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Critique Ciné : Birdman, super-héros déchu

Publié le 27 février 2015 par Delromainzika @cabreakingnews

Birdman // De Alejandro González Iñárritu. Avec Michael Keaton et Zach Galifianakis.


Je n’avais pas pu faire de bonnes prédictions pour les Oscars car je n’avais tout simplement pas vu Birdman. Ce dernier est un film aussi fascinant qu’étrange, ressemblant presque à un auto-portrait de Michael Keaton avec un angle plus poético-dramatique. Il y a aussi le théâtre, fortement présent dans ce film qui impose aussi un style qui me rappelle parfois un peu l’excellent film de Roman Polanski, La Vénus à la Fourrure. Ce dernier était aussi une sorte de métaphore onirique qui m’avait tout simplement bluffé. Ce qu’il y a de plus fascinant dans Birdman, on le trouve à la fois chez Michael Keaton et dans la mise en scène d’Alejandro González Iñárritu. Pour le premier c’est une prestation brute, à coeur ouvert, comme s’il mettait ses propres tripes sur la table et nous les montrait. C’est un film presque viscéral dans sa façon de montrer cette star déchu du cinéma des années 90. Et Michael Keaton est lui-même un peu ça. Au fond, Birdman c’est un peu Batman (que l’acteur a incarné à deux reprises pour Tim Burton). Il y a des références qui ne trompent pas de 1992 (la date du second Batman) à George Clooney (qui a incarné lui aussi Batman dans Batman et Robin, l’un des pires films sur le héros qu’il puisse exister).

À l’époque où il incarnait un célèbre super-héros, Riggan Thomson était mondialement connu. Mais de cette célébrité il ne reste plus grand-chose, et il tente aujourd’hui de monter une pièce de théâtre à Broadway dans l’espoir de renouer avec sa gloire perdue. Durant les quelques jours qui précèdent la première, il va devoir tout affronter : sa famille et ses proches, son passé, ses rêves et son ego…
S’il s’en sort, le rideau a une chance de s’ouvrir...

Pour le second, c’est une mise en scène rythmée et le rythme est en grande partie donné par le long plan séquence. Faire un film presque intégralement sur un plan séquence se déroulant dans l’un des théâtres de Broadway, c’était une brillante idée. Complexe à réaliser mais brillant. Et cela fonctionne comme un coup de génie car le film enchaîne sans jamais s’arrêter. On a l’impression que le labyrinthe n’a pas d’issue (et la seule issue qu’il trouve à un moment n’arrête pas la caméra, au contraire elle continue - et je parle bien évidemment de la fameuse scène en slip que Neal Patrick Harris a parodier lors de la cérémonie des Oscars -). Et enfin, il y a la musique qui elle aussi est là pour donner un rythme au film. Si l’on pourrait croire que Birdman a fusionné avec Whiplash pour la bande son (ces mouvements de batterie intempestifs mais léchant l’oreille du spectateur), cela donne une vraie identité, marquant les moments les plus violents avec une vraie efficacité. Après avoir vu Birdman, je dois avouer qu’il mérite amplement tous ses Oscars, que cela soit pour le meilleur film (il surclasse tous les autres nominés), pour le meilleur réalisateur (il surclasse également les autres puisque finalement mon favori, Boyhood, a beau être excellent de par son projet, il ne vaut pas la mise en scène d’Alejandro González Iñárritu). Par ailleurs, il y a une vraie proposition audacieuse là aussi avec ce plan-séquence (pas toujours vrai) particulièrement jouissif.

On a l’impression que le film ne s’arrête jamais et c’est ce qu’il y a de plus beau là dedans mais aussi ce qu’il y a de plus brillant. Cela permet de voir un film qui connecte tout ce qui se passe. Birdman n’est pas un film facile d’accès, c’est certain, beaucoup seront probablement déçus, mais c’est à mon sens une sorte de vraie leçon de cinéma. C’est filmé de façon remarquable alors que toutes les séquences ont un vrai rythme et l’on ne décolle jamais de l’écran. Michael Keaton fait quant à lui un retour en force, prouvant que l’on peut être un ancien acteur de films de super-héros et faire une performance particulièrement étonnante dans un film d’auteur comme Birdman. Il y a une aussi une vraie critique du cinéma d’aujourd’hui, engrangeant des milliards sur des films de super-héros et délaissant le cinéma d’auteur. Il en va de même des acteurs qui sont maintenant tous connus pour des rôles de super-héros et qui ne peuvent donc plus se tourner vers la scène, là où tout se passe. Il y a aussi une critique plutôt intelligente de la critique dans ce script, ne parlant ni de la structure ni de tout ce qui pourrait faire une critique constructive. Je ne vais pas critiquer ce passage que je trouve juste et intelligent intégré au script. Birdman est donc un film sensationnel, l’une des plus grosses claques de ces derniers mois et sera sans aucun doute l’un de mes films préférés de l’année.

Note : 10/10. En bref, magistral.


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