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Julie de libran, la nouvelle ligne rykiel

Par Aelezig

Article de Marie-Claire - février 2015

Son premier défilé pour Sonia Rykiel nous a mises en joie. Cette Française nomade a repris les rênes d'une maison qui a tissé, depuis un demi-siècle, une histoire forte avec les femmes, et s'emploie à la raviver. Avec un amour fou pour le vêtement et les émois qu'il suscite. Rencontre avec une sentimentale.

C'est une ravissante blonde aux yeux en amande délicatement ourlés de noir qui marche dans les traces de la si rousse Sonia Rykiel. Française grandie à l'étranger, passée par les studios de Miuccia Prada et de Marc Jacobs chez Louis Vuitton, elle reprend la direction créative d'une maison puissante et chargée, au coeur de Saint-Germain-des-Prés. Une maison où on se pense et se vit fortement femme, avec ce que cela peut induire de fantaisie, de gravité et d'extrême fraîcheur. Julie de Libran porte tous ces atouts à la fois, et des talons vertigineux ("moins qu'avant", modère-t-elle). Fille de son époque, nimbée d'un mystère nécessaire, elle a livré, en octobre, un premier défilé remarqué, celui de l'été 2015, qu'elle nous annnce "libre, sensuel, sexy". Confidences d'une femme subtile, dont le délicieux accent trahit, en toute légèreté, les années américaines, même si elle a désormais fait sien le Café de Flore - où "Rykiel" est aussi le nom d'un club sandwich.

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Comment avez-vous découvert la maison Rykiel ?

Par ma mère, dans les années 70. Je l'ai su plus tard, lorsqu'elle m'a donné ses vêtements et que j'ai lu les étiquettes. J'ai gardé d'elle des vestes en mohair. Je me souviens de leur grande douceur, quand j'étais enfant. Son parfum imprégnait la maille.Et ces vestes avaient des manches qu'on pouvait ôter si on avait chaud, je trouvais ça fantastique ! Ma mère possédait aussi un tailleur noir en crêpe à envers satin que j'ai porté énormément : une veste un peu courte, décolletée, avec des boutons en métal doré et un bermuda. Je la trouvais tellement chic, ainsi ! Elle enfilait la veste sans rien en dessous, très sensuelle. Ce sont là des pièces sentimentales dont j'ai du mal à me séparer. J'ai retravaillé le satin comme seconde peau dans ma première collection, sans doublures. C'est très féminin.

Rykiel, griffe fondée en 1968, affirme une mode à la fois séductrice et émancipatrice, avec la fameuse maille souple et près du corps, sans soutien-gorge, ni ourlets, ni doublures.Comment embrassez-vous cet héritage des années 70 ?

Ce qui est important, dans l'héritage de ces années et de la libération de la femme, c'est une certaine liberté. Le fait de pouvoir montrer la peau, cette fluidité, cette souplesse. C'est ainsi que j'envisage le sexy chez Rykiel : la force de prendre une décision sur ce qu'on veut montrer ou pas. Ne pas tout dévoiler, garder un peu de secret. Pour cet été, j'avais envie que la femme Rykiel laisse voir ses chevilles, une partie du corps que je trouve très sexy.

"Prendre une décision" dîtes-vous : à quoi tient-elle, le matin, face à son armoire ?

Cette décision - qui est importante mais pas grave - détermine une partie de votre journée et crée un certain caractère. Si vous êtes fatiguée et que vous mettez des talons, vous allez vous tenir droite, marcher différemment. A plat, avec des chaussures d'homme - ce qui est aussi très bien - vous aurez une autre attitude, une démarche beaucoup plus rapide. En robe fluide, vous serez encore une autre femme. On peut vraiment jouer avec le vêtement, s'inventer des personnages, un moment rigolo ou plus sérieux... libre à nous.

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Vous en avez beaucoup, vous, des personnages dans votre imaginaire ?

Ce n'est pas très précis. Je suis davantage à la recherche d'émotions. Une décontraction si je porte une veste un peu large ou un jean ; une certaine force si je suis sur des talons. Avec, je souffre un peu plus, je marche moins vite, moins aisément, mais avec la discipline vient une certaine tenue, une certaine présence au monde. Et c'est glamour !

Il s'agit de se sentir forte ?

Pas toujours. Je ne me sens pas forcément forte chaque matin. Parfois il s'agit juste de pièces pour m'amuser ou me faire plaisir. Si je veux me sentir confiante, je porte une veste d'homme épaulée, bien coupée : là, je me sens protégée. J'enlève rarement ma veste, ou alors je la pose sur mes épaules. J'ai besoin de me sentir habillée. La veste est pour moi comme un uniforme, pas une armure mais un vêtement structuré qui me donne une stature. J'aime la discipline, les règles.

Vous vous en imposez aussi ?

Oui, je me crée beaucoup de règles, pour équilibrer mon côté créatif, être à l'heure aux rendez-vous et délivrer mes collections en temps et en heure. Le milieu de la mode va très, très vite, il faut garder les pieds sur terre.

