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De quoi « True Lust Rayon Violet de ses Yeux » est-il le nom ?

Publié le 20 mars 2015 par Adamantium

La Marque État Libre d’Orange me déconcerte. Au fil du temps et des lancements, j’ai fini par la voir comme une sorte de créature de Frankenstein constituée d’éléments piochés à droite et à gauche et cousus ensemble avec du gros fil : une marque qui raconte une chose, des noms qui en racontent une autre et des jus qui oscillent entre l’agréable et l’importable. Leur nouveau parfum, lancé en février 2015, va-t-il me faire changer d’avis ? La tâche est ardue.

Le nom du dernier rejeton d’État Libre d’Orange occupe beaucoup de place sur le flacon : True Lust Rayon Violet de ses Yeux.

true lust etat libre d'orange
Ce patronyme à rallonge me laisse dubitatif… À croire qu’Etienne de Swardt a lancé un Harrap’s au milieu d’une meute de chiens furieux et qu’il a collé les lambeaux qu’il pouvait récupérer sur une feuille de papier. Vais-je mieux saisir le sens de ce nom en lisant la description officielle ? Je cite : « Un parfum dédié à toutes les fontaines taries, à tous les chiens nus du Mexique et définitivement à l’usage des vivants. – Ô l’Omega, rayon violet de Ses Yeux ! True Lust est le rituel universel de la femme fatale, assassin ! »

Donc, non. Le texte semble avoir été écrit sous acide, Elisabeth Taylor aux yeux d’améthyste peut aller se rhabiller et je ne sais toujours pas quelle histoire ce parfum veut raconter !

Le parfum, justement. Il est décrit sur le site de la Marque comme « le mélange de Putain des Palaces et de Dangerous Complicity, [prenant] les meilleures notes des deux formules. Poudre de riz, l’expérience des limites, absolu de rose, calice délectable, cuir, larmes d’Éros et le rhum qui soigne ». L’image qui me vient immédiatement à l’esprit est celle d’un Jean-Baptiste Grenouille ressuscité : on prend un peu de ci, un peu de ça, on met le tout dans une bouteille et on secoue un grand coup – comme pour le nom ? Mais à la réflexion, Pierre Guillaume a déjà remixé ses propres parfums avec succès et l’idée de faire en parfumerie ce qu’on appelle en musique un mash-up peut s’avérer intéressante.

Avançons sans préjugés et rendons-nous à la boutique du 66, rue des Archives pour voir ce qu’il en est.

La première impression sur la peau montre en effet une filiation indéniable avec Dangerous Complicity et Putain des Palaces : on découvre un bouquet floral assez classique construit d’abord autour du muguet et de la rose, puis de la petite chanson métallique de la violette qui, après avoir été une discrète gourgandine des grands hôtels, se découvre une âme de pole dancer et finit par accepter de s’offrir aux regards.

La légèreté un peu frivole des premières notes fait progressivement place à un patchouli fruité plus dense et sensuel, ainsi qu’à une touche poivrée de gingembre. Mais la note qui s’impose, c’est celle du cumin, jusqu’à devenir aussi présente que la violette, la rose et le muguet. Elle flirte avec la poudre de riz, donnant une impression à la fois moderne et désuète qui n’est pas pour me déplaire.

true lust etat libre d'orange visuel

Après quelques minutes sur la peau, j’ai le sentiment que c’est Dangerous Complicity qui finit par s’imposer, de façon toutefois plus « confortable » que dans la composition d’origine. J’ai même l’impression de reconnaître dans la facette crémeuse qui apparaît à ce moment-là une alliance du côté lacté du santal et du cashmeran, mais cette matière première n’apparaît pas dans la description olfactive communiquée par la marque, pas plus d’ailleurs que celle du cumin, pourtant très présent.

En revanche, je ne trouve aucune trace du rhum, de la noix de coco, du jasmin, de l’ylang-ylang ou de la mandarine que celle-ci annonce ! Ce n’est pas la première fois que je ne retrouve pas certaines notes annoncées dans la description olfactive d’un parfum – après tout, je ne suis pas un « nez » professionnel – mais à ce point c’est assez rare.

L’accord de fond qui s’installe laisse apparaître un musc blanc qui, au lieu d’apporter une impression de propre, évoque de façon assez étonnante son contraire, quelque chose d’un peu sale, d’un peu sombre, nuancé d’une facette légèrement fumée (bois de gayak ?). Les notes de rose et de muguet ne sont cependant pas très loin, on évolue à présent dans un « club privé » fréquenté par des messieurs d’un certain âge où des dames en jupe panthère et hauts talons rêvent toujours au prince charmant… Arrivé à  ce stade, la composition tourne quelque peu en rond, il semble que la fragrance ait tout dit, c’est quelque peu frustrant.

Au final, True Lust est un parfum plutôt agréable et mieux construit que ce que son intention créative pouvait me faire craindre. Pourtant, je n’accroche pas. Après plusieurs jours de réflexion, j’ai fini par mettre le doigt sur ce qui me gênait : ce parfum manque d’évidence et surtout de nécessité, j’ai envie de demander « un parfum pour quoi faire ? » Je n’arrive pas à comprendre où veut en venir Etat Libre d’Orange, une impression encore accentuée par le visuel publicitaire, certes glamour et chic, mais qui ressemble à une photo de Daniel Jouanneau pour le maquillage Chanel des années 90 – encore un appendice rajouté à la créature de Frankenstein évoquée plus haut.

Tant pis. Ce n’est pas cette fois-ci que je vais me réconcilier avec la Marque qui semble coincée entre son concept et la réalité commerciale, entre la posture sulfureuse et la nécessité de vendre. « True Lust Rayon Violet de ses Yeux » nous promet du désir animal là où il n’y a en réalité que des petites fleurs romantiques un peu souillées, un livre qui aurait Justine en couverture et 50 Shades of Grey dans ses pages.

Hervé Mathieu

Etat Libre d’Orange – True Lust Rayon Violet de ses Yeux – spray 100 ml : 125 euros



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