We are from LA, l’interview exclusive 2/2

Publié le 10 mars 2015 par Betcmusic @betcmusic

Le mardi 10 mars 2015 dans Interview, Music

L’esprit de création français

BETCPOP : Les Inrocks avait édité une série « On n’a pas de pétrole, mais on a des clippeurs », qui résume assez bien l’idée que la richesse de la France, c’est son vivier de créateurs, notamment dans l’image.
Sentez-vous un environnement particulièrement propice à l’émergence d’une scène française? Est-ce un argument tangible à l’international ?

Pierre : Grande question, le seul truc qui est sûr c’est qu’il n’y a toujours pas de pétrole. Sinon, on nous parle souvent d’une French Touch quand on veut désigner cette scène de clippeurs. Mais de l’intérieur, on n’arrive pas à trouver de vraies ressemblances entre tous les projets. Après, l’envie de travailler dans l’image quand tu es français, ça tombe sous le sens quand tu vois notre culture et notre héritage. On est bercés par cette culture.

Clément : Exactement, déjà on est un pays riche, qui rayonne culturellement et on a la chance d’avoir des étudiants en école d’art alors qu’il n’y a aucun débouchés (rires). Ensuite, on baigne dans la création donc ça doit effectivement pousser plus de gens à travailler dans l’image en France. Pour ce qui est de l’international, la culture française, c’est presque mythologique pour les autres pays, c’est un art de vivre qui fait fantasmer. C’est vrai que pour mener un projet esthétique, c’est pas illogique d’aller voir un français, plutôt qu’une autre nationalité, même s’il y a d’excellents artistes partout.

À l’international, la culture française, c’est presque mythologique

Plutôt que d’évoquer une scène, on peut peut-être plus parler d’une génération de talents / d’un esprit français dans l’image ?

P: On est issus d’une génération qui a rayonné musicalement avec la French Touch, ce qui va évidemment de pair avec les clips et l’image, et ça nous a poussé à nous y lancer.

C: Tous comptes fait, heureusement qu’il n’y a pas de « scène nationale ». Quand tu vois au combien Canada (autre collectif signé chez Iconoclast) a influencé la scène barcelonaise, c’est impressionnant. Ils essayent maintenant eux-mêmes de s’en détacher, après en avoir été la locomotive. Nous on a été influencés par les Megaforce, Romain Gavras, et tous les autres. On a tous une identité propre, que ce soit chez Division ou chez Frenzy, on se côtoie sans que nos travaux ne se mélangent.

P: C’est plus une émulation, on se challenge mutuellement. Quand tu vois Megaforce qui fait un clip pour Madonna, tu te dis que tout est possible. SoMe qui clippe pour Kanye West et gagne un MTV Europe Music Awards, ça donne envie.

Quelle est la dernière claque que vous avez pris, toute discipline confondues ?

C: Lebron James quand il joue, même dans un jeu vidéo, c’est vraiment impressionnant

P: Birdman ! Là en terme de réalisation, c’est du high level, c’est mon nouveau film préféré. Ça nous résume tellement, déjà, c’est un plan séquence pendant à peu près tout le film …

C: … et le jeu des acteurs est juste incroyable. Le postulat de base de l’acteur has been incarné par Keaton est génial et quand tu as un plan séquence qui passe par 10 acteurs dans 5 pièces différentes et qu’ils jouent tous aussi bien, ça frôle la perfection.

Expériences digitales

Et en termes de travaux digitaux/intéractifs?

Pierre : Pas grand chose, ça fait longtemps qu’on n’a pas pris de baffe.

Clément : En vrai, c’est dingue parce qu’il ne se passe pas grand chose.

Pierre : On est un peu déçus, on s’attendait à ce qu’il y ait plus de projets et que le public saute dedans, mais, je pense que ça va venir, j’y crois toujours.

Internet, c’est la life

C’est vrai qu’avec le développement d’Internet, on aurait pu penser vivre de plus en plus d’expériences interactives et digitales, mais ça prend du temps à se démocratiser…

C: Oui, ce qui est certain c’est que l’adhésion au digital et l’évolution des comportements est assez lente, mais c’est relatif. Même si on est « déçus » de cette lenteur, il y a de très bons projets qui sont montés, ils ne sont juste pas aussi nombreux qu’on l’aurait imaginé.

P: On a beaucoup de talents en France, on a de très bons développeurs. L’écosystème est en place pour monter de super projets, il faut juste que les clients (marques ou artistes) soient un peu plus confiants et aventuriers.

C: En même temps, Youtube n’a que 10 ans, le streaming live, à peine 3 ans, ça évolue quand même vite. Il n’y a pas si longtemps, il était impossible de regarder un direct sur ton ordinateur. Aujourd’hui, peu importe les plateformes, tout devient plus rapide et précis, c’est encourageant.

Quand notre génération aura remplacé la précédente, les projets plus digitaux suivront naturellement.

P: Nous sommes la génération qui a vu naître Internet, on a constaté l’avant et l’après, les générations qui suivent sont nées dedans et pour elles, c’est de l’acquis. Quand notre génération aura remplacé la précédente, les projets plus digitaux suivront naturellement.

C: Tu ne peux pas trop en demander aux gens. Nous, ce qu’on trouve intéressant dans le digital c’est d’essayer de ne pas montrer de technique, qu’elle s’efface au profit d’une expérience simple et fluide. Nos parents ont pu se balader dans le clip de Pharrell par exemple, c’est ça notre réussite.

Quelques papiers, notamment un très bon article de Slate titré « Notre mai 68 numérique est devenu un grille pain fasciste », parlent du fait que pour le commun des mortels, Internet est en train de perdre la liberté qui le définissait à l’origine.
Les Facebook et Google personnalisent nos navigations et créent de bulles de confort qui entravent l’ouverture à d’autres sources d’infos. Pensez vous qu’Internet perde de sa capacité d’inspiration, de découverte?

P: Pas du tout, il faut juste pousser et sortir de sa zone de confort, c’est comme dans la vie, aller à une expo, lire des bouquins, il faut juste faire des choix.

C: En fait, Internet ce n’est que la vie, il n’y a rien de plus, rien de moins. Internet, c’est l’équivalent d’aller au Café de Flore pour un écrivain à l’époque, tu y voyais les gens passer, ça t’inspirait, et bien tout ça se retrouve sur Internet. C’est une histoire de choix, parce que les informations et les contenus, ils sont là. Internet, c’est la life.