Magazine

Zee Town

Publié le 29 mars 2015 par Nicolas Esse @nicolasesse

Quelque part en Californie, 80 hectares de terrain attendent leur heure.
Un jour, bientôt, les pelleteuses viendront planter leurs crocs dans cette terre friable pour construire une ville bleue barrée d’un petit F blanc : Zee Town, la ville facebook. Juste à côté de Googleville et pas trop loin d’Apple City.

Le 26 mai 1938, Adolf Hitler Hitler se rendait à Wolsfbourg, petite bourgade allemande de 900 habitants. Lui aussi avait un plan pour une ville nouvelle, une ville construite pour fabriquer des automobiles que les Allemands les plus moyens pourraient utiliser pour aller s’éclater en vacances partout en Europe et même plus loin si affinités. Avec son pote Ferdinand Porsche, ils ont déjà dessiné la voiture. Pour la marque, le Führer a pensé à un nom qui claque, Volkswagen, la voiture du peuple. Et pour le nom de modèle, ce sera un slogan, une tagline, comme on dit aujourd’hui : la VW KdF, Kraft durch Freude, « la force par la joie », il avait le sens de la formule, le petit Autrichien moustachu.
Aujourd’hui, Wolfsbourg est une bourgade de 120’000 habitants et on y fabrique des voitures du peuple à la pelle. Les enfants rient dans les écoles, midi sonne au clocher du village et le stade de football peut contenir jusqu’à 30’000 Wolfsbourgeois en liesse lorsque leur équipe marque un but ou deux. Pour des raisons logistiques on a construit le stade à côté de l’usine et on l’a baptisé Wolsfburg Volkswagen Arena au cas où certains autochtones n’auraient pas encore compris qu’ils s’appellent VW eux aussi.

Loin de moi l’idée de faire monter le PDG de facebook et le Führer dans la même Coccinelle, même si Adolf et Mark pourraient faire un beau couple sur la banquette avant. Non, c’est seulement lorsque Hitler s’installe à côté de Zuckerberg que la tension monte d’un seul coup et qu’on comprend à quel point leurs destins ne pourront jamais être liés. Par contre, on peut tout de même se demander ce que ce post-ado boutonneux a vraiment dans la tête avec son plan de facebookville. Pareil pour Larry Page qui veut aussi sa Goggletown et accessoirement un accès rapide à l’immortalité. Que se passera-t-il lorsqu’ils auront construit leurs capitales ? La prochaine étape, c’est quoi ? La presse facebook ? L’école facebook ? Les évangiles selon facebook ? Le pays Google ? La terre Google ? L’au-delà Google ?
Une théorie élablorée sur la base d’une étude de tous les allumés que la terre a engendrés dans un passé récent précise qu’à partir d’une certain nombre de milliards de dollars les connections synaptiques des cerveaux les plus entraînés finissent par surchauffer et à produire une série d’utopies grand-guignolesques, un phénomène communément appelé méga-déconnade ou folie des grandeurs.
La même étude indique que l’heureux possesseur du même nombre de milliards de dollars pourra très vite trouver de très nombreux disciples décérébrés qui n’auront cesse de chanter son saint nom et acheter ses produits bénis, au nom du Père, du Fils et de la Pomme marquée du saint dentier d’Adam. (Je possède un iPhone. Et un Macbook Pro. Trop beau.) Et c’est là qu’on commence à avoir les boules et même à flipper notre race, sauf votre respect, parce que des religions et des disciples armés jusqu’aux dents il y en a déjà suffisamment pour faire sauter dix-mille fois notre planète et aussi parce qu’on est déjà servi en matière d’hymne nationaux qui promettent une belle raclée à l’étranger qui vient en mugissant égorger nos fils et nos compagnes.

Zuckerberg, Page et tous les autres, soyez cool, il y a tant d’argent et si peu de riches, alors, faites-vous plaisir ! Soyez créatifs : il y a mille manières plaisantes de bien dépenser son biffeton : pensez à l’art contemporain, à tous ces tableaux de Van Gogh que vous pourriez soustraire à la vue de la foule vulgaire, à ces voitures de collection que vous enterreriez au vingt-quatrième sous-sol, à ces rangées de bouteilles millésimées qui dormiraient dans le noir de votre cave et que personne ne boira jamais. Pensez également à construire des garçonnières, que vos sens puissent exulter à l’abri des regards et des yachts de trois cent mètres pour que vos pieds ultrasensibles soient préservés du sel des vagues.
Enfin, éclatez-vous, que diable ! On ne vit qu’une fois après tout. Donnez des fêtes somptueuses. Défoncez-vous aux alcools rares, au pesto, à la truffe blanche, à la cuillère qu’on chauffe et aux mélanges d’herbes des hauts-plateaux. Et surtout, surtout, faites-ça entre vous. Tel qu’il est, ce monde n’a plus besoin d’être acheté, conquis ou dominé.

Tel qu’il est, ce monde est déjà bien assez fou sans vous.



Retour à La Une de Logo Paperblog