Magazine Politique

Pussy Riot, vraiment ?

Publié le 11 septembre 2012 par Melusine

Depuis deux mois, grande mobilisation médiatique internationale en faveur d'un groupe d'agit prop russe nommé "Emeute des chattes" (à comprendre au sens argotique) dont trois représentantes ont été condamnées le 17 août 2012 pour leurs derniers agissements. Je lis encore dans un journal gratuit du 4 septembre que "La France s'engage pour les Pussy Riot". Les chanteuses "ont écopé de deux ans de camp... pour avoir demandé à la Sainte Vierge de 'chasser Poutine' du pouvoir lors d'un concert dans une cathédrale de Moscou". Qu'en termes choisis ces choses-là sont dites !

Un concert dans une église, bah voyons ! Cela s'appelle plutôt profanation d'un lieu de culte et dans la plupart des pays, démocratiques ou pas, c'est puni de bien plus que 2 ans de prison. Mais les réactions en Europe de l'Ouest sont assez caractéristiques de l'anti-cléricalisme latent qui considère toujours comme anodines les atteintes au sacré pourvu qu'il soit chrétien. Alors transposons. Si une église n'est plus sacrée pour vous, qu'est-ce qui l'est ? Certains bravaches répondront peut-être: rien, dans le genre "Ni Dieu, ni maître". Mais je n'en crois pas un traître mot ! Il suffit de voir quand les autorités réagissent, en général pour tout ce qui touche aux lieux de pouvoir. Imaginez une séance d'agit prop un peu trash au Sénat... Il suffit de voir surtout ce pour quoi on s'indigne aujourd'hui. Là est le nouveau sacré. Prenons un exemple : "Des éleves du Lycée Jean Jaures de Montreuil (93) profanent par leurs comportements et leur propos le lieu de mémoire du Camp de concentration Birkenau Auschwitz lors d'un voyage organisé le 24 novembre [2004]". Le comportement des lycéens inapproprié au lieu sacré est ainsi qualifié : "En ricanant, en tenant des propos antisémites, en se photographiant avec des positions et des gestes obcènes, en tournant en dérision ce site chargé de l'histoire pesante de l'inhumanité antijuive, nous considérons que ces élèves, choisis pour représenter leur Lycée et le Departement, ont profané ce lieu de mémoire hautement symbolique...". Je souligne le mot et, de fait, dans un lieu sacré, certaines paroles, certaines attitudes sont perçue comme sacrilèges et profanatoires ( sacer en latin implique le tabou), portant atteinte à la sacralité du lieu qui doit inspirer le respect, et appelant par conséquent les sanctions les plus sévères. Dans l'affaire des lycéens sacrilèges, les sanctions disciplinaires furent d'ailleurs jugées par certains insuffisantes : "Nous demandons au Procureur de la République d'engager des poursuites pénales à l'encontre de ces mineurs et leurs parents civilement responsables"...

Même lorsque la profanation ne s'accompagne pas de dégradations matérielles, même lorsqu'elle reste dans l'ordre du symbolique, elle appelle donc condamnation. Seulement voilà, ce qui est sacré pour les uns ne l'est plus pour les autres dans nos sociétés relativistes. Cependant, et comme chacun est maître chez soi et tributaire des lois du pays, peut-on vraiment reprocher aux autorités russes de sévir ? Car si les paroles et les positions obscènes des donzelles en la cathédrale du Christ Sauveur de Moscou n'émeuvent pas à Paris ou New York, elles sont bel et bien sacrilèges aux yeux de beaucoup de croyants. Et comme dirait le "méchant" Poutine : allez donc faire ça dans une mosquée du Caucase, pour voir !

Les provocations anarcho-punk des groupes Pussy et Vaïna ("La Guerre") sont un petit jeu avec le pouvoir. Elles n'ont vraiment d'écho que parce qu'elles choquent les bonnes mœurs, comme l'orgie organisée par Vaïna au Musée Timiryazev à Moscou, avec la participation active de l'une des Pussy aujourd'hui condamnées, ou la séance de masturbation dans un supermarché avec des poulets congelés, ce qui relève à tout le moins du trouble à l'ordre public et de l'exhibitionisme. Le but de la provocation est précisément de susciter une réaction des autorités. Mais en quoi est-ce politique ? Guère plus que les slogans de "hooligans" lors d'un match de foot. Et quel serait le message ? Que Poutine est méchant ? Ce n'est pas vraiment nouveau et ça lui fait une belle jambe ! Tout cela participe du confusionnisme ambiant : la presse donne plus de retentissement aux "performances" de provocateurs qu'à l'action et au discours politique sensé. Je n'ai rien contre l'agit prop. C'est parfois un outil politique efficace, mais encore faut-il avoir les idées claires. A cet égard, Occupy Wall Street mériterait bien plus d'attention médiatique et de sympathie internationale...

Quant à la musique des Pussy Riot, puisqu'il paraît qu'il s'agit d'un groupe de rock, personne à vrai dire n'en a rien à battre. Elle ne vaut même pas "Rebel Girl" du groupe de punk féministe américain des années 1990 Bikini Kill, qui serait leur modèle.

Voir aussi : www.sfaqonline.com/2012/08/14/viona-pussy-riot-and-the-russian-winter/

et : http://leplus.nouvelobs.com/contribution/616209-pussy-riot-le-syndrome-dommageable-d-une-indignation-selective.html


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Melusine 139 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines