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Les enfoirés : leur clip vire à la foire d’empoigne

Publié le 03 mars 2015 par Muzard

Touche pas à mon pote

Avec la sortie de leur nouveau clip, "toute la vie",  les Enfoirés ont encore fait le buzz cette année, mais très vite, le rêve s’est transformé en cauchemar.  Le nouveau single concocté par Jean-Jacques Goldman se retrouve au cœur d’une polémique sur la toile. Les jeunes le jugent réactionnaire car il véhicule les stéréotypes d’une jeunesse paresseuse, râleuse, qui fume et qui envie les biens ostentatoires de leurs aînés.

Ils n’ont visiblement pas prêté attention au mea culpa des « plus âgés », qui reconnaissaient dans la chanson leur avoir laissé un triste héritage :  pollution, chômage, violence et sida…. mais ils ont surtout retenu l’injonction à leur encontre  « vous avez toute la vie. À vous de jouer, mais faudrait vous bouger !  Et le ton culpabilisateur des anciens : Tout ce qu’on a, il a fallu le gagner ».  Ils acceptent d’autant moins ces critiques qu’elles sont émises par des artistes qui font figure de nantis suite aux différentes polémiques sur l’évasion fiscale, notamment celle concernant Gad Elmaleh.

Fausse note dans la défense des Enfoirés

Devant le tollé suscité par sa chanson, Jean-Jacques Goldman finit par réagir en regrettant qu’elle n’ait pas été comprise puisqu’en réalité, elle visait à dénoncer le discours réactionnaire des plus âgés… Malheureusement cet argument du « message au second degré »  n’a convaincu ni  les jeunes, ni les plus âgés.  Des personnalités, tels que Jacques Attali ou  la ministre de la culture Fleur Pellerin, ont exprimé aussi des réserves. Certains artistes du collectif ont fait entendre des voix dissonantes comme J.-L. Aubert qui a qualifié de « niaiseries »  les paroles de la chanson, ajoutant à la cacophonie.

Epiphénoméne cette polémique ? Rien n’est moins sûr. Certes, la chanson plait aux plus âgés qui représentent le gros des bataillons des donateurs. Mais au plan émotionnel, les Restos du cœur vibrent à l’unisson avec les Enfoirés. Comment ne pas être éclaboussés par le bad buzz ?

Si le lien de confiance avec la fraction la plus jeune de l’opinion est fragilisé, on ne peut écarter que les politiques prennent un peu de distance  par rapport à l’association dont les subventions représentent une bonne partie des ressources. Et ce, à un moment où les Restos du Cœur ont besoin du plein soutien du gouvernement pour faire avancer des projets essentiels à leur pérennité (dispositif fiscal et anti-gaspillage…).  De plus si certains artistes bénévoles ont le sentiment que s’associer aux Enfoirés peut compromettre leur relation avec leurs fans, il est possible que leur agenda ne leur permette plus l’an prochain de participer à la nouvelle campagne de l’association ! Même si les CD, tournées, ne représentent qu’une petite partie des revenus de l’association, les Enfoirés jouent un rôle crucial pour les Restos du Cœur : comment résister à l’appel aux dons de nos artistes préférés ?

Pour éviter que ce buzz laisse des traces négatives importantes sur la toile ou pire dans les esprits, il aurait fallu une réaction plus maîtrisée et « fortissimo » des Enfoirés.

Se reconnecter aux jeunes

Plutôt que de laisser Jean-Jacques Goldman monter seul au créneau pour éteindre l’incendie par un communiqué, il aurait mieux valu que le collectif s’exprime d’une seule voix cela aurait réduit le risque que certains se désolidarisent. Et un mea culpa sur le manque de clarté du message de la chanson s’imposait.  Au lieu de stigmatiser les « anciens » pour se défendre, on attendait un discours plus rassembleur de la part d’un « collectif  populaire », par exemple en précisant que l’intention était de responsabiliser les différentes générations par rapport à une cause commune : la lutte contre la pauvreté.  La valorisation de cet enjeu noble et plus consensuel, aurait probablement eu un effet apaisant.

Tout n’est pas trop tard. Pour rétablir le courant avec les jeunes, les Enfoirés pourraient annoncer que leur message a été entendu. S’il n’est pas possible a priori de réenregistrer le single, car cela représente un travail important qui mobilise de nombreux artistes, pourquoi ne pas proposer une version live plus consensuelle de la chanson pour la tournée à Montpellier ?

Dans l’idéal, pour les prochaines campagnes,  les Enfoirés gagneraient à faire participer d’une manière ou d’une autre leur public au processus de création de la chanson de l’année. A l’ère du web 2.0, il est important que l’opinion ait «  voix au chapitre ».  

Pour une analyse plus approfondie de ce buzz cf le nouveau blog de MMC dédié aux bad buzz


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