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Fausto puglisi, l'enfant prodige de la mode italienne

Par Aelezig

Article de Grazia - Février 2015

Avec son mélange d'imageries du Sud et de codes pop, il est le nouveau maestro transalpin. Depuis peu à la direction créative d'Ungaro, il insuffle à la griffe une énergie inédite. Rencontre.

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Lorsqu'on se prénomme Fausto, le diable n'est jamais loin. Dans la fente outrageuse d'une robe immaculée portée par Kendall Jenner, par exemple. Et quand on est sicilien, volcans et madones font partie du paysage. Street culture, références à Pasolini, éruptions non-stop d'énergie pop, goût démesuré pour les imprimés et les couleurs, du ciel électrique de la Méditerranée aux rayures des fauves africains en passant par les palmiers tropicaux... Benvenuti dans l'univers de Fausto Puglisi, 39 ans, créateur le plus "waouh" du moment. Applaudi pour sa marque (fondée en 2010), qui a imposé sa signature avant-gardiste dans les dressings des VIP (Rita Ora, Cara Delevingne, Solange Knowles, Beyoncé, Rihanna...), le fougueux Fausto Puglis est aussi à la tête, depuis 2013, de la direction créative de la maison Ungaro. Succès immédiat : après dix ans d'errance qui virent, notamment, Lindsay Lohan y faire une tentative express de reconversion professionnelle, la griffe retrouve les points de vente les plus prestigieux (Harrods, Selfridges, Barneys, Saks...) Et regagne une légitimité très stylée.

C'est vous, l'enfant terrible de la mode italienne ?

Je me sens totalement libre, donc l'appellation d'enfant terrible me va ! Je n'aime pas les règles quand elles me sont imposées. Mais il y aussi un côté très classique en moi qui respecte la notion de lois? Je veux les détruire, mais je les respecte.

Vous aimez les paradoxes ?

Dans tout ce que je fais, je suis double : j'aime le nouveau et j'aime l'ancien, mon grand-père et Miley Cyrus, la rigieur et la folie. Je peux être attiré, obsédé, par des choses diamétralement opposées. Si je vois une parade militaire, je suis fasciné par sa rigueur, sa dignité. Mais si au même instants, je vois un anarchiste, je suis ensorcelée par mon sens de la liberté. C'est pareil dans ma mode.

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Vous la décririez comme rigoureuse et explosive ?

J'aime l'idée d'une femme "tough", dure, presque violente. L'une des silhouettes clés de mon premier défilé pour Ungaro était androgyne, avec un chevron masculin modernisé où s'insérait de la mousseline de soie, qui exprime la féminité à son summum... Une dégaine masculin-féminin, récurrente dans mon travail pour Ungaro et qui, portée par Jamie Bochert, image de la maison de cette saison, est celle d'une femme un peu killer qui me plaît beaucoup.

C'est votre côté sanguin qui s'exprime...

Je suis de la Sicile : un pays de contraste permanent entre le bien et le mal. Au Sud de Naples, vous entrez dans un monde d'anges et de démons, dans une ambiance très "big fight". J'aime les ports, Istanbul, Marseille, Gênes, les villes de pirates.

Des villes d'enfants terribles, avouez !

Je m'y sens mieux qu'à Milan, où je ne réside que pour travailler. Je m'échappe dès que possible pour Naples ou la Sicile. Ou pour Los Angeles.

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C'est là que vous avez démarré votre carrière ?

Je suis parti aux Etats-Unis à 18 ans, sans un sou. Je parlais un anglais horrible ! J'ai d'abord été serveur. Puis j'ai rencontre Arianne Phillips, costumière de Madonna, qui m'a beaucoup aidé. C'était naturel pour moi de partir en Amérique, la liberté d'expression et le mix culturel y semblaient plus forts. Depuis très jeune, je suis attiré par la rue. Je ne parle du streetwear, mais du vendeur de poisson. J'adore Pasolini, sa vision du peuple. Selon moi, la beauté ne peut être que là où il y a mix.

Comment est née votre vocation mode ?

Petit, dans mes rédactions, j'écrivais que lorsque je serais grand, "je ferai Versace ou Armani". Dans mon enfance à Taormina, ils faisaient partie du tableau. Il fallait être d'un côté ou de l'autre. Moi, c'était Versace, flamboyant ! Armani, c'était propre, chaste, clinique. Puis, les Dolce & Gabbana, qui fréquentaient l'île pendant l'été, se sont imposés. Et moi qui faisais le mur pour aller en boîte de nuit, je voyais ces femmes en Dolce & Gabbana, aux seins incroyables, dont l'allure disait : "Regardez-moi. Je suis là. Je suis puissante." J'étais fasciné.

Un imaginaire d'enfant infernal, décidément !

Nous, Siciliens, sommes obsédés par l'élégance et la beauté. Ce n'est pas une chose à dire, mais même la mafia, hideuse du point de vie éthique, est dotée d'une esthétique fascinante, d'un imagiaire fort, lié au pouvoir et à la religion, à l'or et aux madones...

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Vous avez repris la direction artistique de la maison Ungaro en 2013. Quelle est votre vision ?

Emanuel Ungaro est un révolutionnaire. Le premier à avoir osé des mix extrêmes, culturels, ethniques... Chez lui, on retrouve la prostituée et le gendarme dans la même silhouette. Il idolâtre les femmes. Ungaro, c'était la femme libre, indépendante, sexy. Lui aussi est un méridional, originaire des Pouilles et du Sud de la France : il est couleurs, feu d'artifice. Et il a un côté américain, son plus gros business était là-bas. C'était une institution. Mais le monde a changé : Ungaro doit être ultra-contemporain. Il faut penser aux générations qui achètent sur Instagram. Sans oublier notre histoire. Je suis entre deux mondes : celui d'Andrea Camilleri, auteur sicilien patrimonial, et celui des teenagers...

Et si vous n'étiez pas devenu créateur ?

J'aurais été pêcheur. Ou pape !


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