Le 17 février, appelant les députés à adopter son vaste fourre-tout censé doper la compétitivité de notre pays, Emmanuel Macron a fièrement déclaré : « je prends mes responsabilités ». Je dois avouer que je ne comprends pas très exactement ce qu’il a voulu signifier ainsi. Pour moi, prendre ses responsabilités, c'est s'engager, choisir, décider, être responsable, répondre de ses actes. Dispose-t-on d’outils pour évaluer l’action d’un ministre ? Il y a 2500 ans, dans la Grèce antique, nombre de postes étaient appelés à reddition de comptes. Que risque donc M. Macron en cas d’échec de sa politique ? Peut-être la fin de sa carrière politique, et encore !
Au début de son quinquennat, Nicolas Sarkozy avait exprimé son intention de s’adresser à des sociétés de conseil spécialisées dans l’évaluation des performances pour fixer des objectifs à ses ministres et noter leurs réalisations. Il entendait gérer la France comme une entreprise. Comme si une nation n’avait pas d’autre loi que le profit ! Quel que soit le bien-fondé éventuel d’un tel projet, il nous faut bien constater qu’il y a là une autre promesse oubliée.
Dans le monde de l’entreprise, on adopte généralement un système fondé sur la fixation d’objectifs et la comparaison des résultats avec ces objectifs. En apparence neutre, une telle méthode n’est pas exempte de défauts. Le plus grave est observé lorsque l’on prend pour objectifs de chiffre d’affaires les réalisations de l’exercice précédent majorées de x%. Dans un monde limité, une telle démarche est à terme vouée à l’échec. D’autre part, lorsque l’on gère des commerciaux, leurs résultats dépendent évidemment des territoires qui leur sont confiés et du sort de ces territoires : quand un commercial cédant ratisse scrupuleusement son territoire avant son départ, son successeur court grand risque de connaître la disette. On constate aussi parfois que des résultats décevants découlent tout simplement d’objectifs mal déterminés. Ce système d’objectifs chiffrés ne saurait donc constituer une panacée.
La réélection d’un élu peut dépendre de la façon dont son action a été appréciée. Pour les ministres, faute d’un outil de mesure adapté, le lien entre résultat et sanction est plus ténu. On constate que nombreux sont ceux qui, par vents et marées, peuvent des lustres durant continuer à vivre de leur art. Pour ce qui est d’Emmanuel Macron, je le trouve un peu aventureux quand, prenant ses responsabilités, il se déclare prêt à répondre de ses actes. En cas d’échec, gageons qu’il n’aura guère de problèmes pour se mettre à nouveau bien au chaud chez Rothschild, cette fois riche d’un carnet de bonnes adresses bien garni. De plus, avec cette déclaration de prise de responsabilités, il nous annonce être prêt à s'engager, choisir, décider, être responsable. Il me semblait que c’était chose faite depuis sa prise de fonctions, le 26 août, il y a déjà six mois.