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Kirill Petrenko dirige la reprise du Siegfried d´Andreas Kriegenburg

Publié le 11 mars 2015 par Luc-Henri Roger @munichandco
Kirill Petrenko dirige la reprise du Siegfried d´Andreas Kriegenburg
La deuxième journée du Ring se joue à guichets fermés, tant est grand l´engouement du public munichois pour le travail de son nouveau directeur musical, Kirill Petrenko. On se rue à l´opéra pour entendre ce nouveau chef qui est également la coqueluche de Bayreuth et qui, depuis qu´il dirige le prestigieux orchestre de l´opéra bavarois, ne suscite que des commentaires enthousiastes. A juste titre, car Kirill Petrenko est un chef wagnérien dans le sens le plus noble du terme, il se consacre entièrement à rendre l´oeuvre du maître de la colline verte telle que Wagner l´a conçue, avec un respect intégral de la partition. On l´attendait bien entendu pour ce Siegfried qu´il a à nouveau rendu avec une impeccable minutie et avec ce goût de la précision qui le caractérise. D´emblée, dès le prélude, on est saisi par la perfection de la précision rythmique pour rendre les couleurs sombres de la caverne de Mime et des noires pensées du forgeron. Rarement marteau a si bien résonné sur enclume. Petrenko fait du prélude l´amorce d´un poème symphonique. La beauté de la direction du maestro russe atteindra son paroxysme lors de l´ouverture du troisième acte dont il fait un moment intériorisé de pure magie musicale. La préparation de l´orchestre est stupéfiante. A noter la performance remarquable du corniste solo Samuel Seidenberg pour l´appel du cor de Siegfried.
On retrouve avec plaisir et intérêt la mise en scène d´Andreas Kriegenburg avec ses nombreux actionnistes que le metteur en scène se plaît à modeler et à remodeler comme s´ils étaient de la plasticine. La chair humaine est modelable à souhait dans ce monde qui n´a pas encore connu l´émergence de la souveraineté de l´homme et où les dieux, les géants et les nains occupent, mais pour leurs derniers moments, le devant de la scène. La malléabilité de l´humain est un leitmotiv scénique des plus réussis: ainsi les figurants composent-ils  aussi bien des arbres que la glèbe de la déesse Erda ou le fleuve de feu qui protège la Walkyrie.
Une distribution des plus soignées devait compléter le tableau, mais, si l´ensemble est de belle facture, il ne répond pas entièrement aux attentes. On est d´emblée séduit par la performance de Daniel Conrad dont le jeu  rend fort bien tout ce que le personnage de Mime a de revêche et de sournois, de boutiquier même, sans en marquer les traits à l´excès, avec un ténor dramatique sonore, et des belles capacités dans le registre plus grave. Daniel Conrad devrait chanter le rôle à Bayreuth cet été. Stephen Gould était très attendu en Siegfried, malgré ce que ce choix a d´interpellant sur le plan théâtral. Siegfried est un opéra qui raconte l´histoire d´une formation et d´une initiation, et d´amours qui ont la fraicheur et l´éclat de l´adolescence conquérante. Stephen Gould s´efforce de rendre le caractère impulsif et décidé de Siegfried à la manière d´un bûcheron prêt à déplacer la foret, mais y réussit davantage par le chant que par le jeu. Il est ce qu´on appelle au théâtre une "rondeur", et, en cela, il n´a pas vraiment le physique de l´emploi. Au cours de la longue soirée une certaine fatigue se fait perceptible. Ceci dit, le rôle est aussi difficile que le sont les attentes du public. Son ténor puissant a un timbre magnifique, qui culmine dans le célèbre Nothung! Nothung! Neidliches Schwert! Was musstest Du zerspringen? Son duo d´amour avec Brünnhilde au troisième acte est particulièrement convaincant, même si, la fatigue aidant, ses aigus ne sont pas toujours aussi éclatants qu´on les espère au final.
Le Wanderer de Thomas J. Mayer est plus élégant que puissant. S´il ne passe pas toujours l´orchestre, il séduit par un jeu raffiné et la qualité d´une diction impeccable qui pallie aisément les modérations du volume. On retrouve  Tomasz Konieczny en Alberich, un rôle dans lequel il a dominé la production du Rheingold. Konieczny est un des grands bonheurs musicaux de ce Ring. La basse Christof Fischesser chante avec brio les derniers instants de Fafner, Autres retrouvailles chargées d´émotions: la somptueuse et voluptueuse Brünnhilde de Catherine Nagelstad qui avait déjà soulevé l´enthousiasme à Munich en 2012. Nagelstad chante l´amour naissant avec un lyrisme habité en parfaite complicité avec la vision orchestrale intériorisée qu´en a Kirill Petrenko. Ce sont là, à la fin d´un opéra pourtant fort long, des moments d´intense beauté qui font que l´on quitte la salle presque à regret.
Les deux autres rôles féminins, honorablement tenus, sont moins remarquables. L´Erda de Qiulin Zhang n´est pas à la hauteur des effets d´une mise en scène qui entoure la déesse mourante d´un tapis de corps noirs affaissés et tremblants d´un désespoir crépusculaire de fin de règne. Si la voix a de belles qualités, le texte n´est pas compréhensible et les yeux se reportent immanquablement vers le surtitrage, ce qui empêche d´apprécier à loisir le spectacle fascinant de la composition mouvante de chair humaine. Iulia Maria Dan dispose de tous les atouts physiques pour incarner les charmes de l´oiseau de la foret, mais le rôle exige des prouesses dans l´aigu pour que se matérialise l´éveil de la nature, et cette émotion n´est pas vraiment transmise.
La soirée se termine par une énorme ovation du public reconnaissant pour ce Siegfried qui, s´il n´atteint pas la perfection de la Walkyrie, n´en reste pas moins remarquable, tout particulièrement par la vision qu´en donne la direction musicale de Kirill Petrenko et par l´extraordinaire qualité d´interprétation de l´orchestre.
Photo empruntée à la page  facebook du Bayerisches Staatsorchester.

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