Mardi 20 mai. Ouagadougou.
Hôtel Indépendance . A l’heure du petit déjeuner.
Les serveurs du bar où il est possible de commander un petit déjeuner léger (café-croissant, pour 2 200 francs CFA) sont débordés. De l’autre côté, la salle du restaurant “gastronomique” repeinte en jaune incandescent, est vide. Odeur de renfermé, pot de moutarde à la surface craquelée sur la table du buffet…voilà qui décourage le visiteur levé de bonne heure. Ici, le breakfast est à 6 500 francs CFA. Tout le monde, donc, se rue au bar…
La cuvée toute fraîche des nouveaux experts en développement de l’Afrique est à pied d’oeuvre. Quelque chose pourtant a changé. Nous étions moins jeunets, me semble-t-il. Ceux-ci me paraissent à peine sortis de l’adolescence. La très jolie jeune-femme (pantalons noirs et chemisier blanc, cheveux tirés, visage sérieux), qui s’impatiente au comptoir en attendant son café, porte trois sacs en bandoulière à chaque épaule.
A la table juste à côté, un long jeune homme à la barbe de trois jours, interviewe une longue jeune femme noire absorbée par l’écran de son ordinateur portable. “Et vous, comment définiriez-vous la stratégie?”, demande-t-il. Il a un accent américain. Je ne perçois pas la réponse de son interlocutrice à la voix trop faible. D’autant plus que l’impatience de la femme au comptoir est à son comble. Elle hausse le ton. “Mais enfin, je vais l’attendre combien de temps, ce café?”.
Elle a fini par déposer ses six besaces à terre. Le serveur, toujours souriant, lui apporte son café qu’elle avale d’un trait. Elle signe la facture qu’il lui tend et elle s’en va de son pas pressé à son expertise du jour.
Il y a aussi quelques baroudeurs plus âgés. La responsable de la location de voitures vient les saluer, dispensant à chacun, avec sa poignée de main, l’embrasement de son long regard langoureux.
Rien que de très ordinaire. Mais tout de même, le ballet de ces hommes et femmes affairés est plutôt blanc. La prédiction de Jean Chatenet, à travers son titre célèbre des années 70, “Petits blancs, vous serez tous mangés “, se révèle donc totalement fausse!
Où sont les Africains?
Derrière le bar. Ou dans le hall de l’hôtel. En tout cas, ailleurs. Certains attendent les experts venus en mission d’évaluation de projets, ou en mission d’identification de projets, ou en mission de conception de projets, ou en mission intermédiaire de réorientation de projets, ou en mission de rapporteur sur des sujets important comme les migrations internationales. Justement, il y a une conférence internationale sur le thème, se déroulant dans les salles de congrès de l’hôtel. On peut lire en effet sur des panneaux fléchés:
Réunion d’experts sur la coopération
en matière de contrôle de la migration irrégulière,
préparation à la 2° conférence ministérielle euro-africaine
sur la migration et le développement.
Surprise. Lorsque je vais changer des euros en francs CFA, à la réception, je tombe sur P. B., participant à la conférence. Il y a une dizaine d’années, il était responsable d’un réseau culturel francophone à Madagascar, tandis que je travaillais sur un projet de valorisation du français dans les six universités. Le voici à présent expert en migration. Mais pourquoi pas?
Et l’Afrique?
Le grand marché de Ouagadougou qui était un des pus beaux de l’Afrique de l’ouest a brûlé il y a trois ans. Les boutiques éparpillées dans la ville sont tristes, étroites. En décembre, un nouveau marché devrait être ouvert. Attendons. Mais en attendant justement, les merveilleuses cotonnades du Burkina tissées sur des métiers venus du fond des âges, en bandes étroites assemblées par la suite, sont toujours là. Malgré les projets fous ayant introduit les métiers à bandes larges. Alors, les couturiers d’Afrique de l’ouest (la réputation de ces bandes tissées du Burkina dépasse l’espace du pays), les ont découpées, ces bandes larges, pour retrouver les bandes minces cousues entre elles à point de surjet régulier.
photo empruntée au blog jumelage céligny-Bassi