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La laïcité ne doit pas être incantatoire, elle doit se vivre au quotidien

Publié le 22 février 2015 par Ncadene

Retrouvez ci-dessous la tribune que j’ai cosignée avec Jean-Louis Bianco dans le magazine Marianne :

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Pour Jean-Louis Bianco et Nicolas Cadène, respectivement président et rapporteur général de l’Observatoire de la laïcité, « le seul mot “laïcité” ne suffit pas à résoudre tous les maux de la société ». « C’est peut-être là notre divergence avec “Marianne” », écrivent-ils avant de poursuivre : « La désocialisation et l’absence de mixité sociale dans certains quartiers sont en lien avec les difficultés de la laïcité. N’en traiter que les conséquences sert l’extrémisme tant religieux que politique et s’oppose in fine au principe même de laïcité. »

L’observatoire est un organisme transpartisan, sa méthode et son esprit sont à l’opposé d’une laïcité incantatoire qui se défie de tout ce qui diverge, y compris des réalités du terrain : expliquer serait « excuser », connaître serait « abdiquer ». Pour nous, la laïcité doit se vivre au quotidien et concrètement. Elle est un enjeu de liberté. Nous, Français, sommes d’abord des citoyens à égalité de droits et de devoirs. Mais l’unité de la République ne signifie pas son uniformité. Si la laïcité s’est construite pour libérer la République de l’emprise religieuse, elle l’a fait en 1905 pour assurer le vivre-ensemble dans un pays qui connut de terribles guerres de religion.

Notre constat, confirmé par les remontées de terrain et par nos nombreux déplacements, est que la laïcité est un principe auquel les Français sont très attachés. C’est tout simplement ce que veut dire la phrase trop souvent déformée : « La France n’a pas de problème avec sa laïcité. » Dire cela, ce n’est pas nier des situations qui nous préoccupent tous. Les communautarismes se développent et des revendications à caractère religieux prennent parfois des formes plus agressives. Pour faire face à ces enjeux, dans un souci d’efficacité, nous avons édité il y a déjà un an trois guides qui apportent des réponses à des cas concrets pour les collectivités locales, les structures socio-éducatives et les entreprises privées*. Utiles, ils sont très bien reçus sur le terrain. Mais les médias n’en parlent pas, le temps médiatique est aux problèmes. Déplorer que ces derniers soient les seuls à fonder le discours sur la laïcité n’est pas s’aveugler. Nous les traitons et les prenons à leur juste mesure quand ils surviennent.

Traiter le problème à la racine

Comme vous, nous pensons que la laïcité est une exigence forte et urgente. A la suite des drames de début janvier, l’observatoire a adopté un avis comprenant 11 préconisations. Pour nous – c’est peut-être là notre divergence avec Marianne -, le seul mot « laïcité » ne suffit pas à résoudre tous les maux de la société. La désocialisation et l’absence de mixité sociale dans certains quartiers sont en lien avec les difficultés de la laïcité. N’en traiter que les conséquences sert l’extrémisme tant religieux que politique et s’oppose in fine au principe même de laïcité. Son effectivité implique la lutte contre les discriminations, ce qu’avait déjà rappelé la commission Stasi. Si on ne traite pas les difficultés à la racine, rien ne changera.

C’est dans cette logique que, dans le cadre du phénomène de radicalisation qui nous inquiète depuis longtemps et ne relève pas directement de la laïcité mais de l’ordre public, avec notre soutien, une de nos membres, Dounia Bouzar, mène un travail remarquable sur la prévention des dérives sectaires liées à l’islam. Elle nous fait régulièrement un point sur la situation.

Nous intéressent également les questions liées à l’intégration dans le récit national des jeunes Français d’origine africaine ou des outre-mer. Nos programmes scolaires ne traitent pas suffisamment de cette diversité qui a façonné la France et, de fait, intègrent insuffisamment une partie de notre jeunesse. Nous avons également demandé le développement du service civique pour faire exister au sein de la République ce brassage culturel et social et pour dire aux jeunes qu’ils sont utiles à la nation.

Le recrutement de nouveaux aumôniers musulmans et le renforcement de leurs moyens (prévus par la loi de 1905) nous paraissent essentiels pour ne pas laisser certains détenus aux seules influences extrémistes. Afin d’introduire une distance critique chez les élèves et faire tomber les préjugés, nous soutenons le développement de l’enseignement laïc du fait religieux. Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’Education nationale, nous a rejoints en créant des postes de chercheurs sur l’islamologie, ce qui permettra une approche contextualisée des textes et de s’opposer à la vision littéraliste de l’islam, trop diffusée.

Enfin, nous demandons la multiplication des formations à la laïcité, principe en réalité bien trop méconnu dans ses aspects juridiques. La laïcité, c’est la séparation de l’Etat et des religions, donc la neutralité de l’Etat, des collectivités et des services publics et de tous leurs agents, pour assurer leur impartialité. En revanche, les citoyens voient leur liberté de conscience garantie. Parce que la laïcité, c’est d’abord une liberté. Celle de croire ou de ne pas croire, et de l’exprimer dans les limites de la liberté d’autrui. La laïcité n’est pas une conviction mais le cadre qui les autorise toutes.

Jean-Louis Bianco & Nicolas Cadène

www.laicite.gouv.fr


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