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L'Institut franco-allemand (DFI) fête ses 60 ans

Publié le 29 mai 2008 par Danielriot - Www.relatio-Europe.com
Jeudi, 29 Mai 2008 18:21 L'Institut franco-allemand (DFI) fête ses 60 ansPionnier des relations franco-allemandes  
Né sous l'impulsion des pionniers de la réconciliation franco-allemande et aujourd'hui dirigé par le Prof.Dr. Frank Baasner, l'Institut franco-allemand de Ludwigsburg fête ses 60 ans. Centre de recherche, de documentation et de dialogue, il œuvre à une meilleure compréhension entre les deux pays. La coopération franco-allemande n'a jamais été aussi étroite. Pourtant, "elle ne va jamais de soi", explique le directeur du bureau parisien du DFI, Wolfram Vogel  Il faut se replacer au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, sur les ruines encore fumantes de la barbarie nazie. L'Allemagne occupée et en grande partie détruite, et la France libérée mais traumatisée, pansent leurs plaies. L'"amitié", qui sera scellée 15 ans plus tard, en 1963, par le Traité de l'Elysée, n'est même pas imaginable. Un petit groupe de pionniers pense pourtant déjà que la haine ne peut pas être le dernier acte de l'histoire. Ce sont des démocrates allemands, tels Carlo Schmid, Theodor Heuss et Fritz Schenk, et des Français issus des rangs de la Résistance, comme Joseph Rovan ou Alfred Grosser. C'est de cette avant-garde que va naître l'amorce de ce que l'on nomme aujourd'hui la réconciliation franco-allemande.
 Dialogue en terrain neutre
 De "réconciliation", à l'époque, il n'est pas encore question. Pendant plusieurs années, on évoquera un "rapprochement". Et pour cela, il faut un "terrain neutre", simplement pour se parler. Ce sera Ludwigsburg, ville moyenne située en zone d'occupation américaine, à quelques kilomètres au nord de Stuttgart. C'est là, trois ans seulement après la fin de la guerre, que quelques pionniers fondèrent l'Institut franco-allemand (DFI), le 2 juillet 1948. La République fédérale d'Allemagne n'est pas encore née. Tout juste Ludwig Erhard vient-il, deux semaines plus tôt, d'engager la réforme monétaire qui a donné naissance au Deutsche Mark.
Plate-forme de dialogue, le DFI recevra vite pour vocation de promouvoir la coopération franco-allemande dans tous les domaines. Soixante ans après, il s'apprête à fêter cet anniversaire. Samedi 31 mai, il attend pour l'occasion plus de 1.200 personnes, dont un certain nombre de personnalités. Le président allemand Horst Köhler sera l'hôte d'honneur de la matinée. Le président du DFI, Erwin Teufel, le ministre-président du Bade-Wurtemberg, Günther Oettinger et l'intellectuel français Nicolas Baverez prendront également la parole.
Sera également présent Andre Bord, l'ancien ministre chargé de la ccordination ministérielle franco-allemande pendant de nombreuses années et  Président de la fondation franco-allemande. Il sera notamment accompagne de M. Alexis Lehmann, président du groupe de prospectives "Rhin 2020" et président d'honneur du CERCLE RELATIO.


Miroir des relations franco-allemandes

Depuis 60 ans, l'histoire du DFI a reflété celle des relations franco-allemandes. Après une dizaine d'années essentiellement consacrées au dialogue, le DFI se met à publier une série sur le "problème" des relations franco-allemandes : les "Ludwigsburger Beiträge zum Problem der deutsch-französischen Beziehungen". Quelques volumes paraîtront jusqu'à l'extinction du titre en 1963. En septembre 1962, le président De Gaulle prononcera à Ludwigsburg un célèbre discours adressé à la jeunesse allemande, prélude à la signature avec le chancelier Konrad Adenauer du Traité franco-allemand de l'Elysée et à la création de l'Office franco-allemand pour la Jeunesse (OFAJ) en 1963.
Depuis s'est ouverte la période post-réconciliation. En 1972, le DFI voit arriver à sa tête un directeur nommé Robert Picht, qui restera en place jusqu'au début des années 2000. En 30 ans, il tranformera le DFI en un véritable institut de recherche en sciences sociales, reflétant les préoccupations de l'époque (économie, politique industrielle dans les années 1970 etc). Bientôt pourvu d'un centre de documentation, le DFI développe sa spécificité : apporter des informations actuelles et fiables aux acteurs de terrain (communes, décideurs, fonctionnaires, journalistes etc.) et développer, au-delà des problématiques universitaires, une activité d'expertise et de conseil.

