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Logiciel

Publié le 02 avril 2015 par Rolandlabregere

Les lendemains d’échecs électoraux nourrissent la verdeur du langage. Les mauvais scores agitent la machine à formules assassines. A ce jeu érudit, Cécile Duflot en affirmant dans un entretien, à propos de Manuel Valls que « son logiciel est périmé », (Le Monde, 31.03.2015) adopte délibérément les codes langagiers des caïds de la politique. Logiciel, comme une comète lexicale, revient à intervalles réguliers alimenter de métaphores technologiques le discours politique. Logiciel s’est peu à peu imposé pour montrer du doigt celui par lequel l’échec ou la défaite arrivent.

A la question cruciale de l’union des alliés de la gauche, « Manuel Valls ne peut pas incarner ce rassemblement ? », Cécile Duflot livre un avis sévère qui prend des allures de sentence définitive. Si le logiciel de Manuel Valls « est périmé », c’est que, par extension, il est dépassé par une nouvelle génération. Il n’est plus compatible avec l’air du temps. En politique, le logiciel, entendons la réflexion, les références, l’histoire, les thèmes essentiels qui ont irrigué et fait vivre la pensée et la culture de la gauche, nourrit le programme. Offrir un logiciel plus performant au premier ministre, c’est suggérer qu’il puisse consacrer du temps à revisiter les fondamentaux, réinterroger les paradigmes. Doté d’un nouveau logiciel, le premier ministre pourrait alors se projeter dans le temps et faire état d’une conception renouvelée de l’action publique en présentant des propositions, des pistes de réflexion, si possible proches de celles que défend Cécile Duflot. L’ancienne ministre s’empare d’une matraque numérique pour montrer la distance qu’elle place entre sa vision et celle du premier ministre.

Pour autant, même si le passage de termes issus du lexique des technologies de l’information au registre du discours public est aujourd’hui admis, l’usage de logiciel relève dans la plupart des situations d’une intention polémique. Un logiciel devenu obsolète ne se répare pas. Il doit être remplacé par un autre plus performant. C’est là le piège de l’usage métaphorique de termes piochés à la va-vite dans un lexique d’emprunt. Dans la majorité des cas, son emploi fait appel à des allusions négatives ou péjoratives. La formule à l’emporte-pièce n’autorise pas à imaginer des liens de respect ou de camaraderie. Casses-toi, ton logiciel est périmé. Logiciel, c’est pour parler des autres. Pour faire état de sa petite horloge intérieure, l’usage a mis au-devant de la scène l’ADN. L’ADN est collectif. « Notre ADN, c’est… », formule généralement suivie d’un inventaire de valeurs structurantes. La métaphore est d’essence biologique. Elle fait donc référence au vivant. L’allusion au processus d’évolution s’impose.

Cécile Duflot joue à cache-cache avec un éventuel projet d’alliance avec les socialistes. Pourrait-elle avantageusement cibler le disque dur du premier ministre ? Il n’est pas déplacé de le supposer si ce dernier avait la capacité à accepter un autre logiciel. Faire un bon mot n’est pas forcément compatible avec le choix du mot adapté aux circonstances. Quand les discours manquent de fond, il n’est pas étonnant que les mots sonnent creux.


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