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Paroles de bénévoles : Alice confrontée aux limites de sa « mission »

Publié le 27 janvier 2015 par Asse @ass69014555

Paroles de bénévoles : Alice confrontée aux limites de sa « mission »Lorsqu'une personne sans-abri nécessite un passage à l'hôpital, rien n'est jamais simple... Il faut tout d'abord qu'elle soit d'accord pour y aller. Puis, il faut gérer ses affaires personnelles, ses bagages. Or, les services des urgences des hôpitaux rechignent à les conserver, surtout si elles sont trop volumineuses. Souvent, c'est cette impossibilité qui déclenche le refus de soins... Alice l'a vécu lors de sa dernière maraude et témoigne.

" Hier, lors de ma troisième maraude, je me suis sentie réellement investie d'une responsabilité vis-à-vis d'un sans abri. Nous faisions notre tournée habituelle lorsque nous nous sommes arrêtés à ses côtés pour lui proposer de la nourriture. Il n'a pas souhaité déguster notre délicieuse soupe qui humait bon le fromage, car il en avait déjà reçu une auparavant. Une soupe toute prête, puisqu'il nous a montré la boîte gisant par terre. Quel dommage ! On a ri avec lui lorsqu'il nous a dit ne pas vouloir non plus des viennoiseries, en pointant du doigt la pizzeria devant laquelle il est établi et en faisant mine d'être désormais écœuré par tout ce qui est fait de pâte.

Il ne parlait pas Français mais comprenait très bien l'Anglais- même si nous avions beaucoup de mal à nous faire comprendre en retour. Malgré tout, on a réussi, tant bien que mal, à nous comprendre, notamment grâce au " langage des signes ". On a compris qu'il avait besoin d'une chemise et d'une cravate pour faire la photo de son passeport à l'ambassade. Encore une fois, on s'est amusés de le voir faire les soldes devant notre camion et refuser les articles qui étaient " not good " selon lui. Une vraie fashion victim ! Avant que l'on parte, il nous a montré - comme si c'était sans importance - une plaie au mollet qu'il s'était faite en tombant et qu'il avait tenté de panser avec des mouchoirs. Inquiets face à l'aspect " pas joli, joli " de la blessure, nous avons appelé les pompiers. Ces derniers sont arrivés rapidement et l'ont emmené dans le camion pour lui faire un pansement digne de ce nom. Ils nous ont confirmé que la plaie étaient infectée et qu'il serait bon de l'emmener à l'hôpital pour qu'il voie un médecin, car dans ce genre de cas cela pouvait dégénérer en gangrène. Il pourrait perdre sa jambe...
Paroles de bénévoles : Alice confrontée aux limites de sa « mission »
Tout était sur le point de " rouler ", jusqu'à ce que se pose le problème majeur : ses affaires! Les pompiers nous ont expliqué qu'ils ne pouvaient pas tout emporter (le monsieur était assez bien équipé) car, de toute façon, une fois arrivé à l'hôpital, il serait mis sur un brancard et tout ne tiendrait pas dessous. Nous voilà donc devant un dilemme : l'emmener à l'hôpital et laisser ses affaires - soit toute sa vie, sa " maison " en somme- dans la rue, au risque qu'elles soient volées à coup sûr OU ne pas l'y emmener pour qu'il puisse rester avec ses affaires.
On a donc tenté de trouver un compromis en rassemblant toutes ses affaires dans ses valises. Seulement, dès que nous avons commencé à toucher à ses biens, il est sorti en furie du camion et a dit aux pompiers de s'en aller. On a alors réalisé que ce que l'on venait de faire s'apparentait à un cambriolage, puisqu'on était sur son territoire et que l'on touchait à ce qu'il a de plus précieux. Malgré tout, il n'était pas en colère contre nous, les bénévoles, il a certainement compris que nous ne lui voulions aucun mal. Malheureusement, la barrière de la langue ne nous a pas permis de lui expliquer plus en détails qu'il fallait absolument qu'il aille à l'hôpital. On s'est donc contenté de lui conseiller vivement de se rendre à la pharmarcie le lundi suivant, pour faire vérifier sa plaie. A ce moment-là, je me suis vraiment sentie investie d'une mission, comme si je faisais promettre à ma mamie de bien prendre ses cachets avant d'aller se coucher. Je voulais vraiment m'assurer qu'il écouterait notre conseil, déjà que je me sentais mal d'avoir renoncé à l'envoyer voir un vrai médecin. Le monsieur m'a fait un signe de salut militaire qui semblait dire " Oui mon général, à vos ordres, j'irai à la pharmarcie lundi ". Et j'espère de tout mon coeur qu'il le fera vraiment. Et qu'il ne perdra pas sa jambe à cause d'une bêtise pareille.

Quelle bêtise? Avoir à choisir entre des soins médicaux et ses affaires personnelles ! Les hôpitaux devraient avoir un local réservé aux affaires des sans-abri, d'autant qu'ils en gèrent au quotidien. Comme m'a dit très justement le bénévole qui était avec moi : certes il y a des règles, mais il devrait y avoir des dérogations quand il s'agit de sans-abris, on ne peut pas s'occuper d'eux comme de n'importe qui. Conclusion: une maraude très forte en émotion qui me donne envie de recommencer, encore et encore. "


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