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Chroniques de l’ordinaire bordelais. Épisode 137

Publié le 08 mars 2015 par Antropologia

Banco

J’ai  RDV à la banque, première étape avant de me libérer enfin de celle-ci. L’ambiance est tendue  et soudain, un client s’acharne sur la sonnette dehors. Elle regarde l’écran-vidéo, se lève et me déclare qu’elle va lui préciser que l’agence est fermée (tous les après-midi sauf sur rdv) sinon il va sonner pendant une heure. Laconique, je lui demande :

Vous n’allez pas me faire le coup du braquage en plus ?

L’homme, ivre, hurle, ne veut rien savoir, bloque la porte avec son pied, pénètre de force dans l’agence. Et, pour mon plus grand bonheur, vocifère :

Escrocs ! Voleurs !

Nous partageons la même opinion, même si nos symptômes, situations  et moyens d’action divergent. Sa carte a été avalée par le distributeur, elle ne peut la lui rendre que le lendemain à 9h. Il ne l’entend pas de cette oreille.

Escrocs ! Voleurs ! Appelez la police !

- Si nous sommes des voleurs, pourquoi utilisez-vous notre guichet puisque vous êtes à la Banque postale ? Ça fait quatre fois que votre carte est avalée chez nous !

- Escrocs ! Voleurs ! Appelez la police !

Il a rdv au bar, son copain va le rejoindre ici, il n’a pas eu ses trente euros, le lendemain, il doit voyager… Il hurle toujours.

Elle vient se réfugier dans le bureau où je patiente, s’y enferme. Me met vaguement au courant, le surveille, y retourne, revient. S’exclame que je suis vraiment maudite, pour s’excuser. Elle appuie sur le petit bouton sous la table, est reliée à la sécurité qui nous surveille alors grâce à la vidéo ; elle explique brièvement la situation, on lui envoie la police. Très calme, je me délecte du spectacle.

Elle essaie sans succès de reprendre le cours de notre entretien. Comme je surveille l’écran par-dessus son épaule, le l’avise de l’arrivée de la police. Les agents sont très calmes et demandent à l’homme de s’expliquer. Ils lui précisent qu’il y a une procédure à respecter et que l’employée ne peut lui restituer sa carte. Il continue de protester. Alors l’agent lui dit fermement :

Monsieur, puisque vous ne voulez pas écouter et continuez à raconter une histoire qui est fausse, je ne vous parle plus, on va faire le silence.

Un silence pesant s’installe aussitôt. Gênée, elle me propose de partir si je le souhaite.

Oh ! Non ! je vais profiter du spectacle jusqu’au bout maintenant !

Notre gentille conseillère propose alors au policier de téléphoner pour savoir si on l’autorise à rendre la carte. On l’autorise. Elle tend alors à l’homme la carte… que depuis le début elle tenait dans la main. Ah ! Les procédures… L’incident est clos, tout le monde part.

Elle s’épanche :

Après le soir je dois sortir toute seule de l’agence !

Cela ne m’émeut guère.

Elle analyse à voix haute la situation, suggérant qu’elle n’aurait pas dû ouvrir la porte.

C’est sûr !

Elle est déconcentrée, moi étrangement calme. On reprend, ça re-sonne. C’est le technicien venu réparer le guichet. Je pense qu’elle n’y est plus quand elle me suggère une alternative au règlement du problème qui, résolu, va me permettre de reprendre ma liberté : changer de banque. Je suis disposée à l’écouter, plus par curiosité que par conviction. Sa solution est géniale, elle me propose de « m’emprisonner » pendant quinze ans de plus. J’en souris :

Ne vous fatiguez pas pour rien, je préfère ma solution…

Colette Milhé



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