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Freegans coupables non condamnés : hypocrisie du gaspillage alimentaire

Publié le 04 février 2015 par Asse @ass69014555

Freegans coupables non condamnés : hypocrisie du gaspillage alimentaireA Montpellier, Léa, Mike et Adrien, étudiante, chômeur et technicien du spectacle, vivent de récupérations et de débrouilles. Pour manger, ils ont pris l'habitude de faire les poubelles des supermarchés. Depuis 3 ans, ils sont " freegans ". Par nécessité... Par choix... Hier, ils étaient jugés pour avoir " volé " la nourriture jetée par un supermarché de Frontignan...

Les Freegans ont fait le choix stratégique d'un mode de vie alternatif " qui limite leur participation dans l'économie conventionnelle et limite au maximum leur consommation de matières premières. Les Freegans se retrouvent dans la communauté, la générosité, le souci social, la liberté, la solidarité et le partage et sont en total opposition avec... une société basée sur le matérialisme, l'apathie morale, la concurrence, la conformité et l'avarice ".

Les moyens le moyens les plus connus de récupérer de la nourriture gratuite sont la récupération des invendus aux fournisseurs alimentaires, la récupération directe dans leurs poubelles et la réclamation d'un remboursement auprès du service consommateur.

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Freegans coupables non condamnés : hypocrisie du gaspillage alimentaire
Le 27 mai 2014, Léa, Mike et Adrien arrivent vers 22 h 30 à l'Intermarché de Frontignan, à une vingtaine de kilomètres de Montpellier. Ils enjambent un muret pour pénétrer à l'endroit où sont entreposés les sacs-poubelle. Une fois arrivés derrière le supermarché, ils récupèrent les sacs-poubelle remplis de victuailles. "  On trie, on se sert et on nettoie derrière nous, précise Adrien. Notre objectif n'est pas de faire chier le magasin, on veut revenir. " Mais quand les trois glaneurs reviennent au camion, ils sont cueillis par la brigade anticriminalité (BAC). " La totale, se souvient Adrien. Mains en l'air, fouille au corps et du véhicule... Ils étaient persuadés qu'on avait volé dans la réserve du magasin. Quand ils ont vu que c'étaient des sacs-poubelle qui puent avec des produits périmés, ils ont compris.  " (...)

On leur reproche la " soustraction frauduleuse de denrées périssables avec date dépassée ", délit assimilé à un vol, et aggravé ici par trois circonstances : "  De nuit, en réunion et par escalade.  " Ils risquent jusqu'à sept ans de prison et 100 000 euros d'amende.

Ce type de procès n'est pas le premier. À Nantes, en juillet, un " zadiste " de Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique) avait pris trois mois de prison avec sursis et 105 heures de travail d'intérêt général (TIG) pour " vol " de denrées périmées dans les poubelles d'un Super U. "  Je suis confronté à ce genre de poursuites assez régulièrement, raconte l'avocat nantais Stéphane Vallée, qui avait défendu le jeune homme. Avec les Roms dans les déchetteries, c'est exactement la même volonté de pénaliser la misère. Ça paraît incroyable que le simple fait de prendre ces denrées, destinées au camion-benne, soit considéré comme du vol. Dans le cas des zadistes, les produits "volés" leur avaient été restitués, ce qui montre la difficulté des poursuites...  " Les trois Montpelliérains avaient, eux, dû verser leur butin sur le trottoir devant le commissariat, mais se sont arrangés pour en garder une partie.

Avec la crise économique, les glaneurs, que filmait déjà la réalisatrice Agnès Varda en 2000, se sont multipliés. Ce système D, s'il témoigne de la pauvreté grandissante, met aussi en exergue le gaspillage alimentaire de la grande distribution. "  Il y a urgence à mettre en place des mesures législatives pour régler ce problème, soutient André Chassaigne, député communiste, signataire d'une proposition de loi en juillet pour astreindre les grandes surfaces à proposer leurs invendus alimentaires à des associations caritatives. On ne peut pas, d'un côté, laisser partir à la benne des produits certes périmés mais consommables, et, de l'autre, reprocher à des gens de faire de la récupération parce qu'ils sont en grande précarité.  "

Dans la galaxie freegan, les appels à soutenir les 3 accusés se multiplient. Le mouvement anti-gaspillage Disco Soupe organisait un événement de soutien le 1er février dernier, en partenariat avec le collectif des Gars'pilleurs.

