurrence du FN est la plus redoutable à la prochaine présidentielle

Ce double recentrage de deux concurrents présidentiables d’Alain Juppé pourrait ainsi s’expliquer par le fait que si Alain Juppé renonçait, François Bayrou aurait alors un boulevard dans son positionnement actuel (centre droit anti-FN), que François Fillon et Nicolas Sarkozy ne voudraient donc pas lui céder trop rapidement.
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Il en ressort que François Bayrou, qui a été toujours clair sur son refus du FN, même s’il a actuellement peu de chance de remporter l’élection présidentielle (voir les récents sondages), a au moins eu cette influence salutaire de faire recentrer le débat politique à l’UMP sur des positions un peu plus républicaines.

Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (21 février 2015)
http://www.rakotoarison.eu

Pour aller plus loin :
La clairvoyance de François Bayrou.
Alain Juppé.
Nicolas Sarkozy.
François Fillon.
François Hollande.
Manuel Valls.
Les incohérences de la motion de censure.
L’auto-enfermement de Manuel Valls.
La proportionnelle aux législatives ?
Ni-Ni dans le Doubs.
Changement de paradigme.
Mathématiques militantes.
2017, tout est possible…
Le soldat Bayrou à sauver.
Pourquoi Bayrou ?
Bayrou a refusé des valises pleines de billets.
Moralisation de la vie politique.
Bayrou 2007.
L’homme de Gourette.

yartiBayrou2015A04 


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