Comment avez-vous considéré les archives de la maison sans être écrasée par elles ?

Je m'y suis plongée pendant un mois, en arrivant, en juin dernier : je voulais voir, toucher, comprendre. Puis je les ai fermées et, en respectant l'héritage et le nom de Sonia Rykiel, j'ai voulu faire à ma manière, pour les femmes d'aujourd'hui. La maison est très reconnue pour la maille, par exemple, c'est un territoire que je veux expérimenter beaucoup.

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Avez-vous rencontré Madame Rykiel ?

Pas encore, mais j'en ai très envie. Je déjeune régulièrement avec sa fille Nathalie.

Il y a dans cette maison une joie de vivre, de l'humour, de l'impertinence... Cela aussi, vous le revendiquez ?

Oui. Je voulais que mon premier défilé soit un moment joyeux et vrai. J'ai beaucoup travaillé sur la cabine (le choix des mannequins), je voulais des soeurs, les Campbell, les Jagger. Je veux donner de la joie et faire rêver : c'est une des missions de la mode.

Vous êtes à un poste très exposé, avec une charge de travail considérable, mais vous êtes aussi une mère de famille. Qu'est-ce qui vous fait tenir le rythme ?

La passion. La passion pour mon travail ! Etre une mère, ce n'est pas toujours simple. Parfois, je me dis qu'il est plus facile d'aller au bureau. J'ai de la chance car mon mari s'occupe beaucoup de notre fils, je suis soutenue par les gens qui travaillent avec moi et qui croient en ce travail. J'essaie d'être où je dois être : si je suis au bureau, j'essaie d'y être à 100 % ; si je suis à la maison, même si j'apporte du travail, j'essaie d'être présente. Ce n'est pas évident, je n'ai pas de solution miracle... Ca me rend heureuse de pouvoir travailler, et cet équilibre entre plusieurs vies m'est nécessaire. Quand mon fils était plus jeune et que je partais en Italie, je sentais que je n'étais pas assez présente, c'était très difficile. Mais une fois que je travaillais, que je dessinais, faisais des défilés, c'était merveilleux. J'étais si passionnée ! Même mon mari le dit : il faut que je travaille, sinon c'est lui qui deviendrait fou. Je serais en train de refaire ma maison tout le temps... Je déborde d'énergie. Sûrement parce que depuis mon enfance j'ai beaucoup voyagé.

Vous êtes en quelque sorte une nomade. En quoi cela vous a-t-il changé ?

J'avais 8 ans lorsque mon père a fait migrer la famille aux Etats-Unis. En arrivant à San Diego (Californie), j'ai vécu un grand choc culturel dont je garde un vif souvenir. Ca m'a marquée en positif. Il y a eu des moments difficiles, mais c'est un apprentissage qui m'a renforcée, qui a affermi mon caractère, mon endurance, ma capacité d'adaptation. Ces années m'ont donné une certaine confiance en moi et une ouverture d'esprit : à 14 ans, j'ai commencé à travailler comme vendeuse dans une boulangerie après l'école, comme c'est l'usage là-bas pour gagner son indépendance. Moi, si timide et réservée, je côtoyais les adultes et je forçais ma nature. Ensuite, quand je suis partie en Italie, à 18 ans, j'étais déjà plus ouverte, curieuse. Ca m'aide aujourd'hui encore. Je sais m'adapter et je pense savoir écouter.

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En terme de mode, San Diego, c'était comment ?

Le désert ! Il n'y avait que du "beachwear". Maman, décoratrice, recevait le Vogue français et je dévorais chaque numéro. Je savais exactement ce que je voulais porter, mais je ne trouvais rien. Maman me conduisait chez un tailleur pour faire coudre ce que je dessinais. Une fois, pour une soirée dansante, où toutes mes copines étaient habillées en princesse, je me suis dessiné une robe en velours noir, un peu taille basse, avec du taffetas fuschia. Si j'y pense maintenant, je crois que j'étais sous influence Lacroix et Saint Laurent !

La Californie, c'est aussi un autre rapport au corps...

Oui, c'est le culte du corps, dompté pour la plage. Je me rappelle une expérience, à 12 ans : on m'avait demandé de participer au défilé de l'école en maillot de bain, et je m'étais imposé deux semaines de gym pour me muscler et faire de l'aérobic. J'étais pourtant très mince, mais tétanisée.

Perfectionniste ?

J'aimerais, mais je ne pense pas l'être. Je suis très attentive aux détails. A tous les détails. De madame Prada, auprès de qui j'ai passé dix ans, je garde cette leçon : il faut surprendre. Avoir envie de surprendre. Prendre une direction et travailler jusqu'à ce que ce soit très bien. C'est le goût du challenge. J'adoire avoir un challenge !

Quel est le vôtre aujourd'hui ?

Qu'on voit du Rykiel dans la rue ! Que les filles en aient envie.


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