Ça fait longtemps qu'on n'a plus parlé tout simplement de groupes sur TEA, avec la vocation d'un blog de musique qui évoquerait ses nouvelles/anciennes passions. Une tendance aujourd'hui réparée puisqu'au gré de programmations audacieuses, on se retrouve encore avec bonheur à tomber sur des groupes inconnus et complètement géniaux. La dernière en date :
ABSOLUTELY FREE
"On était en tournée avec toutes nos affaires dans notre van, c'était déjà tard le soir et les conditions étaient mauvaises. Au bout d'un moment on a carrément dû s'arrêter tellement il y avait de brouillard. On a passé plusieurs heures coincés là, à ne rien pouvoir faire. Ça fait partie de ces moments hors du temps." c'est ainsi que Matt King, tout transpirant après son concert au Bad Bonn, m'introduit ses paroles éthérées de la chanson "Beneath the Air", une sorte de balade psyché-à-la-Tame-Impala au clip tout dessiné :
Plus romanesque tu meurs. Nous venions de discuter de l'importance qu'on accorde aux paroles des chansons et comment lui les conçoit pour ses compositions. La réponse ne casse pas des briques : en gros, les paroles sont importantes pour lui, même s'il est difficile d'avoir l'assurance nécessaire pour les scander. Qu'il se rassure, la plupart de ses évocations poétiques se fondent dans la masse sonore des compositions. A mon goût, ce qui fait avant tout le charme d'Absolutely Free, c'est plutôt ces changements de rythme, d'une lourde tendance martiale vers quelque chose de plus éthéré slash voyage intergalactique comme ici :
LE TUBE
Ou l'inverse, avec des habits de marin en prime là :
Dans l'ensemble, c'est un mélange de plein de choses. Des sonorités électroniques, des expérimentations rythmiques, ou selon leurs propre description, un son hypnotique entre Bollywood et le Krautrock. Fans de groupes tout aussi éclectiques comme les Talking Heads, Absolutely Free m'évoque aussi bien Animal Collective (pour le côté coloré) que Food Pyramid (pour l'électronique) et un tas de groupes cools des années 2000, mais heureusement loin de la hype - privilège créatif des citoyens de la périphérie.
Baragouin insensé de pseudo-critique musicale à part, découvrir Absolutely Free de clic en clic sur youtube est un voyage qui vaut la peine. Ils sont trois bonhommes débarqués d'Ontario, Canada. Matt au chant et aux percussions, bonnet Batman posé sur le sommet de son crâne comme une Kippa, un autre type aux airs d'astro-physicien-Napoleon-Dynamite à la batterie et un troisième mec qui s'occupe du reste. L'internet ne t'apprendra pas grand chose d'autre sur ce fantastique groupe, à part, si l'on en croit leur trop mignonne description sur facebook, qu'il aiment : "faire de la musique, partir en tournée, faire de l'art, parler de musique, écouter de la musique, mater des films, jardiner, rire avec des amis et le contact émotionnel". Des types simples en somme. Et après avoir passé la première partie de leur actuelle tournée à ouvrir pour la nouvelle sensation Viet Cong, le groupe jouait mardi dernier à Guin, à la suite de We Are The City (une sorte de mix entre Son Lux fraîchement sortis de l'école de jazz et de Vampire Weekend pour la voix, avec un incroyable sens du rythme comme s'ils partageaient un immense métronome en guise de cerveau commun).
En abordant Matt à la suite de leur superbe concert, on s'est vite retrouvés à parler de paradoxes. Par exemple le fait qu'un des groupes avec lequel ils s'apprêtent à jouer, The Pussywarmers, soient des mecs (suis-je la seule à trouver ça offensant ?). Il a aussi évoqué leur propre nom, comme en contradiction avec le moment où, quand tu composes, tu te prends dans les dents toutes tes influences et tu te confrontes au limites de ton instrument. Comment "Absolutely Free" peut aussi sonner plutôt ironique dans les débats actuels sur le prix de la musique, alors qu'on vient tous de débourser l'équivalent de quelques bières pour venir les écouter.
A ce jour, le groupe a sorti un album, DD/MM/YYYY, et quelques singles. Tous sont des perles d'expérimentation pop sans limites, même coincés dans une mer de brouillard.