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[Critique] Big Eyes

Par Régis Marton @LeBlurayphile

big-eyes-affiche-france-studio-franceBig Eyes

Un film de : Tim Burton

Avec : Amy Adams, Christoph Waltz, Danny Huston, Krysten Ritter, Jason Schwartzman, Terence Stamp, Jon Polito…

Retour sur le scandale qui ébranla le petit monde du pop-art américain au début des années 60, lorsque la femme du célèbre peintre Walter Keane qui savoir qu’elle était l’auteure des peintures qui lui valurent le succès et la fortune. La popularité de ses tableaux de petites filles aux grands yeux larmoyants avaient révolutionnés le commerce artistique cachait en effet une belle arnaque mais surtout une relation de couple très tumultueuse.

Big Eyes- Amy Adams et Christoph Waltz- StudioCanal

Big Eyes- Amy Adams et Christoph Waltz- StudioCanal

Le film de la dernière chance ?

Depuis une douzaine d’années au moins, même les fans de la première heure de Tim Burton regrettent les grandes heures de cet ancien maitre du cinéma gothique décalé. Lui-même s’est d’ailleurs rendu compte que son retournement de veste, opéré lors de son retour chez Disney en 2010, l’éloignait radicalement de son public de souche, c’est pourquoi Frankenweenie et Dark Shadows tentaient de revenir aux fondamentaux de son cinéma. En vain, les deux films n’avaient ne l’avaient ni réconcilier avec ses anciens spectateurs ni attirer de nouveaux. A présent, c’est vers un biopic doublé d’une réflexion sur la création artistique qu’il revient. Vers ce qu’avait été Ed Wood précisément, qui, ce n’est pas une coïncidence, était signé par le même duo de scénaristes. Avant les deux projets casse-gueule que sont Beetlejuice 2 et Dumbo, en revenir à ce qui fut considéré comme son film le « plus personnel » est donc sûrement l’ultime chance pour Burton de prouver qu’il peut encore faire autre chose que recycler ses propres films.

Big Eyes- Amy Adams et Christoph Waltz- StudioCanal

Big Eyes- Amy Adams et Christoph Waltz- StudioCanal

Que reste-il de Burton dans ce Burton ?

Une B.O. signée Danny Elfman d’abord ! Mais coté casting, Burton tente de faire original. Contrairement à ce qu’il en aurait été il y a quelques années, Walter et Margaret Keane ne sont pas interprétés par des Johnny Depp et Helena Bonham Carter aussi cabotins que surmaquillés. Plutôt que son acteur fétiche et son ex-femme, il a fait appel à deux acteurs non moins talentueux et populaires. En cela, Big Eyes fait déjà preuve d’une fraicheur bienvenue. Oubliez aussi tous les monstres gentils et autres gimmicks fantastiques, expressionnistes, et outrancièrement baroques qui faisaient le sel du cinéma burtonien. Big Eyes en est-il pour autant une réalisation impersonnelle digne du premier yes-man venu? Si, dans Ed Wood, le cinéaste idéaliste et persévérant était un reflet évident du réalisateur, il est difficile d’en dire autant de cette peintre introvertie. Bien sûr ses peintures ont beaucoup influencé Burton (il suffit de voir ses animations où ses personnages ont des yeux disproportionnés pour s’en convaincre) mais les deux ont peu en commun. Et pourtant, ce couple, composé d’une artiste intarissable et timide et d’un mari expansif ne voyant dans l’art qu’un moyen de se faire de l’argent, ne serait-il pas les deux facettes de Tim Burton ? La façon dont son nom à lui est venu vampiriser l’essence de son œuvre personnelle à elle pour en faire quelque chose de purement superficiel peut alors être lue comme un regard amer que porte Burton sur sa carrière déclinante. Sans cet angle de lecture mélancolique, Big Eyes ne serait qu’une coquille vide.

Big Eyes- Christoph Waltz- StudioCanal

Big Eyes- Christoph Waltz- StudioCanal

Un film édulcoré mais fort attachant

L’alchimie qui se fait entre Amy Adams et Christoph Waltz fonctionne plutôt bien puisqu’il créé à la fois les tons comiques et dramatiques du film. En effet, lui n’a jamais été aussi drôle que dans la peau de ce mythomane exubérant (il est loin le terrifiant Hans Landa d’Inglorious Bastards!) tandis qu’elle rend tangible l’état de soumission aveugle de cette femme fragile. Ils évoluent dans des décors pastels qui, de la part d’un autre réalisateur que celui d’Edward aux Mains d’Argent (qui déjà, à sa façon, dénonçait le détournement commercial de l’art), seraient jugés comme une faute de gout évident, mais semblent ici en phase avec le propos. Un peu à la manière dont Birdman mettait dos à dos blockbusters et théâtre auteuriste, Big Eyes interroge sur le bien-fondé de l’art pictural populaire, et n’hésite pas à croquer au passage le caractère hautain des artistes dépréciés (incarné ici par Jason Schwartzman) et le mépris des critiques dédaigneux (Terrence Stamp est parfait dans ce rôle).

Big Eyes- Amy Adams- StudioCanal

Big Eyes- Amy Adams- StudioCanal

Si Big Eyes ne satisfera pas les fans qui viendront y chercher le grand retour du Tim Burton d’antan, il a largement de quoi nous faire passer un passer un moment divertissant grâce à son traitement très juste d’une histoire vraie au fort potentiel tragi-comique. Et, pour quiconque veut y voir un méta-film, alors Tim Burton tente de se faire pardonner de ses digressions artistiques de ces dernières années, et rien que pour ça, c’est un film nécessaire pour tenter de redonner une chance à ses prochaines réalisations sous la houlette de Disney.

Les attentes pour l’édition Collector

Pas grand-chose d’autre que des documents sur l’histoire vraie (dont une interview de la vraie Margaret Keane qui semble s’être bien entendu avec Burton et Adams puisqu’elle fait un caméo dans le film) qui rajouteraient à la légitimité du scénario.


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