 Réconciliés au sein de l'Europe

Aujourd'hui, l'ère de la réconciliation est terminée, et de nouveaux défis s'ouvrent au couple franco-allemand au sein de l'Europe. De nos jours, "c'est la perspective européenne qui domine. Les relations franco-allemandes sont victimes de leur propre succès !", plaisante Wolfram Vogel. Selon son dernier rapport d'activités, le DFI a lancé une réflexion sur le rôle du partenariat franco-allemand dans le contexte européen. "Le leadership franco-allemand en Europe, même si on lui prédit une perte de poids géopolitique dans une UE élargie à 27 pays membres, demeure irremplaçable", affirme M. Vogel. "Les initiatives franco-allemandes ne sont pas suffisantes, mais sans un dialogue franco-allemand sérieux et franc il ne pourra y avoir de débats européens efficaces", estime également M. Teufel dans le rapport d'activités 2007.
De fait, les missions du DFI, définies il y a 60 ans, n'ont rien perdu de leur actualité. "La promotion de l'entente et de la coopération franco-allemande reste même après 60 ans une tâche essentielle, car la capacité des citoyens allemands et français à agencer ensemble l'avenir de l'Europe ne va jamais de soi", écrit M. Teufel. Les deux sociétés demeurent bien différentes l'une de l'autre, et les deux systèmes politiques sont divergents à bien des égards.
 L'Institut poursuit donc son inlassable travail d'information et de médiation entre Allemands et Français. Ses programmes les plus récents portent sur la mise en valeur du Rhin supérieur, l'accompagnement de jeunes journalistes au travers de séminaires et de stages professionnels ou l'analyse du développement urbain en France et en Allemagne. Le DFI prépare aussi d'ici à fin 2009 une synthèse des travaux effectués depuis 2005 en France et en Allemagne sur le thème de l'intégration et de l'égalité des chances.


Plus d'informations :
Institut franco-allemand

Wolfram Vogel (DFI) : " Les relations franco-allemandes sont victimes de leur succès" !

(© DFI)

Entretien avec le directeur du bureau parisien de l'Institut Franco-Allemand (DFI)

A quels défis la réconciliation franco-allemande doit-elle faire face au début du 21ème siècle ?

Aujourd'hui, la réconciliation est achevée. C'est la perspective européenne qui domine. Les relations franco-allemandes sont victimes de leur propre succès !

Dans les années 1990, il a existé un discours sur la banalisation des relations franco-allemandes. On a cru constater chez les jeunes une perte d'intérêt pour l'autre pays. Mais le modèle traditionnel qu'étaient, par exemple, les jumelages, n'était pas adapté pour les jeunes. En réalité, il faut trouver de nouveaux formats. L'OFAJ (Office franco-allemand pour la Jeunesse, ndlr) est très créatif dans ce domaine. Il s'est, par exemple, tourné vers les jeunes cadres, les élèves des Berufsschulen (écoles professionnelles), les apprentis.

En même temps qu'on évoquait une banalisation s'est opérée une forte professionnalisation. En 1997, le sommet de Weimar a posé les bases de la création de l'Université franco-allemande, qui propose aujourd'hui plus d'une centaine de double cursus franco-allemands. De même se sont établies des formations communes de fonctionnaires, de militaires... Environ 20.000 postes ne seraient pas pourvus dans les entreprises françaises et allemandes par manque de compétences linguistiques.

Quel est le rôle du « couple » franco-allemand en Europe aujourd'hui ?

