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Mère-Afrique au Centre Georges Pompidou

Publié le 01 mars 2015 par Micheltabanou

J'ai parcouru avec une grande émotion l'exposition Hervé Télémaque au Centre G. Pompidou. Avec soixante-quinze peintures, dessins, collages, objets et assemblages, la rétrospective inédite que le Centre Pompidou consacre à l’oeuvre d’Hervé Télémaque, permet d’embrasser le parcours de cet artiste français d’origine haïtienne et s’attache à restituer toute la diversité et la cohérence, de la fin des années 1950 à nos jours, d’un oeuvre exigeant et d’une indéniable force plastique. C'est une collection d'œuvres explorant une pluralité de médiums qui évoque les richesses plastiques et techniques de l'artiste. Peintures, dessins, collages, objets, assemblages... Télémaque s'est diversifié dans sa production au gré de ses rencontres, de ses influences, et de ses inspirations. En clin d'œil à ses origines haïtiennes Hervé Télémaque a même réalisé dans les années 1990 un ensemble de dessins et de bas-reliefs en mélangeant ses couleurs à du marc de café. Une pratique faisant écho aux rites vaudous en Haïti, qui affirme la cohérence artistique de Télémaque. Et comme dans toute exposition il y a une rencontre, un point fort... C'est sur"Mère Afrique" que j'ai pu chavirer. Cette œuvre accompagne tout mon week-end et je ne sais me détacher de l'impression qu'elle m'a livré. Il y a un autre tableau qui m'a stoppé net avec Tananarive, ma ville natale, écrit en son centre. Une relation qui m'interroge. Une part de mystère avec lui artiste trop blanc pour les noirs, trop foncé pour les blancs et moi blanc - Zanatany - tout maculé d'une terre qui m'enveloppe de ses secrets ancestraux. Grande-Île mère et cette Mere-Afrique de Telemaque qui vient tout chambouler mais tout reconstruire. Mère-Afrique c'est unpanneau a pour origine une photographie banale prise en Afrique du Sud. On y déchiffre avec un peu d'attention l'inscription de l'apartheid, le « white persons only » {pour les Blancs seulement) qui y règne encore en 1982 malgré la résistance de l'ANC et les condamnations internationales. En promenade, une mère, son landau et son chien passent devant l'écriteau.

Dans la moitié gauche, la photographie est renversée à 90' et reprise par un dessin qui découpe les volumes et durcit les contours. Les mots terribles demeurent lisibles. La photographie se déplace ainsi de la droite vers la gauche, devenant peinture. L'œuvre apparaît comme le produit complexe de plusieurs dédoublements et hybridations successives.
Télémaque n'ajoute que les taches couleur sang frais. Il reprend aussi le motif des jambes et des chaussures de la mère, possible symbole qu'il dissimule en partie parmi des formes elliptiques qui s'enchevêtrent.
Télémaque ajoute surtout des icônes de la négritude: Dès 1964 apparaît dans la peinture de Télémaque le tirailleur sénégalais « Y'a bon Banania », autrement dit le bon nègre selon la publicité et le racisme latent que l'on nomme paternalisme. D'autres caricatures prennent sa suite, dont celle du Noir américain vu par les comtes et les dessins animés, chapeau voyant, grosses lèvres rouges et rire puéril.
En citant ces stéréotypes, il rappelle qu'ils ont été souvent la règle et que le XXe siècle n'a pas fait exception. Parmi les mots biffés qui courent juste en dessous de ces têtes, on trouve « Haïti », le nom de son île natale.
En tête; à gauche, les mots bien lisibles qui sont aussi le titre de l'œuvre : « Mère Afrique ». Les mots sont choisis :ils renvoient à l'ascendance de l'artiste et, tout autant, à la thèse selon laquelle l'humanité est apparue quelque part du côté de la vallée de l'Omo. Dans le premier cas, la traite et l'esclavage sont des données essentielles, auxquelles renvoie la cravache fixée au centre de l'œuvre comme un symbole d'oppression. Dans le second, l'ironie se fait plus vaste : quel sens aurait le mépris du nègre chez des hommes dont les aïeux sont venus d'Afrique il y a des millénaires ? Il n'est pas anodin qu'un brun sombre serve à plusieurs endroits. Cette couleur s'appelle encore parfois "tête-de-nègre".

Mère-Afrique au Centre Georges Pompidou

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