Nuit tranquille. Visite au Père Figer (ou Pfiger ?).
Visite à Saint-Jean-Baptiste de la Salle, à M. de Bruignac, adjoint, et à l’ouvroir de Madame de Bruignac. Nuit.
Nuit terrible de 10 h à minuit etc.
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173
Mercredi 31 Mars 1915.
Cette fois-ci, aujourd’hui encore une nouvelle chose. Maria m’avait demandé de ne pas aller chez nous rue de Beine car il fallait qu’elle s’absente. Mais c’était plus fort que moi ; à dix heures il a fallu que je m’en aille et j’ai bien fait. En arrivant chez nous, toutes les serrures étaient sautées et toutes les portes ouvertes. Aussi je me suis empressée avec ton papa toute la journée de déménager mon mobilier. J’ai mis tout dans son grenier et encore, vois-tu, cela m’est toujours défendu d’aller chez nous. Le colonel n’a pas voulu me délivrer de laisser-passer. Il prétend que des environs de Berru on voit dans la rue de Beine.
En effet je ne t’ai pas dit : avant hier quand nous avons enlevé les marchandises, il n’y avait pas une demi-heure que nous étions là qu’ils nous ont bombardés, en moyenne 5 obus en une heure. Mais ils sont tous tombés dans le champ en face. Le comptable n’avait pas le sourire ; pour une fois qu’il venait chez nous, c’était réussi ! Nous en avons profité pour déménager la cave. Le colonel est venu et il met le vol sur le compte des civils. Il a l’air d’un vrai soldat, pas de fantaisie, la parole dure. Je lui ai parlé de toi et lui aussi m’a dit de ne pas désespérer.
Que je te finisse : aujourd’hui donc je me suis aperçue qu’ils avaient volé le peu de vin qui nous restait à la cave. Mais ce qui m’a fait le plus de peine, c’est qu’ils ont enlevé les deux magnums qui nous restaient. C’était un souvenir de notre mariage et tu t’étais pourtant promis de les représenter à la communion de notre coco.
Je me demande encore ce qui peut m’attendre. Reviens mon Charles. Je souffre de ne pas t’avoir et de ne rien savoir. J’ai écrit cette fois-ci à un professeur en Suisse qui fait parvenir ma lettre à un prêtre allemand. Là encore j’ai un peu d’espoir ; si petit soit-il cela m’aide à vivre.
Je t’embrasse de loin et je t’envoie mon cœur.
Ta Juliette.
Hortense Juliette Breyer (née Deschamps, de Sainte-Suzanne) - Lettres prêtées par sa petite fille Sylviane JONVAL
De sa plus belle écriture, Sylviane Jonval, de Warmeriville a recopié sur un grand cahier les lettres écrites durant la guerre 14-18 par sa grand-mère Hortense Juliette Breyer (née Deschamps, de Sainte-Suzanne) à son mari parti au front en août 1914 et tué le 23 septembre de la même année à Autrèches (Oise). Une mort qu'elle a mis plusieurs mois à accepter. Elle lui écrira en effet des lettres jusqu'au 6 mai 1917 (avec une interruption d'un an). Poignant.(Alain Moyat)
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Rue de Beine
Le journal "Le petit Havre" du 31 mars 1915 pour donner une idée de ce qui pouvait être publié à l'époque dans les journaux locaux.