Le débat sur l'Union pour la Méditerranée a démontré deux choses. La première, c'est que la France a besoin du partenaire allemand pour avancer substantiellement dans l'Union européenne. La deuxième, c'est que la fonction régalienne du couple franco-allemand en Europe, qui consiste à produire des compromis acceptables ensuite pour l'ensemble de l'UE, a été rétablie d'une façon presque classique, bien que des restes de méfiance mutuelle demeurent à surmonter.

Ce sont moins les relations entre la France et l'Allemagne qui ont changé que les contextes européen et mondial [...]. Le leadership franco-allemand en Europe, même si on lui prédit une perte de poids géopolitique dans une UE élargie à 27 pays membres, demeure irremplaçable. Mais il est évident qu'il faut plus de travail de concertation, de communication et plus de signaux de confiance à l'égard des autres pays membres, qui peuvent se méfier de ce couple de "Grands".

Il ne faut pas perdre de vue que la France et l'Allemagne sont les deux plus grands pays de l'UE. Elles représentent à elles deux près du tiers de la population de l'UE, génèrent la moitié du produit intérieur brut (PIB) de la zone euro et 40% de celui de l'UE (7% du PIB mondial !).

En quoi la réconciliation franco-allemande peut-elle s'exporter ?

Ce sont les autres, les pays tiers, qui nous révèlent l'exemplarité de la réconciliation franco-allemande. Le Japon, par exemple, montre un grand intérêt pour les relations franco-alemandes, dans la perspective de ses relations avec la Chine et avec la Corée du sud. La question qui se pose  est : comment peut-on établir de la confiance ? Faut-il un traité ? Quel rôle joue l'organisation de sommets franco-allemands réguliers ? etc. Ce n'est pas un hasard non plus s'il existe des locaux diplomatiques communs de la France et de l'Allemagne dans les Balkans, ou un institut culturel franco-allemand à Ramallah. Cela permet de montrer à travers l'exemple franco-allemand que l'on peut faire quelque chose.

Mais est-ce transposable ? Pas en tant que tel. La réconciliation franco-allemande a émergé dans un contexte historique particulier, avec des acteurs clés qui évoluaient dans le contexte particulier de la reconstruction. A l'époque, le mot-clé n'était d'ailleurs pas « réconciliation », mais « rapprochement ».

En 2003, cette exemplarité a fait naître l'idée  de créer un programme culturel commun dans les pays tiers.

A quelles difficultés se heurte habituellement la communication entre Allemands et Français ?

Ce n'est guère généralisable. En tout cas, l'image diffusée par les médias ne correspond pas à la réalité. On évoque toujours les "géants" comme EADS, Sanofi/Aventis ou Siemens/Areva. Mais c'est une caricature. La grande majorité des coopérations économiques a lieu au niveau des PME, et cela fonctionne bien !

Le principal problème, c'est que l'environnement change plus vite que les mentalités. L'organisation de l'Etat (centralisé en France, fédéral en Allemagne) se reflète souvent au sein des entreprises, et cela a un impact sur le mode de fonctionnement. Les idées de subsidiarité (prendre une décision au niveau le plus adéquat, ndlr) et de consensus ont une grande importance en Allemagne. Les décisions qui sont prises seulement au sommet passent mal.

Ainsi, la catégorie de "Zuständigkeit" (le fait pour un collaborateur d'être compétent sur un dossier, responsable de son évolution et donc autorisé à prendre des décisions, ndlr) n'a pas d'équivalent en français. Lorsqu'il faut prendre une décision, le cadre français en réfère à sa hiérarchie, ce que son interlocuteur allemand de même niveau interprète comme un manque de motivation à l'égard du projet. A l'inverse, le PDG français n'appréciera pas de se trouver face à un chargé de mission !

Souvent, les malentendus ont lieu au niveau de la communication formelle la plus simple (au téléphone, dans un couloir), mais qui est fondamentale. Le Français est souvent dans l'implicite (discours, question). L'Allemand, lui, fonctionne avec des questions et des demandes précises.

Enfin, ce qui agace souvent les Français, c'est un mode de communication trop direct, qui risque de blesser le statut de l'autre. En Allemagne, la critique ouverte est une vertu, en France cela peut très mal passer. De leur côté, les Allemands s'agacent de la tendance à revenir sur des décisions prises.

 

Propos recueillis par AL

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