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Agriculture : "On fabrique des fermes de merde, littéralement"

Publié le 02 mars 2015 par Blanchemanche
#agriculturechimique #fermesusines #Confédérationpaysanne #agrobusiness
Agriculture fabrique fermes merde, littéralement
TEICH/CARO FOTOS/SIPA
Des exploitations de plus d’un million et demi de volailles par an, l’engraissement de 120 000 agneaux ou la production en batterie de 23 000 porcelets sont autant de projets agricoles qui ont reçu l’approbation des différentes préfectures concernées.On apprend ainsi qu’une ferme à Espelette (64) élève 3 000 brebis laitières et 300 chèvres, une autre à Souraïde (64) possède déjà 4 500 brebis laitières et 700 chèvres ou encore à Rullac-Saint-Cirq (12) 120 000 agneaux sont engraissés à la chaîne.
Les élevages de volailles sont les plus effrayants. Il est impossible de se représenter fidèlement plus d’un million de poules entassées dans des volières géantes. Impossible puisqu’inhumain. Pourtant, à Pamproux (79), la société Pampr’œuf a implanté un élevage qui compte 600 000 poulettes et 600 000 poules pondeuses. Un total d’un million deux cent mille gallinacés s’entassent sous de gigantesques hangars en tôle pour produire 700 millions d’œufs par an. Soit près de 5% de la consommation française à lui tout seul.La Confédération paysanne recense six autres fermes aviaires similaires dont celle de Steinseltz qui compte 1,5 million de poules à l'année. Réunies, ces sept fermes concentrent 4,2 millions d’animaux élevés la plupart du temps en cage ou en volière sans voir la lumière du jour, soit environ 10% de la totalité des poules d’élevage en France.Agriculture fabrique fermes merde, littéralementAvec ce type d’exploitations, l’industrie a pris le pas sur l’agriculture paysanne. Pourquoi toujours plus gros ? La faute à la PAC, nous explique Laurent Pinatel, porte-parole de la Confédération paysanne. Les aides publiques européennes ne sont pas versées en fonction des besoins de l’exploitation, mais proportionnellement au nombre d’hectares cultivés ou de têtes de bétail. « Ce que nous voulons, poursuit-il, c’est une allocation calculée en fonction du nombre d’emplois sur l’exploitation. Le système agricole actuel arrive au bout de sa logique. Les paysans disparaissent en France et les méga exploitations ternissent l’image de la gastronomie française. Les produits de ces usines perdent leur authenticité et leur goût parce que les bêtes sont parquées à mille dans des endroits confinés qui favorisent la transmission de maladies. Alors, en prévention, elles sont gavées d’antibiotiques. »Les 29 grandes exploitations en question s’inspirent de ce qui se fait aux Etats-Unis, en Allemagne, en Espagne ou encore en Afrique du Sud. Les règlementations y sont beaucoup plus permissives qu’en France et les élevages comptent parfois des dizaines de milliers de têtes.Outre la compétitivité internationale, l’autre argument avancé par les défenseurs de cette agriculture démesurée est l’entraide que peuvent s’offrir les agriculteurs ainsi rassemblés à la tête de ces fermes usines. Tout agriculteur, s’il travaille seul, est en quelque sorte esclave de son exploitation. L’élevage ne connaît en effet ni dimanche, ni vacances, ni jour férié, et encore moins les 35 heures. Certains prônent donc le regroupement pour s’accorder de temps en temps un repos bien mérité.C'est d'ailleurs ainsi que le ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll nous présente ces « méga fermes » qui seraient d'abord la combinaison de plusieurs agriculteurs amenant chacun dans ses bagages une dizaine de têtes et d’hectares. « Moi je suis pour que l’on donne aux agriculteurs une capacité à se regrouper. Je prends l’exemple du projet sur les 1 000 veaux dans la Creuse. Tout le monde est contre. Mais ce projet est porté par 52 fermes qui préfèrent se regrouper plutôt que d’avoir 52 fois un petit atelier d’engraissement ».Mais la pratique, comme souvent, envoie paître la théorie. Les exploitations décrites par le ministre existent, mais elles sont rares. Celles dénoncées par la Confédération paysanne sont pour la plupart des agrandissements de structures déjà existantes et qui conservent les mêmes effectifs qu’avant expansion, c’est-à-dire rarement plus de quatre personnes. Ce qui équivaut le plus souvent au nombre de personnes travaillant pour le GAEC (le Groupement agricole d'exploitation en commun) fondateur... Par exemple, à Bréhan (56) l’EARL Ropert aurait entièrement robotisé la production laitière de ses 280 vaches, selon la Confédération paysanne. Cette partie de l’exploitation n’emploierait donc plus que 2 personnes, six fois moins que la moyenne nationale.Toujours selon la Confédération paysanne, derrière la PAC, on trouve les grands groupes industriels, avec en tête le groupe Avril (ex-Sofiprotéol) dirigé par Xavier Beulin, président de la FNSEA, premier syndicat agricole de France. Incarnation même de l’« agro-business » avec ses 500 hectares dans le Loiret, Beulin est capable de déclarer au Monde que « celui qui a deux hectares, trois chèvres et deux moutons n’est pas agriculteur ». Pas gêné par l'idée de présider un syndicat agricole et diriger, dans le même temps, un des plus grands groupes agro-industriels français, Beulin soutient activement deux projets de méga exploitations : des maternités industrielles de 900 truies à Trébrivan (22) et à Poiroux (85). « Xavier Beulin met en place une agriculture qui met aussi en danger les paysans qui cotisent à la FNSEA » dénonce Laurent Pinatel.Pis encore, ce qui motive financièrement ces fermes-usines, ce n'est pas le lait que produisent leurs vaches, mais plutôt... leurs quantités astronomiques d'excréments ! La suproduction, notamment laitière, fait baisser les prix, et au final, tout le monde y perd. Le plus rentable, ce n'est pas la production alimentaire mais les déjections, transformées en énergie dans des méthaniseurs. La Confédération paysanne s'insurge contre ces « fermes de merde, littéralement ».Stéphane Le Foll a beau s’emporter (« Ce modèle d’exploitations démesurées n’est pas pérenne et ce n’est pas le projet de la France ! »), cette trentaine d’exploitations existe bel et bien. Et si les préfectures continuent d'approuver ces projets, il sera temps de dire « adieu veau, vache, cochon, couvée », et bonjour aux dieux Productivisme et Terroir-caisse...Agriculture fabrique fermes merde, littéralementAline Joubert 02/03/2015http://www.marianne.net/agriculture-on-fabrique-fermes-merde-litteralement-100231606.html

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