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Banderille n°234 : Le général et le journaliste, un livre deux étoiles (mal accrochées)

Publié le 29 mai 2008 par Toreador

Propos général sur le livre en particulier

On le sait, le général de Gaulle n’était général que par raccroc : il fut nommé général de brigade à titre temporaire le 1er juin 1940, soit exactement 17 jours avant son célèbre appel. Ses deux étoiles au képi étaient donc moins fermement accrochées que ses convictions au corps. D’où le titre de mon billet.

Car j’ai lu pour vous « Le général et le journaliste » de Jean Mauriac, qui relate les mémoires du fils de François Mauriac (l’écrivain), correspondant de l’AFP pendant 26 ans auprès du Général de Gaulle, et j’en suis sorti avec une impression mitigée.

La première raison de ma relative déception, c’est le caractère de Jean Mauriac. Celui-ci fait partie de cette catégorie de gens qui se satisfont d’avoir assisté au siècle, alors que tout l’intérêt pour moi est plutôt de le façonner. J’ai du mal à comprendre cette adoration béate pour les deux grands « monstres sacrés » que furent Mauriac Père (dont j’ai personnellement trouvé les mémoires assez ennuyeuses) et de Gaulle, et qui tranche d’ailleurs avec les propos très peu amènes qu’il tient vis à vis de son frère, Claude.

Le livre reflète les limites de ce manque de recul : il mêle considérations sur Mauriac Père et sur de Gaulle, en cherchant timidement à explorer les relations complexes qui s’étaient établies entre les deux. Il s’agit essentiellement d’anecdotes – parfois savoureuses, j’en conviens – sans qu’il y ait un quelconque surmoi de la part de Jean qui lui permettrait de donner sa propre réinterprétation. Au final, ce n’est pas un ouvrage sur François Mauriac, puisqu’il parle de de Gaulle. Ce n’est pas un ouvrage sur de Gaulle, parce qu’il parle de François Mauriac. Ce ne sont pas non plus les mémoires de Jean Mauriac, puisqu’il intervient comme acteur « absent ».

La deuxième raison, c’est que la plus value pour la compréhension générale de de Gaulle reste limitée. Il reste un personnage énigmatique, plus énigmatique encore que ce que je pensais en débutant l’ouvrage. Il apparaît même assez foncièrement antipathique – en tous les cas terriblement vampirisateur, à l’image d’un Picasso – ce qui est le contraire de l’effet recherché par l’auteur. En tous les cas, j’ai refermé le livre en me disant que j’aurais vraisemblablement détesté passer 80 jours sur un bateau avec un homme comme celui-ci !

Le journaliste gentilhomme

Restent cependant des passages qui ont tout leur intérêt. Comme monsieur Jourdain, monsieur Mauriac fait du témoignage sans le savoir. J’ai par exemple été frappé de constater le décalage entre l’emploi du temps d’un de Gaulle et celui d’un Sarkozy. Lisez les pages de la fin, elles sont édifiantes : de Gaulle se levait vers 9.00 du matin et détestait se réveiller tôt. Il passait 45 minutes dans sa salle de bains en répétant ses discours et lisait la presse en faisant couler son bain. Sa journée de travail démarrait vers 10.00 et se terminait à 20.00 et il partait tous les week-end à Colombey. Enfin, sa vie privée faisait l’objet d’une chappe de plomb que nul à l’Elysée n’aurait osé transgresser.

D’où mon interrogation sur l’époque moderne : faut-il accélérer parce que notre monde accélère ? Sommes-nous collectivement devenus fous ? Sommes-nous plus efficaces parce que notre gouvernement communique tout le temps et à toute heure ? Je ne crois pas…

L’autre passage que j’ai trouvé émouvant, ce sont les réflexions de Jean Mauriac sur la vieillesse . Comme il l’écrit très bien, lorsqu’on est octogénaire, le spectre de la mort ne devient plus un lointain fantasme mais bien une réalité qu’on ne peut plus esquiver. Mauriac, qui m’a l’air d’être un homme bon vivant et de bonne composition, donne ici son testament d’(honnête) homme. Ce sont peut-être les seules pages qui mériteraient d’être lues, avec le récit de l’enterrement de de Gaulle qui est aussi en lui-même un exemple de modestie.

Les plus belles pages de la vie sont celles que l’on écrit soi-même, Jean Mauriac.

Appréciation subjective : */**

* = Déçu ** = Captivé *** = Emballé

« Le général et le journaliste » de Jean Mauriac, éditions Fayard, 19 €

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Sujets: Banderille, Toréador critique littéraire et médiatique | 2 Comments »


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