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Le ballotin de pralines a 100 ans !

Publié le 24 mars 2015 par Jacquesmercier @JacquesMercier

Jean Neuhaus invente en 1912 une bouchée au chocolat, qu’il baptise « praline » et qui deviendra une des créations belges les plus connues et appréciées dans le monde.

La plupart du temps, on explique l’origine du nom « praline » en faisant référence au Maréchal du Plessis-Praslin. Tout d’abord c’est son cuisinier, appelé étrangement Lassagne, qui découvre par hasard une confiserie en faisant rissoler des amandes grillées dans un reste de sucre bouillant. Il avait vu l’un de ses marmitons grignoter un morceau de sucre fondu ! Monsieur de Choiseul, duc de Plessis-Praslin (1598-1675) était ambassadeur du roi de France, Louis XIII et c’est durant le siège de Bordeaux, car les Bordelais s’étaient rebellés contre l’autorité du roi, que se situe l’anecdote.

Le mot s’écrivait « prasline » au départ, puis « praline » dès 1680. Après avoir conquis bien des titres de gloire, le maréchal se retire à Montargis. Il y fonde la « Maison de la praline », qui existe encore aujourd’hui.

Cependant, une autre explication du mot me paraît aussi plausible. Le verbe « praliner » fait partie du jargon du monde de l’agriculture, il définit l’action d’enrober d’engrais les racines d’une plante ou les graines avant de les mettre en terre, mais aussi celle de les envelopper avant de les remiser dans un lieu intérieur pour l’hiver. Dans les deux cas, on voit le parallèle avec le fourrage de la bouchée dans l’enrobage du chocolat. Bien sûr il dut y avoir des influences mutuelles. L’acte de dépôt de la « praline » est enregistré en 1912. Le succès est immédiat.

La façon la plus évidente de vendre les pralines, puisque on est en Belgique, est alors de les entasser, comme les frites et d’autres denrées, dans un cornet en papier (on l’appelait « poche » pour le chocolat). Les pralines se griffent, s’abîment et surtout celles du fond sont écrasées.

La femme de Jean Neuhaus s’appelle Louise Agostini. C’est elle qui imagine la manière de les entasser sans dommage : elle crée le « ballotin ». Les pralines sont conservées l’une à côté de l’autre, disposées en couches séparées.

Le procès-verbal du dépôt est daté du 16 août 1915, à deux heures et demie de l’après-midi (heure belge) et on précise : à trois heures vingt-six minutes (heure de l’Europe Centrale). Le texte est ainsi rédigé : « Monsieur Jean Neuhaus, confiseur, demeurant à Bruxelles, Galerie de la Reine, 25, se présente au greffe du Conseil de Prud’hommes de la ville de Bruxelles et y dépose une enveloppe cachetée qu’il dit contenir l’échantillon d’un modèle industriel (enveloppe en carton pour bonbons), dont il veut se réserver l’usage exclusif à perpétuité, lequel modèle, M. Jean Neuhaus, préqualifié, déclare se rapporter à l’industrie du cartonnage et à celle de la confiserie et du chocolat et de tous les autres produits alimentaires. » Le greffier s’appelle H. De Boelpape.

Ce « ballotin » est tellement pratique que tous les collègues de Jean Neuhaus – ils se voient régulièrement au sein de l’Association royale des Maîtres Pâtissiers de Belgique, dont une exposition, sous le Haut Patronage de SM la Reine Elisabeth eut lieu juste avant la guerre à la salle de la Madeleine, avec la participation de la France, de la Hollande et de l’Angleterre – lui demandent de leur accorder le droit (et donc sans droits !) d’utiliser un ballotin semblable pour leur propre firme. Il laisse faire, préférant leur amitié à la fortune qu’il aurait pu amasser.

Sa fille, Suzanne Neuhaus, m’a confié : « Pour ne pas endommager les pralines mes parents inventèrent le ballotin qui remplaça ce qu’on n’appelait pas le « cornet » mais la « poche ». Oui, mon père était adorable et il a laissé partir les royalties. »

(Extrait de mon livre « La tentation du chocolat » chez Racine)

Une séquence sera consacrée à l’événement ce vendredi et ce WE dans « CV’est du Belge » sur la RTBF Une, vendredi 27 mars à 20h15. Cédric Wautier et l’équipe de Serge Ruyssinck (avec lui et avec le producteur de l’émission, Hugues Lanneau, j’ai eu le bonheur de proposer les « Forts en Tête »!) me rencontrent dans la boutique Neuhaus de la Galerie St-Hubert. Pour l’occasion le ballotin centenaire a été remis en vente !

ballotin



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