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Max | De la ratitude

Publié le 19 mars 2015 par Aragon

Max | De la ratitudeÀ Louisfert la devise du lieu dit que si le sol est bien de fer, ses habitants ont un coeur d'or. Curieuse devise, originale et téméraire, limite prétentieuse. À Louisfert il y a neuf cents habitants, beaucoup de champs et de vergers, des foins l'été et des pommiers. À Louisfert où je passais sur les traces de René, il y a déjà fouchtre nombre années, je ne vis point trop d'habitants, c'était l'été pourtant, il faisait beau, les rues étaient désertes, pas un coq, pas un chat, pas une âme qui vive.

À Louisfert je me suis dit que c'est bien sûr en l'antique épicerie que je devais aller. Achetant un paquet de biscuits je demandais à la vieille qui me dévisagea dès mon entrée comme si je venais d'une autre planète, si elle avait connu René. Sans se dérider, elle m'asséna un froid claquant "Pour sûr que je l'ai connu monsieur René, il venait dans ma boutique, il était toujours fauché comme un rat..." (sic)

À Louisfert, au détour d'un chemin creux, René faillit mourir assassiné par une patrouille SS, il n'eût la vie sauve qu'à une formidable présence d'esprit qui lui fit crier en réponse au claquement des culasses qui allaient tirer qu'il était poète, gueulé en allemand, car il parlait allemand :"Ich bin dichter !!!" Les fusils se sont immédiatement baissés comme tétanisés par cette affirmation et l'officier fit presque mettre sa patrouille au garde-à-vous pour laisser passer le poète. À Louisfert René est mort si jeune, trop jeune, en son école communale, dans les bras d'Hélène qu'il aimait et qui l'aimait.

À Louisfert l'ogresse de bougresse ne savait pas en sa boutique, pas plus que les enfants de son école ne savaient, pas plus que le maire, les habitants ne savaient aussi. Seules savaient les hirondelles et les grives.

Presque personne ne savait qu'un poète demeurait... Celui qui entre par hasard dans la demeure d'un poète / Ne sait pas que les meubles ont pouvoir sur lui / Que chaque noeud du bois renferme davantage / De cris d'oiseaux que tout le coeur de la forêt / II suffit qu'une lampe pose son cou de femme / A la tombée du soir contre un angle verni / Pour délivrer soudain mille peuples d'abeilles / Et 1'odeur de pain frais des cerisiers fleuris / Car tel est le bonheur de cette solitude / Qu'une caresse toute plate de la main / Redonne à ces grands meubles noirs et taciturnes / La légèreté d'un arbre dans le matin.

Je t'ai rencontré jadis René en rencontrant Hélène à Orléans, je pense à toi particulièrement chaque premier jour de printemps tu sais René. Depuis cinquante ans pile maintenant que je te connais grâce à monsieur Roger de Sallespisse, je chante ce vingt mars, ne pleure pas, ne souris pas non plus. Je chante ce jour-là, je pense au coeur de poésie. Je pense à la poésie - à l'art - qui est le coeur vivant et essentiel du monde.

Vingt mars, ce jour où tu es mort, la tête posée sur des brassées de jonquilles, ton coeur porté au ciel par la première nuée d'hirondelles. Elle est si loin alors, mon Dieu, la ratitude de la vieille... Où sont les hommes quand passent les poètes ?

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