Midilibre

Freegans coupables non condamnés : hypocrisie du gaspillage alimentaire
Coupables de vols mais... dispensés de peine. Les trois prévenus poursuivis pour avoir volé des denrées périmées dans l'arrière-cour d'un hypermarché de Frontignan n'ont donc pas totalement échappé à une condamnation comme ils l'espéraient initialement.

A l'issue des réquisitions du parquet favorable à une dispense de peine, leur avocat, Me Jean-Jacques Gandini, avait ainsi demandé la relaxe pour deux des trois " gars pilleurs ", le troisième ne s'étant pas présenté devant le tribunal correctionnel. Il a estimé que ces jeunes gens avaient agi par nécessité de se nourrir au regard de leurs très faibles revenus.

L'audience a également été l'occasion de dénoncer certains gaspillages de denrées pratiquées dans la grande distribution. Cette affaire des denrées périmées s'est déroulée dans une salle pleine à craquer alors qu'à l'extérieur du tribunal un peu plus de 80 militants étaient également venus apporter leur soutien.

" Ah ! la faim ! ce mot-là, ou plutôt cette chose-là, a fait les révolutions ; elle en fera bien d'autres ! " (Flaubert)

José Bové - Médiapart

Depuis des décennies, à la fin des marchés de plein air, les gens viennent récupérer les légumes qui n'ont pas été vendus et qui finissent dans les poubelles. Jamais je n'ai vu de personnes en costume cravate ou en tailleur farfouiller dans les déchets pour glisser dans leur sac une pomme ou un poireau. Ce sont les pauvres qui agissent ainsi. Ces pauvres risquent gros maintenant car ils pourront être poursuivis pour " délit de soustraction de denrées périssables ". Ils encourent des amendes voire des peines de prison. C'est ce qui arrive aujourd'hui à trois jeunes qui sont jugés, à Montpellier, pour avoir récupéré des produits alimentaires dans les bennes poubelles d'un supermarché à Frontignan.

Pour rappel, en Europe, plus de 40% de la production agricole ou alimentaire finit dans les décharges. Les transformateurs et la grande distribution ont établi des normes tellement contraignantes sur la taille et la couleur des fruits et légumes, le poids des poulets..., qu'une part importante de la production est jetée avant même de quitter la ferme... Tout au long de la chaine alimentaire, des millions de tonnes finissent dans les décharges. La lutte contre le gaspillage alimentaire est devenue une des priorités de l'Union européenne. De nombreux états ont pris conscience de ce scandale et cherchent des solutions.

Le 8 février 2009 la Banque Alimentaire de Bordeaux avait organisé le premier banquet du gaspillage alimentaire auquel j'avais participé. Depuis cette initiative a essaimé. Des associations comme le CREPAQ ont pris les choses en main et organisent d'autres banquets. Peu à peu ces mobilisations ont réveillé un certain nombre d'élus.

En France, une soixantaine de députés soutiennent un amendement dans la loi Macron qui, pour être vraiment efficace, aurait dû être préparé avec les associations connaissant ce sujet. Il va néanmoins dans la bonne direction en obligeant les supermarchés de plus de 1000 m 2 à rétrocéder leurs invendus à des associations caritatives. Face à ces évolutions, la Justice a visiblement un temps de retard.

La pauvreté est le résultat d'une société qui exclut, une société qui n'est plus en mesure de donner une place à chacun de nous. Le droit de nécessité s'impose avant tout. Les trois jeunes qui sont poursuivis à Montpellier pour avoir récupéré des denrées alimentaires dans des poubelles ont eu raison d'agir ainsi et je les soutiens. Les juges doivent les relaxer.

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